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Radhia achouri, porte-parole de la MINUSMA : « Nous n’avons jamais pris parti et nous ne le ferons pas »

Une interview exclusive de Radhia Achouri, porte-parole de la Mission internationale des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Radhia Achouri cheif public information

IR : La Minusma a un nouveau mandat depuis le 29 juin 2015, il s’agit de la Résolution 2227, qu’est-ce qui différencie cette Résolution à celle qui vient de s’écouler ? 

RA : Le nouveau mandat de la Minusma sous la Résolution 2227 (2015) adoptée par le Conseil de sécurité le 27 juin 2015 reconduit dans leur ensemble les tâches qui ont été assignées à la Mission dans son mandat précédent (Résolution 2164), mais prend en compte la signature de l’accord pour la paix et de réconciliation au Mali et sa mise en œuvre, pour attribuer des tâches spécifiques à cet égard à la Mission.

Donc la différence du nouveau mandat par rapport à celui qui vient de s’écouler réside dans le fait qu’il a été réorienté dans la plupart de ses composantes sur le rôle de la Minusma dans l’accompagnement et l’appui au gouvernement malien au premier chef et aux autres parties de l’accord pour la paix, en particulier s’agissant de la surveillance du cessez-le-feu, les bons offices du chef de la Minusma, la réconciliation et l’appui à l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali.

Le mandat de la Minusma a été renforcé en ce qui concerne le cessez-le-feu. Le Conseil de sécurité a validé l’envoi de 40 observateurs militaires chargés de surveiller et de superviser le cessez-le-feu. En outre, c’est la première fois que le Conseil de sécurité déclare dans sa résolution qu’il est disposé à envisager des sanctions ciblées contre ceux qui s’emploient à empêcher ou compromettre la mise en œuvre de l’accord, ceux qui reprennent les hostilités et violent le cessez-le-feu, ainsi que contre ceux qui lancent des attaques contre la Minusma ou menacent de le faire.

 

IR : Est-ce que les aspirations du gouvernement malien ont été prises en compte ?

RA : Le Conseil de sécurité a jugé que le mandat de la Minusma en ce qui concerne les aspects sécuritaires (protection des civils et aide à la stabilisation des principales agglomérations et les autres zones où les civils sont en danger) est suffisamment robuste pour la tâche confiée à la Minusma.

Je voudrais tout d’abord lever une fois une équivoque et rappeler les principes fondamentaux qui conditionnent la mission de toute opération de maintien de la paix, y compris la Minusma. Ces principes comprennentl’impartialité et le non-usage de la force sauf dans des cas spécifiques de légitime défense. Ces principes sont souvent ignorés et sources de malentendus.

Il faut rappeler à cet égard que le rôle de la Minusma ne comprend pas une composante d’action militaire contre les groupes terroristes ou d’intervention armée dans un conflit entre belligérants. Certes, nous contribuons à la lutte contre le terrorisme et aussi contre le narcotrafic, par le biais de nos patrouilles qui empêchent l’extension de la présence de ces groupes et autres appuis. Nous partageons également toutes les informations relatives à ce sujet avec les institutions maliennes concernées et avec l’opération Barkhane, qui a le mandat de  lutter contre le terrorisme en appui à l’Etat malien. Nous nous interposons aussi pour prévenir des conflits armés et aidons à prévenir les affrontements intercommunautaires et nous usons de nos bons offices pour prévenir de tels conflits, assurer leur cessation une fois déclenchés.

Mais avec les moyens humains et matériels que nous avons, nos casques bleus ne peuvent pas être partout sur un territoire aussi vaste que celui du Mali. Il est à rappeler que la seule région Kidal, par exemple, est une fois et demie plus vaste que le Sénégal et la Gambie réunis et nos effectifs militaires et de police sur le terrain sont de presque 10 000.

 

IR : Beaucoup de Maliens pensent que la Minusma est complaisante quand il s’agit de la CMA, que leur répondez-vous ?

RA : Notre réponse à cette accusation est constante et le sera toujours. Nous la réfutons totalement comme nous réfutons l’accusation inverse de partialité en faveur d’autres parties. Nous avons mené nos tâches qui nous ont été attribuées par le Conseil de sécurité et par les parties maliennes dans les accords qu’ils ont signés et continuons de les mener en toute impartialité, ce qui est un principe cardinal qui conditionne le travail des Nations unies et ses opérations de paix.

Notre mandat de facilitateur est clairement défini par les résolutions du Conseil de sécurité 2100. Nous n’avons jamais pris parti dans aucun aspect de notre travail avec quelque partie que ce soit. Et nous ne le ferons pas. La Minusma ne fait qu’accomplir son mandat en veillant à ce que les parties honorent les engagements qu’ils ont pris, librement, dans le cadre des accords signés et des résolutions du Conseil de sécurité.

Nous pensons que la Minusma a beaucoup fait pour atténuer les tensions sur le terrain entre les parties au processus de paix grâce à ses démarches de bons offices, de surveillance du cessez-le-feu, et pour assurer la signature de l’accord pour la paix par toutes les parties.

Cela étant  dit,  notre ligne conductrice est simple et claire : c’est aux Maliens qu’il revient de consolider leurs rangs et c’est aux parties signataires de l’accord pour la paix de le mettre en œuvre et nous sommes engagés à les accompagner et à les assister jusqu’à ce qu’un règlement durable de la crise malienne soit achevé.

 

IR : La Minusma est en train de se construire un nouveau quartier général, est-ce à dire que la fin de la crise n’est pas pour demain ?

RA : Tout d’abord, le siège  actuel de la Minusma à Bamako a toujours été envisagé comme un siège temporaire et nos plans, en accord avec le gouvernement malien, ont toujours été d’établir notre siège ailleurs dans la capitale, quelle que soit la durée de vie de la Minusma.

Deuxièmement, il faut se rappeler que  le parachèvement de la signature de l’accord pour la paix a été accompli il y a moins de deux mois et la paix durable n’est pas encore gagnée. La signature de l’accord pour la paix, comme tout le monde s’est accordé à le dire, aussi bien les Maliens, à commencer par les parties à l’accord elles-mêmes, que la communauté internationale, n’est qu’une étape du processus de paix qui doit à terme mettre fin à la crise malienne. Le travail de mise en œuvre de l’accord n’a fait que commencer il y a quelques semaines. Il faut souligner à cet égard qu’aussi bien l’accord pour la paix que la Résolution 2227 du Conseil de sécurité octroient un rôle prépondérant aux autorités maliennes dans la mise en œuvre dudit accord. Ils octroient également des responsabilités aux autres parties signataires. Donc, la rapidité en termes de mise en œuvre de l’accord et la résolution durable de la crise malienne dépendent au premier chef des parties à l’accord.

 

IR : L’accord du 20 juin tarde à se frayer un chemin, en tout cas, pas par la faute du gouvernement malien. Quel serait  le comportement de la Minusma à l’égard de ceux qui s’opposeront à sa bonne marche ?

RA : Le Conseil de sécurité a été clair au sujet de ceux qui compromettraient la mise en œuvre de l’accord. Cela étant dit, jusqu’à maintenant, aucune des parties ne s’oppose à la bonne marche de l’accord et le Comité de suivi de l’accord, qui compte la Minusma parmi ses membres, veille quotidiennement à ce que les engagement pris soient honorés et selon les calendriers qui seront bientôt établis par les 4 sous-comités du CSA et que les points de discorde enregistrés soient réglés et ne constituent pas une entrave à la poursuite de la mise en œuvre de l’accord.

Les défis à la paix font partie des préoccupations quotidiennes de la Minusma et de son chef, Mongi Hamdi qui, conformément au mandat d’user des bons offices qui lui est accordé par le Conseil de sécurité, est en contact régulier tous les jours avec le gouvernement malien et les chefs des autres parties signataires afin d’empêcher toute manœuvre pouvant altérer ou entraver la marche vers la paix durable et irréversible. Nous estimons qu’à ce stade, il n’y pas de raisons pour s’inquiéter sur la bonne marche du processus de paix et nous continuons à encourager les parties à maintenir le cap et à traduire leurs engagements par des actes tangibles qui rassurent la population malienne que les promesses faites sont effectivement tenues.

 

IR : Est-ce que vous avez un message particulier à l’endroit des Maliens qui pensent que la Minusma est présente au Mali pour combattre les groupes armés ?

RA : Le mandat de la Minusma est clairement spécifié dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui sont toutes disponibles au public et aux médias.

Notre mandat n’a jamais contenu une telle tâche, ni celle de combattre le terrorisme d’ailleurs, et que notre mandat est d’assurer sans préjudice de la responsabilité première des autorités maliennes auxquelles il incombe au premier chef de protéger les civils au Mali, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques et d’écarter les menaces contre les civils en empêchant le retour d’éléments armés dans les zones ou les civils sont en danger, et ce bien sûr dans la limite de nos moyens (quelque 9000 casques bleus déployés dans le Nord du pays et la région de Mopti) et de nos capacités qui ne peuvent pas couvrir tout le vaste territoire malien.

Notre mandat n’est pas un mandat pour faire la guerre, mais un mandat pour aider à établir la paix. La guerre n’est plus à l’ordre du jour entre les parties maliennes conformément à l’accord pour la paix, qui se réfère d’ailleurs à toutes les parties, en tant que Maliens, comme partenaires de la paix.

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