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Que sont-ils devenus… Ibrahim Berthé : Tel M’Bappé, tel autre !

Ibrahim Berthé dit M’Bappé était l’un des rares défenseurs qui gagnait presque tous ses duels avec les attaquants. Evoluant tantôt libéro, tantôt stoppeur, son statut de gardien du temple lui conférait le secret de l’anticipation. Au début des années 1980, quand il amorçait le dernier virage de sa carrière, ses accrochages avec les jeunots Yaba, Platini et Kaloga amusaient la galerie. Parce que les trois avaient chacun leur petite qualité, qu’ils utilisaient comme arme fatale : Yaba, un dribbleur hors pair, Platini, très intelligent et Kaloga, une fin technicien. Mais M’Bappé leur démontrait que c’est la vieille marmite qui sait faire les bonnes sauces. Il analysait à l’avance leurs mouvements pour les anéantir au bon moment avec ses longs pieds. Capitaine du Stade malien de Bamako pendant sept ans (de 1975 à 1982), M’Bappé était un joueur qui ne parlait pas et ne s’énervait pas non plus.  Courtois avec tout le monde, même l’arbitre Modibo N’Diaye, reconnu pour son impulsivité sur le terrain, avait un respect religieux pour lui. Qu’est-ce qu’un bon défenseur ? Selon M’Bappé, c’est celui-là qui se met en tête qu’il est le dernier rempart. En cas d’erreur, c’est la catastrophe. A ce titre, il doit rester concentré, savoir apprécier la trajectoire du ballon et prendre le devant sur les actions face à des attaquants, souvent rapides et talentueux. La rubrique “Que sont-ils devenus ?” est allée à la rencontre du géant défenseur du Stade malien de Bamako et des Aigles du Mali, à son domicile à Titibougou, en commune I du district de Bamako. Confortablement installé dans son salon, nous avons savouré avec lui le film de son jubilé joué le 22 septembre 2014 à Banamba. Il demeure cet homme aimable et accueillant.

Sans l’avoir jamais vu jouer au ballon, beaucoup d’acteurs sportifs ont de l’affection, de l’estime et de la considération pour Ibrahim Berthé comme s’il l’avait suivi durant toute sa carrière du seul fait de son surnom M’Bappé qui sonne bien à l’oreille.

Un sobriquet venu d’ailleurs

Ibrahim Berthé était d’abord surnommé “Diouf”, en référence à feu Alioune Badara Diouf du fait de sa taille. Puis plus tard, lorsque le club camerounais de l’Oryx de Douala dans lequel évolue le géant M’Bappé Leppé est venu jouer à Bamako contre l’AS Réal en 1966, le sobriquet M’Bappé lui est attribué par ses camarades.

Ibrahim Berthé a eu une chance dans sa carrière : tout le monde (dirigeants des clubs, supporters, joueurs) lui vouait un respect inestimable. C’est pourquoi, à l’entame de notre entretien, il n’a pas manqué d’adresser ses sincères remerciements et toute sa reconnaissance aux anciens Tiéba Coulibaly, El Hadj Mody Sylla, Mamadou Samba Konaté, Seydou Bathily, Dioncounda Samabaly.

Au terme de douze ans de parcours au Stade malien de Bamako et deux en équipe nationale, Ibrahim Berthé raccroche les crampons en 1982. Il avait trente-cinq ans, et venait juste de rentrer du Japon où il avait effectué un stage de perfectionnement en sa qualité de technicien électro mécanicien à la Régie des Chemins de Fer du Mali.

Après trente-quatre ans de services, il a fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2004.

Dès lors, il s’est réfugié chez lui à Titibougou, avec comme occupations principales la mosquée, la marche, l’arrosage des fleurs. Agé aujourd’hui de 71 ans, l’ancien joueur du Stade maintient apparemment toujours une santé de fer. Selon ses propres déclarations, il ne souffre d’aucune maladie. Notre entretien avec M’Bappé nous rappela le grand-père au village entouré de ses petits-enfants, et égrenant les belles histoires de l’hyène et du lapin. L’homme a beaucoup de choses à dire sur le football malien. On aurait dû rester avec lui le plus longtemps possible. Seulement, en un moment donné, ses petits-enfants, revenus du jardin et de l’école, ont perturbé l’atmosphère. Chacun voulait coûte que coûte raconter sa journée. Dans ces conditions, une interview paraissait très difficile voire impossible, mais les deux heures passées avec le grand M’Bappé nous ont permis d’échanger sur sa carrière et l’histoire du football malien.

Les retombées du football

Au Stade malien de Bamako, Ibrahim Berthé a passé 12 ans comme titulaire. Durant cette période, il a joué quatre finales de coupes du Mali (1970, 1972, 1975, 1979), avec deux victoires et remporté deux titres de champion.

A un moment donné, l’âge et la fatigue l’ont obligé à raccrocher définitivement. Parce qu’il a vraiment fait une ébauche d’énergie, surtout qu’au même moment, il était le capitaine de l’US Rails lors des éditions de la coupe Corpo et des tournois d’amitié au Sénégal.

L’analyse des réalisations de M’Bappé nous a poussé à lui demander le secret de sa réussite. Parce que bon nombre de joueurs de sa génération n’ont pas eu sa chance. La différence avec certains anciens joueurs réside dans le fait qu’il a commencé à travailler la même année où ‘il a signé sa première licence au Stade malien de Bamako. Il dit avoir bien organisé sa vie, et profiter des retombées des différents stages de perfectionnement à l’extérieur. Est-ce à dire qu’il ne doit pas sa réussite au football ? D’un geste brusque, M’Bappé dit comment le football continue à lui rendre service à travers un seul cas concret : “Je dois tout au football malien, à tous ses dirigeants, du Stade au Djoliba en passant par l’AS Réal. Pour la petite histoire, en 2004, quand j’ai déménagé chez moi à Titibougou, il y’avait un problème crucial d’eau. Chaque jour, je me rendais en ville pour payer cent litres d’eau. Un jour, ma femme m’a conseillé de faire un tour à l’Edm, sinon cette situation ne saurait continuer. Effectivement, je suis parti à l’Energie à Djicoroni. Une fois dans la cour, je ne savais pas là où partir. Subitement, un jeune est venu m’appeler au nom de son chef. C’était le directeur, il m’a vu à travers les vitres de son bureau. Sa première question était de savoir si je suis M’Bappé. J’ai répondu oui, et il m’a dit qu’au moment où je jouais au Stade, il était étudiant et assistait aux séances d’entrainement des Blancs. Après les salutations d’usage, je lui ai expliqué le but de ma présence. Il s’est rassuré de deux choses : le niveau d’évolution de mon dossier et ma position financière. Franchement, j’étais prêt à tous les niveaux. Il a téléphoné au directeur technique pour lui dire qu’il lui envoie un souvenir. Lequel ? Ce dernier était impatient de découvrir ce personnage auquel son patron accordait tant d’importance. A ce niveau aussi, c’étaient les mêmes rappels historiques.

Les deux responsables ont conjugué leurs efforts et j’ai fait l’économie de toutes les tractations menées. Le même jour, j’ai eu l’eau et ma famille n’en revenait pas. A l’époque, il fallait un groupe de dix personnes pour demander la fontaine. Moi seul, je l’ai eu en moins de vingt heures. Sans le football, est ce que j’allais avoir cette faveur ? Donc, le football m’a servi et continue de me servir à travers les relations”.

Le bail écourté d’Abidjan

Né le 27 aout 1947 à Bamako, Ibrahim Berthé dit M’Bappé est un pur produit du FC Alliance. Sa présence dans ce club entre 1968 et 1969 était stratégique, parce qu’il ne pouvait pas aller directement au Stade avec la pléthore de joueurs talentueux. Son désir sera réalisé quelques mois après. Tiémoko Sinaté, un joueur du Stade est allé le chercher afin qu’il soit son co-équipier. Il ne pouvait pas rêver mieux, avec cette proposition. Certes, il a sauté sur l’occasion, mais il écopa d’une suspension d’un an. Cette décision produira d’ailleurs l’effet contraire sur M’Bappé, il ne se découragea nullement et continua de s’entrainer avec les Blancs de Bamako. L’entraineur à l’époque, Charles Jondo, l’a maintenu dans son groupe. C’est à ce titre qu’il a effectué des déplacements, et bénéficié de primes de matches. Au terme de la suspension, quelques matches ont suffi pour que M’Bappé soit un titulaire dans l’axe central du Stade malien de Bamako, au moment où y prestaient les Moussa Traoré dit Gigla, Mamadou Keïta dit Capi, Oumar Bah, Moussa Fané, Issa Yattassaye, Issa Bagayoko, Cheick Diallo, Badoulaye Traoré, Issouf Falikè.

Ce merveilleux groupe a créé la sensation en son temps, parce que composé du fruit du jardin d’enfants de Ben Oumar Sy. Ce groupe sera déglingué en 1974 avec le départ pour la France de certains ténors, notamment Capi, Cheick Diallo, Yattassaye, Gigla. Avec cette nouvelle donne, M’Bappé et les autres se font un souci, à savoir comment colmater les brèches ? Ils y parviendront tant bien que mal, face à un Djoliba dans toute sa plénitude, un Réal qui monte en puissance, un COB ambitieux. En 1975, il hérite du brassard de capitaine et devient le gardien du temple par sa position dans l’axe et sa sagesse.

 Un an auparavant, il est sélectionné en équipe nationale, pour y passer quelques années.

Déjà en 1973, les Ivoiriens du Stade d’Abidjan sont venus le chercher au lendemain de la rencontre qui a opposé l’Asec d’Abidjan au Stade malien de Bamako. Ce jour, qui constitue l’un de ses meilleurs souvenirs, M’Bappé a neutralisé l’empereur Baoulé, Laurent Pokou. La nuit, il a quitté le Mali à l’insu de tout le monde, y compris ses parents. Une fois à Abidjan, on lui fait signer un contrat, assorti d’un recrutement à la RAN (l’équivalent de la Rcfm). Il n’aura passé que trois mois. Ses parents lui envoient une lettre par laquelle il devait faire un choix entre la Côte d’Ivoire et ses géniteurs. Encore, nuitamment, sur la pointe des pieds, il retourne au Mali. Et c’est là où il tient à rendre un vibrant hommage à Djibril Diallo, à l’époque directeur des Chemins de Fer du Mali. Celui-ci l’a protégé, parce que son absence non justifiée pouvait déboucher sur son licenciement pour abandon de poste. Djibril Diallo a même ordonné le paiement de ses trois mois de salaire, malgré son comportement. Puisqu’il a évolué sous la coupe de plusieurs entraineurs et s’il devait choisir le seul qui l’a beaucoup marqué ?

M’Bappé sans nul doute estime que c’est Capi qui a pu lui transmettre sa science et pense que son décès est une perte pour le football malien. Pour lui, les entraineurs de la trempe de Mamadou Keïta sont rares.

Souvenirs blancs et noirs

Il est évident que sa carrière a été marquée par des bons et mauvais souvenirs. Lesquels ? L’enfant de Banamba revient sur certaines pages de son histoire. “Pour ce qui est de mes bons souvenirs, j’en ai trois. D’abord à Abidjan contre l’Asec en 1973, quand j’ai neutralisé Laurent Pokou lors du tournoi Fama Touré (Paix à son âme), qui était président de la Fédération ivoirienne de football.

Ensuite à Lomé, contre la Modèle locale (en coupe d’Afrique des clubs champions) en 1973 où tout le monde s’est accordé à dire que j’ai fait un bon match.

Le dernier match, c’était à Conakry en 1979 lors d’un match amical contre le Hafia Football Club qui s’est joué en aller et retour. A Conakry, malgré la défaite, j’ai été l’homme du match. Après la rencontre, les Guinéens sont allés me chercher à l’hôtel pour me convaincre de rester en Guinée, avec un emploi garanti.

Aussi, j’ai deux mauvais souvenirs.  Le premier c’est en 1975 à l’occasion de la finale de la coupe du Mali contre le Djoliba. Le Stade menait au score, but marqué par Yacouba Diarra dit Yacou Pelé.  Malheureusement, dans les ultimes minutes, nous sommes victimes d’une erreur d’arbitrage. L’arbitre venait de siffler un penalty, suite à une faute imaginaire qu’aurait commise notre arrière latéral, ” Gorel “. Le penalty a été marqué et lors de la seconde édition, le Djoliba s’est imposé sur le score de 1-0”.

Le second, c’est notre suspension en octobre 1976, survenue à partir d’un fait banal. Lors d’un match de début de saison, nous étions opposés au Djoliba. Le règlement prévoyait les tirs aux buts en cas d’égalité au terme du temps réglementaire. A notre surprise, à la fin du match, l’arbitre nous demande de jouer les prolongations. Ce que nous avons naturellement refusé, appuyés en cela par nos dirigeants. Quelques jours plus tard, des suspensions allant de six mois à un an sont prononcées à l’encontre de la plupart des joueurs du Stade révolutionnaires.

, Marié et père de 7 enfants, Ibrahim Berthé dit M’Bappé consacre sa retraite au sport et à ses petits-enfants qui ne le quittent point après les classes.

O. Roger Sissoko

Source: Aujourd’hui-Mali

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