Amadou Moustapha Diop est l’un des promoteurs de DFA Communication. Pour titrer cet article, nous avons juste changé un déterminant de son affirmation pour justifier sa passion pour la communication. En effet, il a écrit un livre autobiographique intitulé “La Com, ma vie”
. Il faut vraiment le rencontrer pour comprendre comment du statut d’infirmier d’Etat ( il a servi dans plusieurs hôpitaux anglais), il s’est retrouvé dans la communication pour ensuite devenir un as. C’est un exemple d’autodidacte de la communication au Mali qui entend perpétuer ses expériences, qui nous a chaleureusement reçu au siège de son agence de communication. La rubrique “Que sont-ils devenus ?” fait découvrir le parcours passionnant, instructif, mais surtout parsemé d’embûches et d’obstacles d’un homme qui, en décidant d’écrire, n’est animé que d’un seul sentiment : inciter les jeunes à entreprendre et à ne rien lâcher.
vant de le rencontrer, il était de notre devoir de lire son livre. Nous réussissons cet exercice en deux jours. Sans complaisance, c’est un chef-d’œuvre. En termes de clarté, de concision, de précision et de la qualité simple du français ou du style, son livre nous rappelle d’autres notamment : “De la stratégie judiciaire” de l’avocat français Jacques Vergès, “Transferts définitifs” de feu le colonel Assimi Dembélé, “L’héritage” du Sénégalais Birago Diop, “Le chemin de l’honneur” de l’ancien bagnard de Taoudéni Guédiouma Samaké. Ils ont tous un dénominateur commun : ils donnent envie d’aller vite à la page suivante. Par le plus pur des hasards, l’ancien ministre Ousmane Sy interrompt notre interview et tombe sur la question relative au mérite du livre. Et c’est lui qui répond à la place de notre héros du jour en ces termes. “C’est un communicateur, il connait la valeur des mots et le contexte dans lequel ils doivent être utilisés”.
L’on a coutume de dire que la mémoire est sélective. Elle ne retient que ce qui l’intéresse. En décidant d’écrire un libre, que lui inspire cette assertion ? Selon lui la mémoire est fréquemment décrite comme sélective, car elle ne traite pas toutes les informations de manière équivalente, ni ne les conserve ou ne les récupère de façon uniforme.
En réalité, elle n’est pas une reproduction fidèle de la réalité, mais une reconstruction subjective, façonnée par des facteurs internes et externes. Quant à sa propre expérience, il reconnait que sa mémoire ne peut en aucun cas restituer de manière exacte l’intégralité de sa vie.
Cependant, elle lui permet une reconstruction, forcément partielle, influencée par le choix des souvenirs qu’il décide de transmettre. Ce processus de sélection, qui s’opère naturellement, a été essentiel pour choisir parmi la multitude d’événements marquants qui ont ponctué sa vie.
Ainsi, ce livre n’est pas une reproduction exacte de sa vie, mais une sélection de moments et de réflexions qu’il choisit de partager. C’est cette subjectivité qui lui donne forme, offrant un regard personnel sur son parcours.
Le Monsieur “Décentralisation” Dr. Ousmane Sy qui a préfacé son livre perçoit chez lui des qualités humaines qui témoignent d’une éducation familiale rigoureuse. Il soutient aussi qu’Amadou Moustapha Diop est respectueux, courtois et professionnellement curieux, sérieux et d’une fiabilité rare chez les jeunes de sa génération. Les deux hommes se sont connus à travers son associé Daouda Fall. L’expert en communication de l’Union européenne auprès de la Mission de décentralisation conseille à l’ancien ministre de rencontrer les deux jeunes promoteurs de MC2. Depuis lors, ils ont eu des relations de travail cordiales.
De notre rencontre avec Amadou Moustapha Diop, nous retenons que par sa propre expérience, il peut enseigner l’adage selon lequel “il n’ya pas de sot métier, mais de sottes gens”.
L’homme, c’est 12 métiers, 13 valeurs
Pâtissier, apprenti électricien, infirmier, communicateur, il a de l’ambition et sait où poser le pied pour une destination certaine et pleine de réussite. Difficile peut être pour nous de tout dire sur cet enfant de l’un des vieux quartiers de Bamako, où il a passé son enfance.
En janvier 1990, il opte pour un saut dans l’inconnu, avec comme point de chute Londres, en Angleterre. Déjà en poche son baccalauréat et le diplôme universitaire de technicien supérieur en soins intensifs généraux décroché à l’Institut paramédical de Constantine en Algérie. Un aventurier n’a pas le choix, mais il fallait quand même s’intégrer par l’apprentissage de la langue anglaise.
Par la suite, il trouve un emploi dans une pizzeria à Lewisham, un quartier du Sud-Est de Londres. Après s’être fait renvoyer de cette entreprise pour insubordination, Amadou Moustapha Diop entreprend des cours d’adaptation pour valider son diplôme étranger. Muni de sa carte professionnelle d’infirmier, il travaille comme intérimaire dans plusieurs hôpitaux anglais. Moment qu’il choisit également pour s’inscrire à l’Université de Reading pour un master en santé de sciences infirmières.
Après quelques années en Angleterre, Amadou Moustapha Diop décide de donner une nouvelle orientation à sa vie. L’affinité, la grande complicité avec les malades de l’hôpital ne l’empêchent pas de les quitter définitivement. Il débarque à Bamako en novembre 1993. Pourquoi ? “Je ne voyais pas ma vie là bas. Etant le fruit de l’école publique, il fallait rendre au pays ce qu’il nous a donnés”, soutient-il. Une fois à Bamako, la recherche d’emploi devient son quotidien. Il se rappelle que les C.V déposés par-ci par-là n’ont pas abouti, et les entretiens d’embauche se sont succédé sans vraiment de promesses fermes.
Entre-temps, il prend ses quartiers tous les jours au bureau d’un de ses amis d’enfance, Daouda Sylla Fall. Lequel avait quitté Paris pour créer Mali Communication Conseil (MC2). Celui-ci le convainc à s’investir pour son entreprise à travers ses relations pour obtenir des marchés. Du coup, Amadou Moustapha Diop fait un choix qu’il qualifie aujourd’hui de facteur de circonstance ayant tracé son destin. Il met de côté son arsenal médical pour une nouvelle aventure : la communication.
La chance sourit aux audacieux
A-t-il fait le bon choix ? Oui pour avoir survécu en s’imposant et en se rendant utile à son pays à travers la création d’emplois pour les jeunes. Son expérience dans le domaine de la santé lui permet vite de s’imposer et de s’adapter au contexte communicationnel. A l’époque grâce à l’engagement des deux amis, MC2 réalise des spots publicitaires pour une grande entreprise de carburant, et des campagnes d’envergure pour les services de santé du Mali, notamment dans le cadre de la lutte contre le paludisme et le Sida.
A un moment donné, la lourdeur dans les prises de décision par les actionnaires, et surtout leur réticence à investir dans les matériels de production poussent les deux complices à s’assumer. Voilà que DFA Communication (Diop/Fall Communication) est créé en 1997.
L’audace est osée, le risque est gros. Fallait-il se faire des soucis dans ce sens ? Forts de leur savoir faire, du vécu de MC2, les deux associés foncent et croient en leurs potentialités dans le domaine. La Mission de décentralisation, les banques, le Système des Nations unies, surtout Ikatel (devenu Orange le 30 novembre 2006) sont les premiers clients partenaires de DFA-Communication. Les concours de circonstance et la perspicacité font accélérer les choses pour l’agence. Elle se fait le plaisir de construire un siège dans l’ACI 2000.
Et puis vint 2002 ! Le candidat aux élections présidentielles Soumaïla Cissé sollicite les services de DFA-Communication. L’agence élabore une stratégie de communication articulée autour du projet de société, de la profession de foi du candidat. Au lendemain des élections un constat : certes Soumi a échoué, mais le concept communicationnel développé a fait tache d’huile. Une réalité qui dirige ATT tout droit vers DFA-Communication, cinq ans plus tard quand il décide de briguer un second mandat.
L’ancien président reconnaît que Soumaïla Cissé a fait une meilleure campagne de communication que lui. Fort de ce constat, il décide de faire recours à DFA-Communication dont les patrons sont devenus ses bons petits frères. Les deux associés demandent au président ATT d’informer au préalable Soumaïla Cissé (parce qu’ils cheminent ensemble depuis 1995).
L’ancien ministre n’y voit aucun inconvénient et soutient même cette belle initiative de ses cadets, qui pour lui est une preuve de fidélité et de loyauté. Le coup était jouable dès lors que Soumaïla Cissé n’était pas candidat en 2007, et qu’il soutenait même la candidature d’ATT. DFA a conçu quel plan pour donner un éclat particulier à cette campagne présidentielle ?
Amadou Moustapha Diop nous dit qu’une retraite de sept jours à Dakar a suffi pour élaborer une stratégie de communication axée sur 21 jours de campagne avec comme slogan “21 raisons pour réélire ATT” sur la base de son bilan impressionnant. La prouesse en son temps, selon Diop, est le lancement d’un journal quotidien “Le Contrat” qui permet aux Maliens de découvrir au jour le jour les 21 jours de campagne du candidat ATT.
Bref, Amadou Moustapha devient une référence incontournable à travers l’agence de communication. Un domaine qui lui a permis de côtoyer les hommes politiques, d’être un témoin, un acteur de la démocratie malienne. Malgré ce privilège, il rejette toute idée assimilée à un bilan négatif de cette démocratie. Pour lui, la vie d’une nation repose sur différents cycles.
Chaque volonté, chaque tentative a ses tenants et aboutissants, ses forces et faiblesses. Donc il ne saurait dire que la démocratie n’a pas servi, mais elle n’a pas pu atteindre ce jour tous les objectifs qu’on attend d’elle. Sa recette ? Sans être un politicien, sa logique n’est pas un standard. Seulement il faut que le peuple ait un niveau intellectuel acceptable pour faire le bon choix. Malheureusement, le vote est monnayé au Mali, ce qui fait le bénéfice de la démocratie vole en éclats. Chaque Malien devrait inculquer en soi le patriotisme et la citoyenneté.
En trente ans de carrière, il a forcément des souvenirs à raconter. Le seul fait qui marque à présent son esprit demeure le saccage de son matériel de travail. Parce qu’il refuse de croire et de comprendre comment de façon délibérée on peut détruire le matériel de travail d’un compatriote ? Que s’est-il réellement passé ?
Amadou Moustapha Diop se souvient amèrement. “En septembre 2010 juste après mon retour du Canada, notre client Orange-Mali décide d’organiser pour remercier ses clients un grand concert sur le boulevard de l’Indépendance. Ce grand projet est confié à DFA-Communication qui est son agence de communication. Un grave incident survient lors de ce concert entraînant dégâts matériels énormes. DFA-Communication, organisateur principal se trouve en face d’une énorme responsabilité qui est, qu’en plus d’avoir à remplacer son propre matériel saccagé, il faut faire face aux sinistres causés aux nombreux sous-traitants.
A l’époque une chanson critique à l’endroit des maires et des policiers est à la mode. Et c’est la prestation de cet artiste qui a semble-t-il déclenché l’incident”.
L’homme est marié et père de cinq enfants dont quatre filles.
Dans la vie, il aime la loyauté. Parce qu’il est convaincu que cette attitude de l’être humain va bien au-delà de la simple fidélité. Elle implique une constance, un engagement profond et sincère envers les autres. C’est une qualité qui nourrit les relations de confiance tant sur le plan personnel que professionnel et qui permet de créer des liens durables, basés sur le respect mutuel et la compréhension.
Fruit d’une grande famille, grandit dans un quartier populaire, ce qu’Amadou Moustapha Diop déteste le plus est l’ingratitude humaine. Le manque de reconnaissance pour l’aide ou les soutiens reçus de la part des autres est, selon lui, l’une des pires attitudes que l’on puisse adopter. Pour quelqu’un qui possède de la dignité, ignorer ou négliger les bienfaits d’autrui est une forme de mépris, qui détruit les liens de confiance et empêche toute relation authentique.
Au moment de quitter notre héros, nous revenions sur nos pas pour lui poser une question banale mais pleine de sens : quelle est cette personne qu’il n’est pas prêt à oublier compte tenu du rôle que celle-ci a joué dans sa réussite ? Son état d’âme et son ajustement dans la chaise justifient une réponse à tailler sur mesure. Ainsi il déclare : “La personne que je ne suis pas prêt d’oublier est ma mère, décédée il y a trois ans. Sa disparition m’a pris une partie de moi, et il n’y a pas un jour où je ne pense pas à elle. En me racontant au quotidien ses expériences de vie, elle m’a ouvert des perspectives et m’a transmis des enseignements précieux qui ont forgé ma personnalité. Ses encouragements et son soutien inconditionnel ont renforcé ma confiance en moi à chaque étape difficile, chaque défi ou projet que je souhaitais entreprendre. Elle m’a transmis des valeurs et une éthique qui continuent de me guider dans ma vie quotidienne. Enfin, elle m’a appris l’importance des liens familiaux, cultivant en moi un profond sentiment de communauté et d’appartenance”.
Faudrait-il rappeler que depuis 2011 Amadou Moustapha Diop a choisi d’immigrer avec sa famille au Canada, où il a créé avec un associé la “Société Saint Boniface Sound and Lights” spécialisée dans les nouvelles technologies et qui s’emploie à développer les relations d’affaires entre le Mali et le Canada. Véritable passionné de football, il passe désormais son temps entre le Mali et le Canada.
Chevalier de l’Ordre national, il est ancien président du Groupement professionnel des agences de communication, puis président d’honneur, ancien vice-président du Conseil national du patronat, membre du comité statutaire du nouveau bureau du Conseil national du patronat. Une riche carrière !!!
O. Roger Sissoko
Source : Aujourd’hui-Mali