Meilleur arbitre de la saison de basket-ball 2004-2005, Alpha Bagayoko dit Jackson se dirige vers le président de la République Amadou Toumani Touré. Les deux échangent chaleureusement et Jackson remet son prix au chef de l’Etat avec ces mots : “Je prends ma retraite aujourd’hui, pour m’occuper désormais de la formation des jeunes. Je vous offre ce prix et vous dis merci pour services rendus au sport malien”. Ce geste et l’audace de Jackson n’étaient pas gratuits ou improvisés. Les deux hommes se sont connus à Mopti en 1963 sur le terrain Gangal quand l’ancien arbitre, encore très jeune, était en vacances dans la Venise malienne. L’ancien arbitre international de basket-ball, actuellement instructeur Fiba-Monde, est notre héros de la semaine dans la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. L’histoire de cet homme et ses débuts sont passionnants. Découvrons ensemble l’arbitre, ami de tous les clubs à cause de sa dextérité à gérer les humeurs sur le tartan.
Le 27 juillet 2003, les Aigles Espoirs se qualifient à Bamako pour les JO d’Athènes 2004, but de Dramane Traoré dit Rivaldo. Ce jour-là, tenaillé par la pression de l’équipe camerounaise, avec le risque d’égalisation, notre concentration est perturbée par les questions d’un homme assis à notre droite. Il voulait s’assurer de notre identité et statut pour justifier notre présence dans la tribune de presse parce que notre visage ne lui disait rien dans le monde médiatique malien.
Nous ne le connaissions pas parce que le basketball n’était pas notre tasse de thé. Par la suite nous avons découvert un homme jovial, aimable, très gentil et toujours prêt à rendre service. Jackson est la déformation de Jacques.
A son baptême, un de ses cousins, catholique, apporte un bracelet en argent floqué du nom “Jacques”. C’est ce nom après le baptême qui se transforme en Jackson qui fait la célébrité d’Alpha Bagayoko. Cerise sur le gâteau, c’est un prénom rare qui sonne mélodieusement à l’oreille.
Jackson définit le bon basketteur comme un joueur discipliné, qui a le sens du jeu doté du sens de l’apport personnel et collectif, c’est-à-dire qui joue et fait jouer les autres dans un bon état d’esprit. Qui s’assume pour rassurer. Alors qu’en est-il d’un bon arbitre ? Il faut l’intelligence, la tolérance, le sens de l’appréciation à temps, et rentrer dans le cœur des acteurs, avec le sourire teinté de modestie parce que l’arbitre a dix corps, vingt bras à diriger sur une surface de vingt-huit mètres sur quinze et une hauteur de trois mètres cinq.
La qualité sportive des parents de Jackson l’a beaucoup influencé (son père a joué à la JA de Dakar, et sa maman était joueuse de basket-ball au FC Djaraf). Il assistait aux séances d’entraînement de sa mère dans les années 1954, 1955, 1956. Ce qui fait que dans l’adolescence, Jackson fût basketteur, athlète, tennisman de table et mauvais joueur de football entre Dakar et Thiès.
Le rendez-vous du destin
Armé d’un courage de guerrier, il se donne à fond à la pratique du basket-ball, jusqu’à ce qu’une blessure au genou entrave sa progression technique. Le vieux Bagayoko lui interdit de jouer au basket-ball. Il estimait que la première blessure très grave, pouvait être succédée par une autre pire. Donc Jackson se cachait pour jouer et arbitrait parfois les séances d’entraînement du CDEPS de Thiès. Il entre dans l’histoire un 13 avril 1972, jour de la finale universitaire de basket-ball. Les arbitres n’ont pas pu rejoindre Thiès, parce qu’un grave accident a obstrué la voie. Quoi faire ?
Les équipes et les officiels sont présents, mais point d’arbitres. Sur le coup Marius N’Diaye, arbitre international, instructeur Afaba et professeur de sport dont la salle de basket-ball de Dakar porte le nom) invite Jackson dans les vestiaires pour lui remettre tout l’équipement pour arbitrer les deux finales. Naturellement le cœur du jeune Bagayoko entretient peur et motion, par rapport à l’issue de la lourde responsabilité pour faire partie du corps arbitral. Mais Marius le rassure de sa couverture et le convainc que rien de mal ne peut lui arriver. Effectivement c’est le coup d’éclat, sanctionné par une pluie de félicitations des responsables de la Fédération sénégalaise de basket-ball. Voilà comment Jackson a eu la sensation d’opter pour l’arbitrage.
Commence pour Jackson une série de formations au stade Demba Diop pour passer au grade d’arbitre régional entre 1974-1976, puis interrégional au terme du tournoi de la Zone II joué Bamako et fédéral lors de la saison 1981-1982. A la fin de la saison, Jackson s’envole pour l’Algérie, juste pour changer d’atmosphère et rencontrer Jafar Mohamed, le président de la Commission des arbitres. Celui-ci apprécie sa présence et lui renouvelle sa confiance pendant deux ans (1983-1985).
C’est avec l’attestation de la Fédération algérienne qu’il retourne au Sénégal pour passer son grade d’arbitre international. Il ne quitte plus la vie sportive tant au Sénégal qu’à Bamako avec sa participation à diverses compétitions internationales : un tournoi de jumelage en Italie (1989), un tournoi de l’amitié au Portugal regroupant l’Angola, l’Espagne, la France, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, tous les tournois de la Zone II.
Malien d’origine plus précisément de Médina-Coura, Jackson après d’années de navette entre le Sénégal et le Mali décide de rentrer définitivement dans son pays le 4 février 2004, pour se mettre à la disposition de la Fédération malienne de basket-ball. Accueilli à bras ouverts pour sa compétence, sa disponibilité et son esprit de rassembleur Jackson fait montre de qualité d’équité et de droiture sportives aux côtés des Mamadou Doumbia dit l’Homme, Mady Moussa et autres.
En 2010, il devint président de la Commission des arbitres. Il occupe sous la même mandature la Commission d’organisation. Entre-temps le président de la FMBB décède, il dit avoir accepté de changer de portefeuille parce que les choses n’allaient pas dans le sens qu’il voulait.
Aujourd’hui malgré le fait qu’il ne soit plus membre du bureau fédéral, il continue toujours d’accompagner les différentes sélections nationales à l’extérieur en sa qualité de personne ressource, de technicien. Il profite d’ailleurs de l’occasion pour remercier la FMBB. De Dakar à Bamako, en passant par l’Algérie, quels sont les bons souvenirs de Jackson ?
“Comme bons souvenirs, je retiens cette finale de Coupe du Mali en 1982. En vacances à Bamako, la Fédération m’a désigné pour arbitrer ce duel entre le Stade malien et le Djoliba. Le président Moussa Traoré m’a fait convoquer le lendemain pour me remettre une enveloppe en guise d’encouragement. Autre bon souvenir est ma nomination comme conseiller à la direction technique nationale du Sénégal avec des missions à l’étranger. Enfin cette récompense du président Abdou Diouf pour les Lionnes, championnes d’Afrique en 1992. J’étais membre de la délégation, et à ce titre j’ai bénéficié de la grosse gratification du chef de l’Etat”.
Monsieur Borsalino
La perte cruelle de Salamata Maïga, secrétaire générale de la FMBB (ils se sont parlé au téléphone 48 h avant), la défaite des Aigles dames en quart de finale du championnat d’Afrique joué à Yaoundé (2015), la chute de l’équipe nationale féminine contre le Nigeria à l’Afrobasket organisé dans notre pays constituent ses plus mauvais souvenirs. Alpha Bagayoko dit Jackson est marié, et père de quatre enfants. Dans la vie il n’aime que le basket-ball, et déteste le mensonge, la malhonnêteté. Quelle explication ou secret pour son amour du chapeau ?
Dans un sourire qui le replonge dans son adolescence, Jackson soutient qu’il l’a hérité de son grand-père. Il tient à lui rendre hommage à tout moment et en tout lieu parce que tout-petit à l’époque, son grand père lui faisait porter chapeau, casquette, Borsalino quand il partait à l’école.
A titre de rappel Jackson a été président de la sous-commission accueil, transport, hébergement, protocole de la Commission d’organisation de l’Afrobasket joué à Bamako en 2017. Bref, sa vie ne reflète que basket-ball, lui ne même vit et fait vivre le basket-ball. Alors question : quelle aurait été son destin s’il n’était pas se lever un vendredi à 14 h pour marcher de façon brusque et inattendue, après avoir passé cinq ans à terre, comme l’a été Soundjata Kéita dans son adolescence ? Pour répondre à cette interrogation, nous disons que Jackson était déjà né pour servir la balle au panier. Donc il ne pouvait pas être autrement. L’homme est âgé aujourd’hui de soixante-treize ans.
O. Roger Tél (00223) 63 88 24 23
Source : Aujourd’hui-Mali