La nouvelle Constitution du Mali a été promulguée par le président de la Transition, le 22 juillet 2023. En matière économique, nous avons relevé cinq affirmations fortes et trois dates très importantes.
I – LES AFFIRMATIONS ECONOMIQUES.
Première affirmation “Le président de la République détermine la politique de la Nation“. Article 44.
Cette affirmation pourrait être lue au pluriel. En effet, le mot “politique” recouvre toutes les politiques en matière de développement économique, social et culturel dont on cite :
- La politique agricole,
- La politique de santé,
- La politique de sécurité du pays, de protection des personnes et de leurs biens,
- La politique économique,
- La politique industrielle,
- La politique monétaire,
- Le système d’éducation et d’enseignement,
- La recherche scientifique,
- La politique sportive, artistique et culturelle,
- La justice, en tant premier magistrat du pays,
- La diplomatie et le bon voisinage,
- La politique d’administration et d’aménagement du territoire,
- La politique environnementale
Cette affirmation est une lourde responsabilité. Tout le progrès du pays est suspendu à sa vision. Tout retard accusé par le pays dans quelque domaine que ce soit est imputable à lui.
Il est de la plus haute importance de se faire assister par des conseillers très expérimentés, des femmes et des hommes qui ont vu, pratiqué et résolu mille et un problèmes, capables de trouver des solutions efficaces au quart de la réflexion. Ils aident le président de la République à “dessiner ou peaufiner sa vision“ du pays, identifier des obstacles et inconvénients qui pourraient se dresser sur le chemin de sa concrétisation.
Deuxième affirmation “La liberté d’entreprise est garantie dans le cadre des lois et règlements en vigueur“. Article 21.
La nouvelle Constitution maintient “l’économie libérale” ou le système économique capitaliste affirmé dans la Constitution de février 1992. Toute personne vivant au Mali peut entreprendre librement des activités économiques de son choix. La seule limite est le respect des lois et de la réglementation, ce qui sous-entend surtout la licité des activités entreprises.
Troisième affirmation “Tout citoyen est tenu de remplir ses devoirs civiques notamment de s’acquitter de ses obligations fiscales“. Article 27.
Le principe de la constitutionnalité de l’impôt est posé dans cet article. Toute personne vivant au Mali doit s’acquitter, sur ses revenus, les impôts, droits et taxes liés à l’exercice de ses activités.
Ainsi la nouvelle Constitution maintient que toute personne vivant au Mali, doit contribuer à la couverture des dépenses publiques.
Quatrième affirmation “Les traités de paix, de commerce, les traités ou accords relatifs aux organisations internationales, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu de la loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été approuvés ou ratifiés“. Article 182.
Cet article pose le principe de l’ouverture du Mali sur le reste du monde. Le pays pourrait signer avec tout pays et toute organisation internationale des traités en matière économique : commerce, industrie, mines, services comme les transports (terrestres, aériens, fluvial), banques, assurances, hôtellerie et tourisme, etc.
Cinquième affirmation “L’administration participe à la promotion du développement économique, social et culturel en répondant, de façon adaptée, aux besoins de la collectivité nationale et des usagers, dans la transparence, le respect des droits de l’Homme et de la démocratie“. Article 34.
Les rôles de levier et/ou de logistique de l’administration, incontournables dans le développement économique, social et culturel, sont clairement affirmés. Cet article pourrait mis en liens avec certaines dispositions portant sur la Cour des comptes.
“La Cour des comptes est la juridiction supérieure des finances publiques et l’institution supérieure de contrôle des finances publiques. Elle a des attributions juridictionnelles de contrôle et de consultation“. Article 156.
Si les experts-comptables et les cabinets d’audit certifient la régularité et la sincérité des comptes des entités de droit privé et de droit public, la Cour des comptes juge l’acceptabilité, ou non des comptes publics.
“La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics de deniers et de matière. Elle contrôle la régularité des opérations financières, sanctionne les fautes de gestion, déclare et apure les gestions de fait“. Article 158.
L’ancienne section des comptes de la Cour suprême est désormais une institution de la République à part entière. Elle a des compétences juridictionnelles qui lui permettent de sanctionner (remboursement de sommes, amendes, voire la prison) les fautes relevées lors des contrôles.
II – LES DATES ECONOMIQUES IMPORTANTES.
Première date “Le discours du président de la République sur l’état de la nation“. Article 61.
“Une fois par an et dans le courant du premier trimestre, le président de la République prononce devant le Parlement réuni en Congrès, un discours sur l’état de la nation“. Article 61.
C’est un moment très important dans la vie du pays. La date de ce discours est importante, car on pourrait dire que c’est le document dans lequel, le président de la République détermine la politique de la nation.
Il pourrait être un phare sur la direction prise par le pays pendant toute l’année. Ce discours a un caractère encore plus solennel et engage encore plus le président puisqu’il est prononcé devant les deux chambres du Parlement que sont l’Assemblée nationale et le Sénat réunies en congrès.
Deuxième date “Le Plan d’action du gouvernement“.
“Le Premier ministre présente devant le Parlement le Plan d’action du gouvernement. La présentation a lieu devant chacune des deux chambres, trente jours au plus après le discours sur l’état de la nation du président de la République. Elle est suivie, le cas échéant, de débats assortis de recommandations sans vote“. Article 80.
Cette date est aussi très importante. On pourrait dire que c’est un véritable “Programme de gouvernement“ dans lequel le gouvernement fixe le cap pour la mise en œuvre de la politique de la nation déterminée par le président de la République dans son discours.
On pourrait y voir dedans des secteurs économiques prioritaires. C’est ce qui ressort clairement de l’article 76 : “Le gouvernement conduit la politique de la nation déterminée par le président de la République. Il dispose de l’administration“.
Le “plan actions” est en quelque sorte une “feuille de route” pour chaque ministre, qui saurait ce qu’il doit faire, les résultats attendus de son ministère. D’ailleurs, sans un Programme de gouvernement, qu’est-ce qu’un ministre pourrait-il bien faire ?
L’action du gouvernement est dirigée par le Premier ministre, chef du gouvernement. On pourrait comprendre qu’il s’assure à tout moment que chaque ministre maintient le cap, que les objectifs seront atteints. Il répond aux difficultés rencontrées par les membres du gouvernement et est à leurs côtés pour résoudre de grandes difficultés pouvant faire obstacles à l’atteinte des objectifs.
Lorsque le président constate que le gouvernement n’est pas dans la mise en œuvre de la “politique de la nation déterminée” par lui, il peut remplacer le Premier ministre. C’est ce qui est clairement dit à l’article 57 : “Le président de la République nomme le Premier ministre et met à ses fonctions“.
Troisième date “l’adoption du budget : la loi des finances“.
On ne pourrait pas manquer de relever que les deux premières dates se situent après que le budget a été voté en décembre par l’Assemblée nationale. Il serait peut-être difficile d’établir le lien entre les données budgétaires et le Plan d’actions du gouvernement.
Ainsi, on pourrait croire qu’il y a une incohérence de dates. Non, les règles de gestion des finances publiques prévoient que le budget d’Etat pourrait être révisé en cours d’année par une loi de finances rectificative appelé collectif budgétaire, rendu nécessaire en “raison de modifications de l’environnement économique ou de changement des orientations économiques du gouvernement“.
En conclusion, une Constitution, par définition est un texte de portée générale. Cette nouvelle Constitution qui consacre la VIe République est un texte nouveau. Ainsi les architectes ont dessiné un plan de construction de l’édifice, les entrepreneurs : maçons, électriciens, peintres et constructeurs viendront relever des imperfections au fil de la construction. Un texte de loi ne vaut que par son application.
Siné Diarra
Expert-comptable, essayiste
Bamako – Mali
Références bibliographiques
- Nouvelle Constitution du 22 juillet 2023 du Mali
- Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, édition 2014 Nathan, Paris