Folie du pouvoir ou manque de lucidité ? La question reste posée quant aux motivations réelles qui ont conduit les putschistes du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) à commettre des erreurs inadmissibles à l’aube de leur coup.
Mardi 18 Août 2020, tout le Mali est réveillé par une mutinerie, éclatée au camp Soudjata de Kati, transformée en un coup d’Etat contre le régime démocratiquement élu du Président Ibrahim Boubacar Kéita.
Le colonel Assimi Goïta et ses hommes sont en effet des hommes de mains du régime qu’ils prétendent avoir déchu, bien formés pour la défense de la patrie. Mais ces derniers ont brillé par leur manque de promptitude face aux attaques terroristes dont les conséquences sont généralement des morts et blessés, militaires et civiles. Les missions pour lesquelles ils sont recrutés et formés sont reléguées au second plan. C’est la première erreur qui conduit à la soif du pouvoir et le coup d’Etat du mardi dernier.
La junte ne s’est pas limitée là. Après sa prise du pouvoir, à la recherche de notoriété, elle s’est lancée en aventure, celle d’appliquer in extenso, l’Accord pour la Paix et la Réconciliation nationale issu du processus d’Alger. « Nous invitons par ailleurs nos frères de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la plateforme à nous rejoindre pour la mise en œuvre efficiente de l’accord issu du processus d’Alger…Nous sommes attachés au processus d’Alger, la paix au Mali est notre priorité et elle se fera avec vous», peut-on lire entre leur première déclaration de séduction de la CMA. Cet accord dont l’application est prévue à long terme ne peut l’être par une transition de courte durée, à fortiori par « des aventuriers », selon l’expression de notre confrère du « 22 Septembre ».
Comme il n’y a de deux sans trois, les erreurs ont pris de l’ascenseur. Juste au lendemain du putsch, certains membres du CNSP se sont rendus chez Mahmoud Dicko pour des raisons qu’on ignore. Ont-ils des accointances avec l’imam ? La réponse est d’office à l’affirmative. Sinon pourquoi ne se sont-ils pas ensuite rendus chez le président du HCIM, Chérif Ousmane Madani Haïdara et chez le Cardinal Jeans Zerbo?
Dissensions.
Présenté comme leader du putsch, le Colonel Diaw a été par la suite dégagé pour être remplacé par le Colonel Assim Goïta, l’actuel président du comité. Entre les soldats pro-Diaw et pro-Goïta, la tension est montée d’un cran au point qu’une réunion d’urgence a été convoquée le lendemain du coup pour taire les divergences. Cette quatrième erreur traduit l’immaturité des putschistes qui s’exposent à du déjà vécu ici au Mali.
La cinquième erreur est d’avoir forcé IBK à dissoudre l’Assemblée nationale, alors qu’ils n’ont aucune certitude d’organiser les élections générales à date échue pour doter le pays d’institutions légales et légitimes. Comptant sur le M5-RFP dont ils sont proches, les putschistes affichent une défiance vis-à-vis de la CEDEAO. Mais, ils finissent par retrouver raison, avant de courber l’échine. D’où l’arrivée de la mission de l’institution, conduite par l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan.
Une autre erreur monumentale, la sixième et non la moindre, commise par le CNSP, est sa présence au meeting du M5-RFP. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez mais cela ne devrait pas arriver. Nier tout rapport avec le M5-RFP et prendre part à sa manifestation prouve à suffisance que le coup d’Etat serait même parti de là. Surtout que certaines indiscrétions avouent que les figures de proue du Coup d’Etat sont des proches des responsables du mouvement.
La septième erreur est de reléguer au second plan la France, première puissance à s’engager au Mali dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Mali la présence de la force Barkhane, le CNSP a préféré la piste de Moscou pour l’aider dans la traque djihadiste. Utopisme pure et fou. D’où l’audience accordée à l’Ambassadeur de la Russie au Mali. Une option que le conduit droit dans le mur.
La véritable épée qui pèse sur le CNSP est la gestion de la transition. Imbu de la langue de bois, le porte-parole des putschistes Colonel-Major Ismaël Wagué reste évasif. Sur la durée de la transition, l’officier dira lors de sa grande interview accordée à la chaîne Africable TV: « On ne peut pas vous dire quand la transition va durer. A ce stade, il est difficile de dire quand est-ce la transition va durer. L’objectif est de finir la transition ». Ceci est la preuve manifeste que le CNSP n’est pas venu pour le peuple, mais pour assouvir ses intentions avant de rendre le tablier un jour.
Au regard de ce qui précède, le Colonel Goïta et ses hommes n’ont aucun projet pour le Mali d’après IBK. Et pourtant, ils prétendent diriger la transition.
D.C.A
Source: Le Soft