Le 17 septembre 2024, le Premier ministre a reçu une délégation de l’Association des jeunes du village de Sabouciré (région de Kayes) préoccupés par les conséquences néfastes de l’exploitation irrégulière des ressources du bassin du fleuve Falémé. Ils comptent sur le chef du gouvernement pour y trouver les solutions idoines. Ce qui est, selon la réalité de la situation actuelle, peine perdue d’autant plus que ce dernier ne semble faire aujourd’hui que de la figuration dans son fauteuil de Premier ministre
Affluent du fleuve Sénégal, la Falémé est plus que jamais confrontée à des menaces environnementales à cause notamment des activités d’exploitation minière irrégulière menées par des sociétés étrangères. Ce qui est aujourd’hui une préoccupation majeure de l’Association des jeunes du village de Sabouciré (région de Kayes) qui a abordé la question avec le Premier ministre le 17 septembre dernier.
Le président de l’association, Abdoulaye Moussa Sissoko, a exprimé sa profonde inquiétude face à la situation critique de la Falémé. Essentiel à l’écosystème local et à la vie des populations riveraines, ce cours d’eau est aujourd’hui menacé par une exploitation non régulée qui dégrade sévèrement l’environnement. Disparition de la biodiversité, pollution de l’eau, désormais impropre à la consommation domestique, et déstabilisation des ressources naturelles sont, entre autres, les conséquences notables de ces crimes écologiques commis essentiellement par des sociétés minières étrangères en tout impunité, car le plus souvent avec la complicité de l’administration, des élus locaux et des légitimités traditionnelles.
Depuis 2021, les jeunes de Sabouciré sont résolument engagés dans la défense de leur environnement et ont mené plusieurs campagnes de sensibilisation tout en interpellant les autorités compétentes au niveau local. Malgré ces efforts, la situation continue de se détériorer avec une dégradation alarmante de la biodiversité. Pis, leurs actions de protestation ont été réprimées et certains jeunes militants ont été intimidés et même emprisonnés en raison de leur opposition légitime à la destruction de leur environnement. Au Premier ministre, ces jeunes ont demandé une intervention urgente pour restaurer la stabilité dans la région et protéger les ressources restantes du bassin du fleuve Falémé ; suggéré l’envoi d’une délégation gouvernementale afin de constater l’ampleur des dégâts sur le terrain… Ils ont aussi insisté sur la nécessité d’entreprendre des travaux de restauration écologique et de sanctionner les responsables des activités illégales.
En réponse aux préoccupations soulevées, les ministres sectoriels (Justice, Mines, Environnement/Assainissement/Développement durable, Sécurité et Protection civile…), par la voix du Premier ministre, ont salué le courage et la détermination des jeunes de l’association. «Vous êtes nos alliés dans cette lutte», a déclaré le chef du gouvernement. Il a ensuite promis à la délégation d’agir rapidement en dépêchant des missions spéciales sur le terrain avec le concours des ministères concernés. Celles-ci vont constater les dégâts causés par les activités illégales, évaluer les besoins en matière de restauration écologique et prendre des mesures concrètes pour la réhabilitation de la Falémé. «L’État va fermement sanctionner ces malfaiteurs et leurs complices», a martelé le Premier ministre.
Mais, à la place de ces courageux jeunes, nous ne prendrions pas cette promesse pour de l’argent comptant. Et cela d’autant plus, s’il y a avait une réelle volonté politique d’agir, elle allait se manifester avant cette audience. En effet, cela fait plus d’une décennie que les médias et des Ong dénoncent l’exploitation abusive et illégale de nos ressources comme l’or et le bois de vène (Pterocarpus erinaceus ou Palissandre du Sénégal) et surtout le péril écologique auquel ces activités exposent la Falémé et ses riverains.
Cela n’a jusque-là rien changé. La situation s’est par contre aggravée car, conscients de l’impunité et du pouvoir de l’argent sur les uns et les autres, les auteurs s’en donnent à cœur joie. Sans compter qu’aujourd’hui, l’actuel Premier ministre ne semble plus avoir un pouvoir de décision. Sa mission semble être de nos jours réduite à accorder des audiences et à présider des cérémonies protocolaires. Il fait tout simplement de ma figuration dans son fauteuil.
Contrairement aux autorités maliennes, celles du Sénégal ont pris conscience de la menace et on décidé d’agir en conséquence. En effet, face à la grave pollution de la rivière Falémé due à l’orpaillage intensif, le gouvernement sénégalais a décidé (à travers un décret présidentiel publié le 28 août 2024) de suspendre toutes les activités minières sur la rive gauche pour trois ans. Cette mesure vise à préserver l’environnement et protéger la santé des populations riveraines, victimes collatérales de cette ruée vers l’or. Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, fait de la survie de la Falémé une «question de sécurité nationale». Voilà sans doute ce que les jeunes de Sabouciré attendent du Premier ministre et de son gouvernement, et non des promesses sans lendemain.
Et comme l’a rappelé un écologiste sénégalais, «la Falémé a besoin de protecteurs, pas seulement de décrets». En effet, la population a besoin «d’une vigilance accrue, d’une action collective, et surtout, d’une réelle volonté politique pour mettre fin à cette catastrophe environnementale». Les riverains de la Falémé ont déjà payé un prix trop lourd. Il est temps que leurs voix soient entendues, que leurs souffrances soient prises en compte, et que des actions concrètes soient menées pour restaurer cette rivière à sa gloire passée.
Hamady Tamba