Si la procédure de mise en liberté provisoire de l’ex-PDG du PMU est nette et sans bavure, les contours politiques de l’affaire le sont moins.
D’abord une précision : c’est à travers une correspondance adressée au Procureur Général près la Cour d’Appel que le ministre de la Justice garde des Sceaux, Me Bathily, a instruit au parquet de procéder à l’interpellation du PDG de PMU-Mali. Voici un passage de ladite correspondance : «Je vous instruis de faire engager, très urgemment, par le Procureur du Pôle Economique et financier auprès du Tribunal de première instance de la commune III des poursuites contre le PDG de PMU-Mali S.A.E.M, ainsi que tous
coauteurs et complices que l’information judiciaire fera découvrir et de requérir le mandat de dépôt contre eux… J’attache une importance capitale à l’exécution correcte des présentes instructions, dont vous me rendrez compte de la suite qui y sera réservée
(Signé: P/Le Ministre P.O [Par ordre] Boya Dembélé).
Pour la petite histoire, il ne revenait pas au ministre de la Justice d’inviter, voire d’instruire au Procureur général, des poursuites contre le PDG sur la base du rapport du Vérificateur général. C’est bien ce dernier (le Vegal) qui, dans ses suggestions, invite le procureur à entamer d’éventuelles procédures. Il y a donc manifestement vice de forme. Autre anomalie: après l’interpellation de M. Haïdara, c’est le Vegal, pour sa part qui adressera une autre correspondance au juge d’instruction pour offrir ses services. Evidemment, le juge instructeur reste indépendant et là, non plus, il ne revient pas au Vegal d’aller vers le juge instructeur au risque d’influer sur la procédure. Son rapport est censé être édifiant et c’est au magistrat instructeur de lui faire éventuellement appel.
Par ailleurs, l’on a reproché au Procureur général, Daniel Tessougué, de ne s’être opposé à la mise en liberté provisoire du prévenu. Naturellement, il n’est pas habilité à le faire. Cette prérogative revient au seul procureur de la République du Pôle économique et financier.
Mais la procédure proprement dite a-t-elle été respectée ? D’abord voyons ce que dit l’article 156 du Code de procédure pénale, à propos de la liberté provisoire : «Dans le cas où la mise en liberté a été subordonnée à un cautionnement, ce cautionnement est fourni en espèces, billets de banque, chèques certifiés ou titre émis en garantie par l’Etat. Il est versé entre les mains du greffier du tribunal ou de la Cour ou du receveur de l’enregistrement.
Sur le vu du récépissé, le ministère public fait exécuter sur-le-champ, la décision de mise en liberté».
Dans le cas de l’ex-Pdg du Pmu-Mali, toutes ces cautions et précautions ont été effectuées. Et il nous revient que le prévenu a aussi fourni la quasi-totalité des justifications demandées. Il faut ajouter à cela son cas de maladie. En somme, le juge d’instruction, au regard de ces certitudes, a estimé que le détenu pouvait bénéficier d’une mise en liberté provisoire. Ce qui est de son plein essor. En clair, la procédure judiciaire a été respectée. Mais celle politique ne manque pas de relents. Et c’est autre chose…
Curieuses coïncidences Le prévenu Idrissa Haïdara n’était pas à sa première demande de mise en liberté. C’est seulement la troisième qui fut la bonne. Et cela coïncidera avec la présence à Bamako du père fondateur du Pmu-Mali : Tomi Michel. Celui-là même cité comme le précurseur des sociétés de Pmu en Afrique sub-saharienne. Quel rapport, est-on tenté de demander ? Eclairage !
Idrissa Haïdara est considéré à juste titre comme un père co-fondateur du Pmu-Mali. Avec le défunt Nouhoum Traoré, premier Pdg de la boîte et Tomi Michel, l’initiateur du projet, ils ont mené toutes les opérations en vue de la création de l’entité. Et M. Haïdara resta directeur adjoint de 1994 à 2006. C’est seulement à cette date qu’il fut nommé Pdg. Il ne serait pas exagéré de dire qu’Idrissa Haïdara reste aujourd’hui le seul compatriote, après feu Nouhoum Traoré, qui connaissent véritablement le dossier Pmu-Mali dont Tomi Michel est l’initiateur.
La liberté provisoire intervient donc en pleins débats sur les frasques de Tomi Michel et la nature de ses relations avec IBK et le Pmu-Mali est toujours cité. Loin de nous l’intention de porter des accusations, mais la coïncidence voudrait que le prévenu ait bénéficié de la liberté provisoire et se soit volatilisé dans la nature, seulement après l’arrivée de Tomi Michel à Bamako. Tout se passe comme si, pour des raisons suprêmes, l’on a délibérément engagé une procédure judiciaire contre M. Haïdara et ensuite, contribué à l’extraire des griffes de la même justice.
Batomah Sissoko
Sphinx