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Promotion de la femme et de l’enfant : les efforts et les échecs du gouvernement

Dans le cadre de la mise en œuvre de la déclaration et du Programme d’action de Beijing de 1995 et des textes issus de la 23e session extraordinaire de l’Assemblée générale (2000), un rapport national a été produit avec l’apport de toutes les associations nationales féminines et des organisations de défense des droits humains. Ce rapport fait la lumière sur les efforts et les échecs du gouvernement malien en matière de promotion de la femme et des droits de l’enfant. Nous vous proposons ici quelques extraits.

Le Programme d’action de la déclaration de Beijing de 1995 trace les lignes à suivre pour donner plus de pouvoir aux femmes. Il vise à accélérer l’application des stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme et à éliminer tous les obstacles qui empêchent les femmes de jouer un rôle actif dans tous les domaines de la vie publique et privée en participant pleinement, et sur un même pied d’égalité, à la prise de décisions dans les domaines économique, social, culturel et politique. Il repose sur le principe du partage des pouvoirs et des responsabilités entre hommes et femmes dans les foyers, sur les lieux de travail et plus largement, au sein des communautés nationales et internationales.

Depuis, un mécanisme de suivi et d’évaluation a été mis en place au niveau africain, piloté par la Commission économique africaine (CEA). Le Mali a participé à toutes les étapes de ce mécanisme d’évaluation à travers sa présence aux rencontres régionales et internationales et la production régulière de ses rapports en 2000, 2005 et 2010.

Le présent rapport présente les efforts du Mali conformément aux directives de la Commission de la condition de la femme du CEA qui a entrepris pour l’année 2015, l’examen et l’évaluation de la mise en œuvre de la déclaration et du Programme d’action de Beijing. Le rapport fait une analyse générale des réalisations accomplies et des obstacles rencontrés depuis 1995 dans le domaine de la promotion de la femme au Mali.

Les réalisations importantes au Mali en matière de promotion de la femme

La première réalisation appréciable en matière de promotion de la femme au Mali est la mise en place d’un ministère chargé de remonter les questions des droits des femmes au plus haut sommet de la hiérarchie administrative et politique du pays. En effet, la prise en charge de la promotion de la femme par une institution gouvernementale au Mali est devenue effective à partir de 1991 avec l’avènement du gouvernement de transition. Dès lors, un secrétariat d’État chargé de l’action sociale et de la promotion féminine fut créé et rattaché au ministère de la santé publique. Sous l’impulsion de la société civile, le gouvernement a institué en 1993 un commissariat à la promotion des femmes sous la direction d’une commissaire ayant rang de ministre. Puis en 1997, le ministère de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille (MPFEF) est créé, démontrant ainsi la volonté politique du Mali de traduire les engagements pris lors de la conférence de Beijing et d’accorder une priorité à ce domaine. La mission de ce ministère sera étendue à l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de promotion de la femme et renforcée par la création en 1999 de la Direction nationale de la promotion de la femme. La relative stabilité institutionnelle depuis plus d’une décennie par le maintien d’un ministère représente un atout et témoigne d’une volonté politique forte.

La seconde réalisation appréciable porte sur les progrès dans la scolarisation des filles au cycle primaire de l’éducation nationale.

L’analyse de certains indicateurs d’accès à l’éducation au Mali, montre que des progrès considérables ont été réalisés en matière de scolarisation en général et celle des filles en particulier. En effet, l’évolution du Taux brut de scolarisation (TBS) dans le primaire permet de constater que grâce à la mise en place des infrastructures scolaires et au recrutement d’enseignants, un nombre croissant d’enfants accèdent au primaire et que, graduellement l’écart entre garçons et filles se résorbe. Ainsi, le Taux brut de scolarisation (TBS) dans le primaire est passé de 26,0% en 1990 à 39,1% en 1995, puis 58,1% en 2000 pour se situer à 67,0% en 2003, soit une multiplication par 2,58 en 14 ans ! Dans le même temps, le TBS des garçons dans le primaire a été multiplié par 2,13, passant de 33,2% en 1990 à 70,6% en 2003. Celui des filles l’a été par 2,70 passant de 18,9% en 1990 à 51,1% en 2003.

Donc, le TBS/filles progresse plus vite que celui des garçons permettant ainsi d’améliorer progressivement le niveau de scolarisation des filles au Mali.

L’amélioration sensible des indicateurs d’accès du système éducatif malien a été rendue possible grâce à la priorité que lui ont accordée les autorités dans l’allocation des ressources budgétaires.

Par ailleurs, l’élaboration et la mise en œuvre du Programme décennal de développement de l’éducation (Prodec) depuis 2001, répond bien au souci de l’amélioration de l’accès et de la qualité de l’éducation au Mali.

Toutefois, la scolarisation des filles reste encore freinée par de multiples pesanteurs socioéconomiques renforcées par des faiblesses structurelles dont : l’insuffisance des salles de classe et des enseignants, la persistance de la faible qualité du système éducatif malien en dépit de l’amélioration du ratio élèves/maître et l’existence des disparités entre sexes et entre régions.

La troisième réalisation porte sur les progrès réalisés dans le domaine de la mortalité des enfants

Les niveaux tendances et caractéristiques de la mortalité des enfants sont fonction des conditions sanitaires, environnementales, socioéconomiques et culturelles qui prévalent dans une population et dans ses diverses couches sociales. C’est pourquoi, le niveau de mortalité des enfants est souvent considéré comme un des meilleurs indicateurs du niveau de développement d’un pays. Ainsi au Mali en 1991, sur 1.000 enfants nés vivants, 123 sont décédés avant le premier anniversaire et sur 1.000 enfants nés vivants, 238 décèdent avant d’avoir atteint l’âge de 5 ans. En 2001, les résultats de l’EDSM-III ont permis d’estimer respectivement le taux de mortalité infantile à 113%0 et le taux de mortalité juvénile à 229%0. Les résultats de l’enquête ont démontré ainsi une relative diminution de la mortalité des enfants au Mali, respectivement de 10 et de 9 points de pourcentage en une décennie, soit environ 1% par an.

Une quatrième réalisation porte le renforcement de la volonté politique en faveur de l’égalité des sexes

En matière de prise en compte des sexo spécificités dans les départements ministériels, l’appui à l’autonomisation de la femme est devenu aujourd’hui une réalité incontestable et se manifeste dans l’adoption par le gouvernement, en novembre 2010, de la Politique nationale genre–PNG, assortie d’un plan d’action trisannuel. Une stratégie de planification budgétisation sensible au genre a aussi été adoptée. Plusieurs départements ministériels concourent à l’atteinte des objectifs affichés dans la PNG, par l’intégration de ses actions dans les projets et programmes de développement. La question genre est prise en compte dans le Plan opérationnel du programme de développement institutionnel  et précisément en termes d’égalité femmes-hommes (EFH) dans l’administration publique malienne. Cette orientation englobe l’institutionnalisation de l’EFH dans dix (10) secteurs publics prioritaires, dont celui de la réforme de l’Etat et la fonction publique.

La cinquième réalisation est l’élaboration et l’adoption de la loi sur la promotion du genre dans les fonctions nominatives au sein de l’administration et aux postes électives. Cette loi qui a été déjà promulgué en décembre 2015 par le président de la République Ibrahim Boubacar Kéita, n’attend que son décret d’application pour être appliquée.

Les obstacles ou échecs

Un des obstacles importants à l’égalité des sexes se trouve être la montée des mouvements politiques fondamentalistes et les luttes implacables qu’ils mènent contre l’avancée des droits humains des femmes. Un exemple typique au Mali est «le Code des personnes et de la famille» dont le processus de relecture en 2011 a été pris en otage par les autorités religieuses musulmanes et ce, malgré tous les efforts déployés par le gouvernement et la société civile féminine. La relecture du Code a porté sur les droits de la personne, le mariage religieux, le divorce, la filiation naturelle et l’adoption, la minorité, la tutelle et l’émancipation et enfin les successions. Sur un total de 1143 articles, cinquante et un (51) ont été amendés et adoptés par l’Assemblée nationale. Il est important de noter que les thèmes ayant fait l’objet de relecture sont ceux qui portent directement sur les rapports hommes/femmes, visualisant du coup tout l’intérêt des tenants pour la maitrise des normes régissant ces rapports sexo-spécifiques.

Wildaf dans sa présentation au forum des féministes a fait une évaluation succincte des impacts de ces amendements sur le statut de la femme à savoir : la femme reste et demeure une éternelle mineure (elle doit obéissance et soumission à son mari) ; son consentement n’est pas prise en compte pour le mariage de sa fille mineure ce qui laisse les portes grandement ouvertes au mariage précoce et forcé ; la femme n’a pas d’avis à donner sur la tutelle de ses enfants mineurs, elle n’est plus responsable pour gérer sa famille lorsque le mari décède car, le conseil de famille prend place au seul décès du chef de famille ; les enfants sont discriminés du seul fait de leur naissance dans les liens ou pas du mariage. Enfin, ce rapport conclut que ce Code est un recul de cinquante ans, il consacre les discriminations et viole les droits fondamentaux des femmes et des enfants.

Un autre obstacle non moins important est l’absence d’une loi dans la charte des parties politiques (quota ou parité) réglementant la participation égalitaire des femmes dans le processus des différentes élections. En effet, aux élections présidentielles de 2007, il n’y avait qu’une seule femme candidate sur 11 (soit 9,09%). Les législatives 2009 ont enregistrés 203 femmes sur 1312 (soit 15,48%) tandis que les municipales de la même année notaient 13537 (soit 16%) des candidatures. Quant au taux d’élues, ils n’ont pas suivi la même progression que celui du taux de candidature car les femmes sont seulement 15/147 des députés de l’Assemblée nationale (soit 10%), 928/10772 des conseillers communaux (soit 8,66%) et seules 8 communes sont dirigées par des maires femmes. Quant aux législatives 2013, elles ont enregistré une régression par rapport à 2007 (15,48%) avec un taux de 13,73%.

Le manque d’harmonisation du cadre juridique national au contexte International, conduit à la non effectivité des droits reconnus du fait de la non application des textes.

Le pays a ratifié de nombreux instruments juridiques internationaux et régionaux qui constituent des opportunités sinon des obligations pour promouvoir et protéger les droits des femmes, la Loi fondamentale (Constitution) et les conventions internationales ratifiées garantissent l’égalité entre les hommes et les femmes, mais dans la pratique certaines réalités socioculturelles (coutumes, comportements) constituent des entraves à l’application effective des textes du droit positif.

Le manque de loi opérationnelle sur la défense du droit à l’intégrité physique fait que les femmes payent un lourd tribut à la persistance de certaines pratiques coutumières telles que l’excision, les mariages précoces et ou forcés, surtout en milieu rural. Ces pratiques ont des conséquences désastreuses sur les victimes qui vivent des situations de morbidité si elles n’en meurent pas, leur enlevant toute leur dignité de personne humaine. C’est le cas des femmes vivant avec la fistule qui sont mises au ban de la société et chassées par leurs proches (mari, père; et souvent la mère etc.).

La faiblesse du statut juridique et social de la femme fait que celle-ci ne prend pas toujours les décisions qui sont importantes pour sa santé et sa survie. Les us et coutumes attribuent ce rôle au chef de famille qui est souvent différent du conjoint.

Pourtant, la Constitution du Mali en son article 3 reconnait le droit à l’intégrité physique et interdit la torture, les traitements, inhumains cruels et dégradants. Elle consacre la répression de ces violations à travers la punition de leurs auteurs. Au plan international, toutes les formes de violences sont interdites par les instruments juridiques internationaux et régionaux.

Le Mali a adhéré à la déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes. En plus de la protection du droit à la vie, à l’intégrité physique et à la sécurité, de nouvelles formes de violences comme les rapports sexuels non désirés ou forcés, qu’elles aient lieu en public comme dans le privé doivent être pénalisées et punies en tant que tel par les tribunaux. Il en va de même des mutilations génitales féminines qui touchent encore plus de 85,2% de la population féminine. Malgré l’existence du code pénal, dans la pratique, les violences conjugales exercées sur la femme échappent à toute sanction légale compte tenu des pressions sociales dont celle-ci est l’objet.

Autres échecs du gouvernement

Malgré tous les efforts d’accompagnement du gouvernement, de la société civile et des partenaires au développement, les femmes n’ont jamais atteint 20% des postes électifs au Mali. Elles représentent en 2014 environ  1,13% des maires, 8,60% des conseillers communaux, 9,52% des députés, les femmes chefs de partis ne représentent que 2%.

Pour les postes nominatifs, en cette période, le taux des femmes ministres est moins de 10% donc toujours en deçà des attentes. Dans les autres postes de responsabilité de l’administration publique, la situation des femmes se présente comme suit entre 2010 et

2013.

En termes de mesures correctives, le gouvernement, dans l’article 29 de la Charte des partis politiques prévoit la répartition de 10% du montant réservé au financement des partis au prorata du nombre de femmes élues sur leurs listes.

L’impact de cette mesure est pourtant faible dans la résolution du problème visé.

La faiblesse des opportunités d’égalité des chances d’accéder à un emploi, aux activités économiques et aux facteurs de production.

Malgré la présence des femmes dans tous les secteurs de production, leur accès aux actifs de production ainsi que le contrôle et la gestion des ressources sont très limités si non presque inexistant.

Dans le secteur de l’agriculture, l’accès aux équipements des exploitants agricoles selon le sexe est aussi inégalitaire que celui des intrants. Dans différentes localités, il a été constaté que les instruments de production moderne appartiennent à la famille, pas à un individu. Mais le problème qui se pose aux femmes est l’accès auxdits instruments,

Seules 19,6% d’entre elles possèdent une parcelle agricole en 2009, ce taux étant de

80,4% pour les hommes. Comme mesure le gouvernement, dans la Loi d’orientation agricole prévoit l’octroi de 10% des aménagements publics aux femmes et aux jeunes.

Les facteurs socio-culturels constituent des blocages à la promotion et la protection effective du genre et ce, dans tous les secteurs de développement (culturels, économiques, juridiques, politiques et institutionnels) y compris sur l’application des droits humains de la femme. La société malienne est soumise à une forte hiérarchisation dans laquelle la femme connaît diverses situations qui déterminent son niveau d’accès aux ressources productives, à la prise de parole et la participation à la prise de décision ou encore aux opportunités économiques et sociales.

Malgré la diversité de leurs croyances et pratiques, les ethnies partagent la spécificité de la différenciation des rôles masculin et féminin, même si celle-ci peut varier en intensité selon le milieu géographique d’appartenance, la catégorie socioprofessionnelle et l’âge etc.

Les facteurs socioculturels pèsent donc lourdement sur le statut de la femme dans la famille et dans la société, limitant ses capacités à prendre des décisions et à participer à la vie de sa communauté avec les mêmes chances que les hommes. Les pratiques coutumières et religieuses demeurent encore les références pour la gestion des rapports entre les femmes et les hommes dans la famille. Elles sont utilisées pour justifier des comportements et pratiques néfastes qui ont des conséquences négatives sur la situation des femmes et des filles et limitent leur accès aux structures et infrastructures de base. La Politique nationale genre prévoit des mesures stratégiques pour réduire les effets des facteurs culturels sur les femmes et les filles.

Faible budget

La Politique nationale genre constitue la feuille de route qu’entend suivre le Mali pour relever son niveau de développement humain et économique. Son adoption en 2011 a suscité un grand espoir quant à l’intégration du genre dans l’action gouvernementale, les politiques, les lois et les institutions en partenariat avec la société civile et les instances décentralisées

La part de budget national consacré à l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes est très faible.

Sur le plan budgétaire, l’allocation du département en charge de la Promotion de la femme n’a pas beaucoup évolué entre 2007 et 2013. Pendant toute cette période, ce taux est resté entre 0,30 et 0,40% du budget national. Cette faible allocation budgétaire explique en partie la timidité dans la réalisation des différents objectifs notamment ceux fixés dans la Politique nationale genre du Mali.

M’Pè Berthé

Source: Delta News

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