Depuis plus de 30 ans, les problèmes de gouvernance auxquels font face plusieurs États africains ont ouvert la voie aux chercheurs, analystes et observateurs avertis pour permettre de mesurer et analyser leurs effets entre les États et les interactions qui les lient avec les populations. La gouvernance met en avant la capacité stratégique des acteurs, les processus complexes et difficiles de négociation, l’interaction entre les secteurs public et privé ainsi que leurs dynamiques propres. Elle englobe les interactions entre groupes et individus autour des personnalités locales (municipalité, diverses associations, pouvoir central, instances économiques, etc.) et étatiques (gouvernement et autres institutions connexes). Pour Gremion (1979), la gouvernance a tendance à supplanter les notions de « gouvernement local » et le « pouvoir périphérique ». L’analyse de la notion de gouvernance nous permet de privilégier les processus de marchandage et de transversalité au sein de négociations où se concilient normes, valeurs et intérêts à travers des actions publiques ou privées, personnelles ou individuelles, collectives ou communes.
En effet, lorsque la gouvernance se trouve dans une phase tourmente ou risque de chambouler, deux positions possibles peuvent se dégager :
le pouvoir (l’État central, fédéral ou confédéral) et ses segments qui sont en péril se sentent dans une hésitation constante sur ce qui peut les arriver et cela permet aux partis politiques et à la société civile de chercher le juste milieu pour un meilleur positionnement ;
le pouvoir et ses segments cherchent à sortir du naufrage en utilisant toutes les énergies disponibles pendant cette période délicate pour étouffer les acteurs sociaux et politiques qui les maintiennent entre le marteau et l’enclume.
Il est à noter que les interactions qui amènent ces bouleversements ont souvent pour cause un déficit inégalé de gouvernance qui s’est installé entre l’offre et la demande dans la gestion des affaires publiques et la mauvaise constitution d’un espace de représentation politique non équitablement partagé suite à la violation ou l’ignorance des textes en vigueur. Ce déficit de gouvernance entre pouvoir étatique, acteurs politiques et acteurs sociaux des différentes sphères de la vie sociale n’est jamais sans conséquence. C’est pourquoi, l’analyse de la gouvernance permet de mettre en question la nature même de l’État central, son rôle, les modalités de son intervention. Ainsi pour Donzelot et Estèbe (1994), on passe de l’État-providence à l’« État animateur » donc l’État n’est plus détenteur d’un pouvoir régalien, mais un « animateur », il doit produire de la solidarité entre le monde du travail et celui des exclus, et plus particulièrement entre les exclus dont il doit accroître la capacité d’intervention et d’action dans le champ social.
Selon l’expression de Michel Crozier, cette vision souligne la nature désormais limitée de l’État, celui qui accompagne le changement social plutôt qu’il ne l’impulse, « État modeste ». C’est pourquoi certains analystes de la gouvernance remettent en cause la prééminence de l’État central dans les prises de décision. Il faut que l’Etat renoue et lie ses actions avec la réalité en quittant la posture mythique ou mystifiée d’un État tout-puissant doté d’une capacité illimitée d’action et autonome à l’égard des acteurs pour lesquels il existe. La conséquence qui en découle est la remise en cause du dualisme au profit d’une multiplicité d’acteurs et d’institutions qui sont dotés d’une autonomie plus ou moins large face à l’acteur étatique qui n’est que l’une des composantes dans le champ de l’action et de l’intervention sociales pour réguler la vie des citoyens. Dès qu’il y a plusieurs perspectives qui s’ouvrent en matière de gouvernance, l’une d’elles est sans nul doute celle de la perspective technocratique. C’est une polarité qui met alors en valeur la capacité de coordination entre un système politico-administratif donné et les réseaux socio-économiques, les associations, les secteurs privé, etc. Cependant, la gouvernance s’inscrit dans une visée assurant le dépassement de la dichotomie tranchée entre les secteurs privé et public. Mais cette représentation peut en venir à minimiser le rôle du politique, voire à lui dénier un rôle important dans les processus de prise de décision sociale.
Les problèmes de gouvernance se résolvent de plusieurs manières privilégiant le dialogue, la négociation, la concession constructive et le partage mutuel des problèmes communs.
Hamadoun HAIDARA Sociologue, Chercheur en Gouvernance et Décentralisation
Le Pays