Parodie d’élection, instrumentalisation de la justice, la première réaction de Jean-Pierre Bemba en République démocratique du Congo, après son exclusion de la course à la présidentielle n’a pas tardé.
La Cour constitutionnelle a confirmé l’inéligibilité de l’ancien vice-président à cause de sa condamnation pour subornation de témoins par la Cour pénale internationale.
Sur France 24, Jean-Pierre Bemba dénonce les obstacles mis en travers de la route des opposants en RDC : « Il est évident que tout juriste sait que cette affaire n’est pas encore terminée. Evidemment qu’on a utilisé et instrumentalisé la justice pour m’écarter une fois de plus. Je ne suis pas le seul candidat à avoir été écarté, de poids d’ailleurs, dans cette élection à venir. Je pense que tout acteur se rend très bien compte que tout cela n’est qu’une mise en place qui veut simplement que le choix du candidat au pouvoir puisse ne pas avoir de candidat sérieux devant lui ».
Après cette décision de la Cour constitutionnelle, le Mouvement de libération du Congo (MLC) et plus globalement toute l’opposition ont cherché une stratégie. Le parti de Jean-Pierre Bemba s’est réuni ce mardi pour décider de la marche à suivre [lire ci-dessous].
A Kinshasa, l’arrêt de la Cour n’a pas été une surprise, mais on ne semble pas baisser les bras. On a appris ce matin que lundi la secrétaire générale du parti, Eve Bazaiba, a adressé une lettre à Fabienne Chassagneux, représentante de la CPI en RDC, pour lui demander de mettre un terme « à la confusion autour de la condamnation de Jean-Pierre Bemba pour subornation de témoins ». Pour le MLC, la Cour constitutionnelle a fait une mauvaise interprétation des décisions de la CPI pour l’écarter.
D’autres candidats de poids sont écartés de la course, notamment Moïse Katumbi qui n’a pas pu se présenter. Le 24 août, on se souvient, avant même la publication par la Céni de la liste des candidats recalés, plusieurs leaders de l’opposition s’étaient unis pour mettre en garde la Commission électorale nationale indépendante contre la tentation de céder à des injonctions politiques et menaçaient à l’époque d’appeler à la mobilisation générale du peuple congolais.
Le MLC a planché sur sa stratégie
Les cadres du MLC réunis ce mardi à Kinshasa ont planché sa la stratégie à adopter dans les semaines à venir. A la sortie, la secrétaire générale du parti, Eve Bazaiba, a donné une conférence de presse. Elle annonce notamment la création d’un « comité de crise ».
Pas d’appel à manifester dans l’immédiat mais la mise sur pied d’un comité de crise et la menace d’un boycott du processus électoral. Objectif de ce comité de crise : « planifier un agenda d’action citoyenne » commun à l’opposition afin d’amener le peuple congolais à « reconquérir ses droits souverains accaparés par un groupe de prédateurs ».
La liste des formations politiques qui pourraient y adhérer n’est pas encore connue. Mais le MLC dit vouloir préserver « l’unité d’action de l’opposition ». Le parti de Jean-Pierre Bemba n’exclut pas de boycotter l’élection et promet donc de mener rapidement une évaluation globale du processus électoral en cours avant de décider d’y prendre part ou non.
Le MLC réclame notamment une refonte de la commission électorale, accusée de « mettre en danger le processus » en « refusant la concertation » et d’être « inféodée au pouvoir » au même titre que « toutes les institutions politiques et administratives du pays », cour constitutionnelle inclue.
Le MLC accuse le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba d’ « utiliser sa position » pour « continuer de distiller sa haine vis-à-vis de Jean Pierre Bemba ». Le MLC n’exclut pas enfin de tenter de nouveaux recours au sujet de la candidature de l’ex-vice-président auprès de la Cour africaine des droits de l’homme notamment, mais aussi en RDC, une fois que la CPI aura rendu sa dernière décision dans le dossier de subornation de témoin, le 17 septembre prochain.
LE MLC se dit également solidaire des autres candidats écartés de la course. Eve Bazaiba a cité Adolphe Muzito, Moise Katumbi mais aussi les prisonniers Eugène Diomi Ndongala, Franck Diongo et Jean-Claude Muyambo.
Du côté des autres partis de l’opposition, Félix Tshisekedi, dont la candidature a été validée, dit ne pas être encore informé de la création d’un comité de crise commun à l’opposition. Pierre Lumbi, du mouvement Ensemble de Moïse Katumbi confirme en revanche que des discussions sont en cours. Lundi, Moïse Katumbi et Adolphe Muzito, tous deux empêchés de se présenter, avaient également appelé dans une déclaration commune à renforcer la concertation au sein de l’opposition. Plus tôt ce mardi, l’UNC de Vital Kamerhe a de son côté qualifié « d’injuste et d’inique » l’invalidation par la Cour constitutionnelle de Jean-Pierre Bemba et d’Adolphe Muzito, dénonçant des manœuvres destinées à « diviser l’opposition ».
RFI