Malgré une troisième phase non concluante, le processus d’Alger est entré dans la dernière ligne droite de son accomplissement et ne tient plus qu’à un fil : l’assentiment des mouvements armés à tendance séparatiste. Leur caution au schéma proposé par les médiateurs, à l’issue des pourparlers enclenchés depuis quelques mois, consacrerait le terme de plus d’une cinquantaine d’années d’Etat unitaire, la fin d’autant d’années de régime présidentiel et de verticalité des rapports entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux.
Plus que les questions de développement ou les stratégies qui s’y rattachent, les aspects institutionnels se seront imposés, ont dominé les pourparlers et polarisé les attentions comme principal enjeu dans l’épreuve de nerfs entre le gouvernement malien et la coalition séparatiste.
En attendant la retrouvaille suivante, les trois mouvements rebelles continuent de se montre encore très tatillons sur la teneur des concepts et veulent évacuer la moindre confusion susceptible de rendre équivoques les acquis arrachés au bout de laborieuses négociations supervisées par la Communauté internationale.
En clair, ils ne semblent guère s’en satisfaire, sans la prise en compte de la dénomination identitaire ‘’Azawad’’, puis l’intégration de la consonance ‘’fédéralisme’’ dans la lexicologie de l’Accord. Les officiels maliens, pour leur part, insistent autant sur certaines nuances équivoques et autres ambivalences sémantiques. Par-delà ces considérations de forme, le texte du ‘’préaccord’’ soumis à l’examen des différents protagonistes ne présente rien de moins, dans ses contenances et substances, que les caractéristiques d’une organisation étatique à orientation fédérale.
Outre l’effectivité du transfert des ressources et des compétences du centre vers les périphéries, une telle lecture est par ailleurs corroborée par une large autonomie dans la gestion des ressources locales ainsi que par la détention d’une légitimité populaire pour ce faire.
Les présidents d’Assemblée régionale sont désormais élus au suffrage universel direct dans leurs territoires respectifs et disposent d’un exécutif propre pour la mise en œuvre de leurs programmes de développement. Les ressources, pour ce faire, ne proviennent pas seulement de l’affectation de quotas budgétaires conséquents issus des ressources nationales. Elles émanent aussi des prélèvements fiscaux locaux pour lesquels le pouvoir régional dispose d’un libre arbitre, dans l’esprit comme dans la lettre du préaccord, dont la signature est annoncée pour Janvier prochain. Idem pour la libre détermination des politiques locales dans les secteurs vitaux comme l’école, la culture, la santé, l’agro-pastoral, etc., parmi une palette variée de domaines relevant tous désormais de la compétence locale.
Pour autant que le schéma va au-delà des seules régions irrédentistes et s’applique à l’ensemble des entités territoriales du Mali, il en résulte logiquement l’imminence -au détriment de l’ensemble étatique unitaire en vigueur depuis le 22 Septembre 1960- de petites entités micro étatiques autonomes sur lesquels le pouvoir centrale n’a pas d’emprise même pour certains secteurs dits de souveraineté (l’armée, la sécurité, la justice, etc.) Pour l’administration de la justice, son influence est nuancée par la résurgence du système traditionnel basé sur les «cadis», tandis que le même document consacre une régionalisation du mécanisme de sécurité.
Ces concessions de souveraineté sont par ailleurs agrémentées par l’opportunité de censurer les décisions du pouvoir central à travers une forte représentation au futur sénat tel que préconisé dans la mouture finale du préaccord. Toutes choses qui doivent normalement consacrer la fin du régime présidentiel dans sa forme actuelle.
Abdrahmane KEITA