Le manifeste pour l’alternance et le changement, le dernier rapport du Parena sur l’achat d’équipements au profit de l’armée malienne, l’élection présidentielle de juillet, le bilan d’Ibrahim Boubacar Keïta… Ce sont là les sujets abordés par Djiduiba Keïta dit PPR, secrétaire général du Parena, dans un entretien exclusif accordé à L’Aube. PPR ne mâche pas ses mots.
L’Aube : Plusieurs partis politiques et associations dont le Parena ont signé, le 29 avril dernier, un manifeste pour le changement. Quel est l’objectif que vous visez ?
Djiduiba Keïta : Des patriotes maliens, membres d’une cinquantaine de partis et mouvements politiques et de plus de deux cents associations ont signé, le 29 avril 2018, un Manifeste de la Coalition pour l’Alternance et le Changement. Soucieux du devenir de leur pays et de la situation catastrophique dans laquelle les tenants du quinquennat finissant l’ont mis, ces Patriotes proclament que l’alternance est une question de survie et de sécurité nationale, au regard de l’immense gâchis qu’ont été ces cinq dernières années de gouvernance sans vision. En conséquence, entendu que c’est une question de survie, l’objectif visé par les signataires est le changement de l’équipe au pouvoir, l’avènement d’une nouvelle gouvernance, vertueuse celle-là, ayant seul le Mali comme ambition. L’objectif, c’est d’accéder au pouvoir et montrer qu’un autre Mali est possible, un Mali sans ingérence outrageante de la famille dans les affaires de l’Etat, sans surfacturations, sans tripatouillages des dossiers d’attribution des marchés publics, un Mali où chaque citoyen a la chance de s’épanouir.
Avez-vous les moyens de votre principale ambition qui est de battre IBK ?
Oui, nous avons les moyens de notre ambition de nous substituer à l’équipe gouvernante actuelle, de battre IBK dans les urnes. Ces moyens, c’est d’abord notre engagement commun à conjuguer et unir nos énergies et moyens pour l’atteindre. C’est ensuite le bilan catastrophique des cinq années du régime, qui a fini de montrer son incurie et sa totale incapacité à faire sortir le Mali de la grave crise qu’il vit depuis 2012. Autrement dit, le bilan d’IBK est l’un de nos meilleurs atouts pour le battre, et nous ne nous ferons pas prier pour cela.
Le dernier rapport publié par le Parena sur l’achat d’équipements militaires au compte de l’armée fait couler beaucoup d’encre et de salive. Le ministre de la défense a même apporté un démenti après la publication de ce rapport. Qu’avez-vous répondre ?
Sur les dernières révélations du Parena concernant l’achat d’équipements militaires : vous savez, ce régime nous a habitués à beaucoup de cas suspects de détournements de deniers publics, de surfacturations et de pratiques qui jurent avec la morale publique. Le dossier des avions est un cas très révoltant. Mais le Parena, comme à son habitude, parle avec responsabilité. C’est ainsi que nous avons affirmé que le Mali a signé un contrat de 88,7 millions de dollars pour l’acquisition de six (6) avions de guerre, soit 51,7 milliards de francs CFA, mais au finish c’est 53, 3 milliards que le Mali va débourser. Le hic, c’est que cette somme est sortie du Trésor Public pour 6 avions mais seulement 4 seront livrés. Les deux avions manquants coûtent 20,7 millions de dollars, soit 11,2 milliards de FCA aujourd’hui. Le Parena, dans sa sagesse, demande : «que s’est-il passé entre temps? Un mystère que le gouvernement se doit de dissiper au plus vite». C’est donc pour réagir à cette «injonction du Parena» que le gouvernement s’est précité pour « se justifier ». Le Ministre de la défense n’a pas fait de démenti du Parena, il a plutôt confirmé que ce parti ne parle jamais au hasard. Il dit : oui, le Mali a commandé six avions. Oui il ne sera livré que 4 avions. Après avoir donné raison au Parena, il tente de justifier les deux avions manquants et les coûts subséquents. Mais, c’est là où le bât blesse : le ministre n’est pas du tout convainquant pour la destination des 11,7 milliards. Il dit que le contrat a été renégocié parce que le Mali a revu ses ambitions à la baisse par manque de moyens. En quoi cela a-t-il consisté ? Ajouter par exemple cent millions au prix de chacun des quatre avions, comme dommages et intérêts à Embraer? Qu’est devenu le reste de l’argent ? Telle est la question. Elle n’est pas répondue et le Parena reste sur ses positions : on veut savoir ce que sont devenus les onze milliards de FCFA, prix des deux avions non achetés.
Il semble que le Parena détient d’autres informations sur le même dossier… ?
D’autres révélations ? C’est possible, parce que le jeu favori de ce régime c’est la surfacturation et le détournement de deniers publics. Mais déjà, concernant cette histoire de six avions, les commentaires vont bon train, mais le Parena répondra en temps voulu aux allégations du gouvernement.
Des inquiétudes sont exprimées çà et là au sujet de la tenue de la présidentielle du 29 juillet 2018. Partagez-vous ces inquiétudes ?
La présidentielle se tiendra-t-elle le 29 juillet 2018? Elle doit se tenir, parce que depuis septembre 2013 le président de la République savait que c’est en juillet – août 2018 que la présidentielle devra se tenir. La réalité c’est que ce pouvoir n’avait pas l’intention d’organiser l’élection en question, il a compté sur la révision constitutionnelle qui permettrait de s’en passer. Grâce au combat mené par An tè A Bana, ce plan a échoué, obligeant les tenants du pouvoir à vouloir organiser des élections précipitées, à bonne date. Dans tous les cas, c’est eux seuls les responsables de la situation. Il y a des inquiétudes légitimes, mais la position de l’opposition est claire : pas de plan B, la présidentielle doit se tenir le 29 juillet 2018. Et, en parlant d’élections, nous exigeons des élections crédibles, pas des élections bâclées !
A trois mois de la fin du mandat, quelles appréciations faites-vous du bilan d’Ibrahim Boubacar Keïta?
Bilan d’IBK en fin de mandat ? Il aura été au finish : Djiguitiguè Massa. La déception est inversement proportionnelle au score de 77% de oui pour le locataire de Koulouba au second tour de la présidentielle de 2013. Pas un seul secteur où le régime n’a pas déçu. Mais on peut se limiter au principal dossier pour lequel IBK a été élu : le Nord. En arrivant au pouvoir, Kidal faisait pleinement partie du Mali, aujourd’hui, lui-même ne peut y aller. L’accord d’Alger des 15 mai et 20 juin 2015 est un accord qui met le Mali au pilori et ne peut jamais être appliqué en l’état. Il va falloir aux Maliens de se l’approprier afin de lui donner un contenu applicable.
Propos recueillis par C H Sylla
Source: L’ Aube