Le comportement inacceptable des jeunes basketteurs à Kigali et leur radiation ont suscité un débat souvent houleux entre ceux qui les soutiennent et ceux qui exigent une mesure disciplinaire à la hauteur de l’offense faite aux couleurs nationales. Et comme c’est le cas ces derniers temps, beaucoup en ont profité pour tenter de régler leurs comptes personnels.
Dans l’affaire de la radiation des basketteurs ayant refusé de défendre la patrie au Rwanda, il est déplorable que beaucoup aient joué à l’acharnement sur la Fédération malienne de basket-ball et le Département de tutelle (Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne) parce qu’ils ne savent pas en réalité comment les primes sont gérées.
Il est par exemple utile de savoir que le budget du ministère de la Jeunesse et des Sports ne couvre que le fonctionnement du département (cabinet, services centraux et rattachés…). Les budgets des différentes compétitions auxquelles le Mali participe n’y sont pas directement logés. En amont de chaque compétition, la fédération concernée ou le Comité national olympique et sportif du Mali (CNOSM, pour la participation aux Jeux olympiques par exemple) élabore un budget qui est soumis à la Direction nationale des sports et de l’éducation physique (DNSEP) puis à la validation du cabinet.
Une fois validé, il est transmis au ministère de l’Economie et des Finances qui exige généralement une «moralisation». Une exigence qui tient rarement compte des nombreuses exigences de la haute compétition sans cesse rappelées par leurs collègues du ministère de la Jeunesse et des Sports. Mais, nous savons tous que le dernier mot revient aux experts des finances dont certains sont encore convaincus que les fonds injectés dans le sport équivalent à de l’argent jeté par la fenêtre.
Au finish, la compétition est gérée en fonction du budget adopté. Il n’est pas rare qu’une participation soit annulée faute d’argent ou que les fédérations se débrouillent pour faire participer leurs athlètes puisque le processus de décaissement peut souvent prendre un temps fou. C’est pourquoi il faut d’ailleurs s’y prendre à temps pour éviter des surprises désagréables. Le montant des primes est fixé par un arrêté interministériel (ministre de la Jeunesse et des Sports/ministère de l’Economie et des Finances). En fonction des compétitions, ils sont budgétisés avec le budget global de la participation.
Le MJS n’est qu’un parfait bouc émissaire
On indexe donc généralement à tort le ministère de la Jeunesse et des Sports alors que sa marge de manœuvre est généralement très réduite par rapport à ces questions financières que sont budget ne peut pas supporter. Là où il est difficile de lui accorder des circonstances atténuantes, c’est au niveau des salaires des différents encadrements techniques qui sont payés par le Trésor public comme ceux de la Fonction publique. La réalité est que les choses traînent souvent trop (par négligence ou à cause de la lenteur administrative ?) au point que certains sont limogés sans avoir perçu une grande partie de leurs salaires.
Selon nos informations, l’Etat a récemment fait des efforts en épongeant (en deux tranches entre novembre et décembre 2021) des arriérés de salaires des techniciens du football et du basket à hauteur de près d’un milliard de francs Cfa. Les Finances ont également annoncé 400 millions pour cette année. Et selon les mêmes sources, des arriérés de primes ont été épongés de 2016 à nos jours. «Les entraîneurs expatriés du basket n’ont plus d’arriérés», a précisé l’une de nos sources.
Mais, force est de reconnaître qu’on ne peut pas nourrir l’ambition de pouvoir figurer un jour dans le gratin du sport africain et continuer de naviguer à vue. Il faut une solution pérenne à ces problèmes d’arriérés de primes et de salaires des sportifs et de leurs encadrements techniques. Un moment, il avait été suggéré de procéder à un arbitrage par un comité restreint indépendant (ministère des Sports, ministère des Finances, CNOSM, fédérations nationales sportives, presse sportive).
Les compétitions étant programmées en avance, il s’agit de voir celles d’une année budgétaire. En fonction des capacités financières du pays, il faut procéder à un arbitrage en éliminant les compétitions dans lesquelles on a peu de chance de briller et ne retenir que celles qui peuvent apporter au pays un certain prestige. Cela peut d’ailleurs être une motivation, un challenge pour les «petites fédérations» qui vont rivaliser pour ne plus se contenter de faire acte de présence aux différentes compétitions. La procédure est discriminatoire, mais elle a au moins le mérite de mettre le pays à l’abri des humiliations comme celle vécue récemment au Rwanda.
S’inspirer des expériences positives d’ailleurs
Toutefois, la solution idoine serait la création d’un Fonds nations pour le développement du sport (alimenté par le budget à partir notamment des impositions sur certains produits comme les tabac, alcool, chicha, engins à deux roues…), entre autres, qui sera suffisamment doté et procédera à l’arbitrage annuel selon les intérêts sportifs du pays. Il s’agit dans la plupart des cas d’un compte d’affectation spécial dont les atouts seront la célérité et la transparence de sa gestion. Il aura pour mission de procéder à un état des lieux des pratiques sportives et des équipements dans la perspective d’un financement pluriannuel ; re-budgétiser les actions qui incombent directement à l’Etat ; simplifier les structures du mouvement sportif et rendre les contrôles plus efficaces.
Au Bénin par exemple, le Fonds national pour le développement des activités de Jeunesse, de Sport et de Loisirs (FNDAJSL, créé par le décret N°2013-328 du 26 août 2013) est un établissement public à caractère social et culturel, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il est placé sous la tutelle du ministère en charge des Sports. Pour son fonctionnement, le FNDAJSL bénéficie de l’affectation de la subvention de l’Etat au bénéfice du soutien au développement de la pratique sportive.
Les crédits sont destinés aux associations sportives agréées par le ministère des Sports, les fédérations sportives, les collectivités locales et les associations de jeunesse et loisirs ; aux jeunes porteurs de projets, des promoteurs sportifs et des athlètes de haut niveau ainsi qu’à tout groupement d’intérêt public en charge de la jeunesse, des sports et loisirs. On peut s’en inspirer en tenant compte de nos spécificités.
Alphaly
Source : Le Matin