À travers un communiqué signé par son président et publié le vendredi dernier, le Congrès national d’Initiative démocratique (CNID – FYT) a exprimé son scepticisme quant à la possibilité́ de tenir, à la date indiquée, des élections législatives inclusives, transparentes, sécurisées annoncées pour les mois de mars et avril prochains. Les raisons avancées : la non-réforme du Code électoral pourtant recommandée par la CEDEAO, la détérioration de la situation sécuritaire, la violation de l’article 85 de la loi électorale…
Le comité exécutif du CNID-FYT n’est pas partant pour les élections législatives prochaines même si certaines de ses structures ont décidé d’y aller pour « des raisons locales impératives ». Plusieurs raisons expliquent cette décision du parti de Me Mountaga Tall, selon le communiqué du 14 février.
Le premier argumentaire du CNID_FYT pour boycotter ces législatives, c’est le fait que le Code électoral malien n’ait pas été réformé. Pourtant, cette réforme a été recommandée par une délégation de la CEDEAO conduite par la ministre des Affaires étrangères du Nigeria, à l’époque, Président en exercice du Conseil des ministres de l’organisation, lors de sa visite à Bamako en 2018. Elle avait déclaré , selon le CNID, : «Prenant acte de la prolongation de la législature actuelle selon l’avis de la cour constitutionnelle et au regard des dysfonctionnements largement reconnus et évoqués par tous les interlocuteurs lors du scrutin présidentiel passé, il est impératif que le Gouvernement et tous les acteurs socio-politiques conviennent, de manière consensuelle, d’entreprendre des réformes courageuses des cadres légaux, y compris la Constitution de février 1992, et du système électoral avant de s’engager dans les prochaines échéances électorales que compte mener le pays…». Cette recommandation de la CEDEAO n’a pas été, à en croire le parti de Me Tall, respectée par le gouvernement malien dans le cadre de l’organisation des législatives prochaines. « Il est loisible à tous de constater que le Gouvernement du Mali, qui s’apprête à s’engager dans une nouvelle échéance électorale n’a, depuis cette date, pris aucune initiative, même timide, pour réformer le Code électoral », a déploré la formation politique membre du Front pour la sauvegarde de la démocratie , dans son communiqué.
Une autre inquiétude du CNID-FYT, quant à la possibilité de la tenue des législatives prochaines, se situe au niveau sécuritaire. Si le gouvernement estime que le scrutin peut être tenu, malgré la fragilité de la situation sécuritaire, le parti de Me Mountaga Tall reste sceptique. Selon cette formation politique, depuis la deuxième prorogation du mandat des députés pour plusieurs raisons dont certaines sont sécuritaires, « aucune initiative politique n’a été mise en œuvre pour assurer la tenue d’élections législatives régulières et transparentes». Le CNID-FYT trouve que le gouvernement, en organisant ces législatives sans que toutes les conditions ne soient réunies, veut «frauder ».
À en croire ce parti d’opposition , il est difficile de tenir ces législatives alors que les représentants de l’État sont absents dans plusieurs localités. « Déjà̀, plus de 100 communes n’ont pu participer à la phase communale du « Dialogue national inclusif » pour raison d’insécurité́ laquelle a atteint des zones naguère épargnées. De nombreux administrateurs, magistrats, agents de santé ou maîtres d’école ont d’ailleurs déserté́ leurs postes pour se mettre à l’abri. Le Gouvernement qui prétend pouvoir sécuriser les candidats, les agents électoraux, les bureaux de vote et la transmission des résultats ne devrait-ils pas commencer par sécuriser ses propres agents à moins de faire aveu de les livrer volontairement et quotidiennement à la mort », lit-on dans le communiqué signé par l’ancien ministre de la Communication et de l’Économie numérique.
La « violation de l’article 85 de la loi électorale» est un autre point que fustige le CNID-FYT. En effet, cet article dispose que : « Les électeurs sont convoqués et la date du scrutin est fixée par décret pris en Conseil des ministres et publié au journal officiel soixante (60) jours au moins avant la date des élections. En cas de nécessité́, il peut être procédé́ à la convocation des collèges électoraux à des dates différentes pour les élections communales. Dans ce cas, les élections se dérouleront le même jour au niveau de l’ensemble des communes comprises dans une ou plusieurs régions. » Dans l’analyse de Mountaga Tall et militants, il n’y a aucune nécessité d’organiser les élections dans certaines circonscriptions tout en omettant certaines autres. « D’ailleurs, la non-organisation du scrutin dans certaines régions, dont les gouverneurs sont en fonction et les cercles clairement définis (Bougouni, Koutiala, Menaka, Nioro et Tessalit) est en soi une manifestation de violation de cette loi que le CNID ne saura ni cautionner ni laisser faire », explique-t-on.
Selon le communiqué, c’est compte tenu de toutes les irrégularités susmentionnées que le CNID-FYT exprime « son total scepticisme quant à la possibilité́ de tenir, à la date indiquée, une élection inclusive, transparente, démocratique et sécurisée ». Le parti précise que même si certaines de ses structures iront à ces législatives pour des « raisons locales impératives », le comité exécutif n’y prendra pas part. « Préférant perdre des députés plutôt que de perdre ses idéaux, le CNID-FYT réaffirme qu’il existe de réelles solutions alternatives au forcing en cours », précise-t-on dans le communiqué signé par Me Mountaga Tall.
Boureima Guindo
Source: Journal le Pays- Mali