L’élection reste une boussole pour une démocratie, une République. Pour l’orientation de celles-ci, le choix des citoyens est déterminant. L’élection demeure un exercice significatif, important pour la consolidation de la République.
C’est un moment non négligeable pour le devenir, la gestion, de la République. C’est lors de l’élection que le citoyen donne la clef de sa vie pendant des années à celui qui croit pouvoir le représenter. Quelle folie, quel sentiment vont pousser l’électeur à se tromper, à être léger pour confier son destin à des personnes qui n’incarnent pas ses idéaux, ou ne peuvent pas apporter une modification, une amélioration à ses conditions de vie ? La vie est trop précieuse et belle pour la vendre à des marchands d’illusion. Après vingt ans d’exercice démocratique, certains électeurs maliens sont toujours dans l’ombre de ces marchands d’illusion, qui tels les marchands ambulants avec des sacs de sel, sucre, thé, sillonnent nos campagnes pour tromper nos parents dans leurs milieux de vie. Nous fils, filles enfants ruraux, des campagnes et de villages pensons qu’il est temps d’être les porte-paroles, les avocats des parents qui ont été la boussole de notre existence. Prenons en compte cette belle bénédiction que tout enfant reçoit de ses parents avant sa procréation : « Allah ka maâ bô i la miin ka fisa ni i ye » « Que Dieu te donne une progéniture qui te dépasse ».
Le souhait d’un parent n’est pas seulement la réussite de ses enfants mais plutôt que ceux-ci le dépassent. Les parents prônent l’ascension sociale au bon sens du terme. L’élection est un outil à la disposition de l’électeur, du citoyen pour amener aux responsabilités des hommes et des femmes capables d’améliorer ses conditions d’existence. A travers une élection, le citoyen porte sa confiance, mandate une personne ou groupe de personnes disposant de qualités humaines, sociales, professionnelles morales, pour respecter les droits des autres. Ce choix du citoyen vise à confier à ses représentants un pouvoir fondé sur la raison, la justice, l’équité. Le but du vote du citoyen à ses représentants est que celui-ci accomplisse des tâches, des missions visant à corriger, à équilibrer les inégalités dans la République.
Que peut-on dire de la boussole Républicaine?
Différentes échéances électorales ont montré des inconstances dans l’évolution du processus démocratique au Mali. Les électeurs une fois l’élection passée, doutent des comportements des animateurs de la vie politique, des décideurs d’actions publiques. Ces inconstances affectent, fragilisent, désorientent le citoyen, qui par son vote, pense participer à l’édification du système démocratique mais se voit trompé par la suite. L’action politique et publique semble peu aider le citoyen pour l’acquisition de connaissances et de formations suffisantes, pour une consolidation de la vie démocratique. L’achat de conscience des électeurs en est une illustration lors des élections. Comment le citoyen peut-il accepter que d’autres soient vendeurs, acheteurs, gestionnaires de son destin ? Pourquoi le citoyen a-t-il cette soif du « court-termisme »? Pourquoi le vote n’est plus une opportunité pour le citoyen de donner sens à son existence ? Quel gâchis de perdre cinq ans de son existence à chaque échéance électorale ! Manque de vigilance, inconstance des citoyens, des politiques et des pouvoirs publics sont sources de déséquilibre politique et social.
L’illégitimité des cadres des partis politiques fragilise le jeu politique en interne comme en externe. Les représentants, sont-ils des références pour les citoyens ? Toute réponse autre que positive montre une action politique fossoyeuse de la démocratie. Pour autant, l’existence des partis politiques est nécessaire dans une démocratie à condition que ceux-ci restent des lieux de débats, de contradiction, de conviction, d’éveil de conscience, de formation civique.
L’accession à la fonction publique désoriente la boussole de la République, l’Etat étant le gros pourvoyeur d’emploi au Mali. On constate une forte concentration des demandeurs d’emploi dans la ville de Bamako. Un phénomène qui risque d’entrainer une désarticulation de l’espace politique et l’ascension de nouveaux acteurs parmi les hommes politiques dans l’espace public. Sans équité dans l’accès à la fonction publique, on assiste à une reproduction des inégalités entre citoyens. Faciliter l’accès à l’emploi, la protection du citoyen sont des droits fondamentaux ; lorsqu’ils ne sont pas respectés cela provoque des inégalités, des crises et fragilise l’évolution de la République.
L’un des socles de la république est la justice sociale. Or nous constatons au Mali des inégalités entre les élites politiques et les populations. Plusieurs domaines ou secteurs sont concernés par cette désorientation de la boussole de la République. Prenons l’année 2001 comme référence, même si les données ne sont pas récentes, elles sont significatives, d’autant que l’on ne constate pas une évolution rapide de la situation sur le terrain. Pour ce qui est des soins : nous constatons que :
– 4% de la population malienne sont à moins de 5km d’un centre de santé mais que 65% se trouvent à 30 km d’un centre de santé ou d’un hôpital
– Concernant les femmes rurales, 41% de ces femmes se rendent à la maternité la plus proche située entre 5 et 15 km, 85% des femmes urbaines ont la possibilité d’accoucher dans une maternité.
– Education : 59% des hommes entre 15-24ans n’ont jamais fréquenté l’école;68% de plus de 40 ans n’ont jamais fréquenté l’école.
– Dans le milieu rural 79% des hommes en milieu rural n’ont jamais fréquenté l’école; 90% des femmes en milieu rural n’ont jamais fréquenté l’école.
En 2004: 36,4% des ménages maliens s’approvisionnent en eau à partir de puits protégés; 31,80% des ménages utilisent l’eau de robinet (publique ou privée). La couverture en eau courante dans les ménages est de 6,8%.
En 2010 : 1 million d’enfants entre 8-12 ans sont exclus du système éducatif.
En 2017 : 1286 villages et fractions n’ont pas accès à une source d’eau potable au Mali.
Ces inégalités freinent tout processus de développement humain, économique et mettent la République en danger. La cohésion sociale au Mali est menacée par l’accumulation des inégalités sociales.
La force de la République est dans son équilibre, sa dynamique. Or les initiatives proposées ou produites ces dernières décennies par les politiques tentent d’étouffer l’équilibre, la dynamique du Mali. Pour permettre à chaque citoyen être utile au pays nous pouvons préconiser le concept du Fadenya. Le terme fadenya en bambara, définit une concurrence, qui peut déboucher à une rivalité, ou bien, de façon plus positive, à une vitalité qui permette à l’individu d’être maître de son destin, de prendre celui-ci en main et d’être un citoyen vigilant. Ce concept pousse le citoyen à rentrer en rivalité avec lui-même pour se dépasser et se libérer. La société est la somme des individus. Pour la bonne marche du collectif chaque membre est censé apporter sa part à l’édifice commun. Le fadenya est la vitalité propre à chaque citoyen qui a le devoir d’en perpétuer l’héritage, sachant que nous sommes tous enfant du même pays. Cette appartenance à la République demande à chaque citoyen de s’impliquer, d’être garant de la vitalité de la démocratie. Chaque trajectoire compte pour la consolidation des acquis démocratiques.
Ainsi, le fadenya permet de donner une impulsion à la société aux relations sociales car les actions politiques ont tendance à fragiliser, briser l’âme du malien. Chaque citoyen étant enfant de son pays ce que l’on demande c’est son implication pour transformer, changer les pratiques politiques.
Faden (enfant de) soyons enfant de quelque chose.
Fadenya be josu don mâala. A bé mâa demé kha yélémé do balo tioko la, ni kéwalé la.
« L’homme politique pense aux prochaines élections. L’homme Etat pense aux prochaines générations »
Moïse Diawara
Sociologue Centre Max Weber Lyon
diawaramoise@gmail.com
Les Echos