Le Mali a connu l’Islam à la fin du neuvième siècle. D’abord par sa position géographique, mais surtout par la conformité entre les principes de l’éducation traditionnelle des populations maliennes et les comportements prônés par cette religion.
L’Islam a juste donné un Dieu unique qui récompense des exigences déjà pratiquées par les peuples de cette région, surtout qu’il n’a pas empêché frontalement le syncrétisme. Dès lors la nouvelle religion a renforcé les sociétés dans toutes ces contrées devenues Mali après l’indépendance en 1960. Au Mali, la société a pour socle deux supports principaux : la tradition et la religion. Au niveau de la tradition, il y a les chefs traditionnels et les « nyamakalaw (hommes de caste)». Concernant la religion, nous avons le Christianisme, mais surtout l’Islam, qui est largement majoritaire.
Ces supports avaient su maintenir un équilibre naturel jusqu’à présent. Notre pays a toujours été considéré comme un pays pauvre, mais les Maliens ont toujours constitué une nation respectée, travailleuse et digne. Cela était dû à un mécanisme. Les chefs religieux étaient respectés par les responsables politiques qui leur faisaient des largesses. Pourtant, en cas d’écarts dans les comportements de ces derniers, nos chefs traditionnels envoyaient auprès des politiques leurs nyamakalaw pour recadrer tout de suite. Les hommes de caste de ces périodes aussi apportaient non seulement le message du chef coutumier, mais rappelaient vigoureusement au responsable moderne fautif d’où il venait et de qui il est descendant.
Si la faute était d’ordre religieux, les mêmes nyamakalaw allaient apporter le message de l’Imam et allaient signifier sans complaisance le respect de la famille du fautif concernant la religion. Il n’y avait pas intrusion, mais veille, droit d’alerte. Ce système a commencé à s’effriter vers la fin du régime du général Moussa Traoré quand certains religieux ont commencé à être des courtisans. Et quand on a commencé à récompenser les descendants des chefs coutumiers en leur donnant des lopins de terrain, mais surtout en les nommant grâce à leur statut de ”fils de” à des postes officiels. À l’avènement de la démocratie, la faiblesse des responsables politiques et l’organisation d’élections frauduleuses ont amené ces acteurs à avoir plus de poids et de privilèges encore.
Si le président Amadou Toumani Touré avait choisi le Mali, en devenant le véritable gardien de notre démocratie après la transition, il allait nous sauver de tout cela. Car il allait être le sage, le soldat de la démocratie qui avait délivré le pays. Il allait être l’équilibre. Mais en choisissant de descendre dans l’arène politique et d’utiliser les coutumiers et les religieux, il a ouvert carrément la boîte de pandore. Les familles coutumières sont devenues des charges et des instruments aux mains des pouvoirs. Quant aux religieux, ils sont devenus des maîtres chanteurs, jonglant entre les politiques. Ils parlent de Dieu, prêchent pour un meilleur à l’au-delà, mais ils agissent pour maintenir leur train de vie, qui est désormais traduit par un luxe insolent. La nation malienne s’est donc carrément effondrée faute de ciment, de protecteurs, de gardiens légitimes.
Actuellement, avec les complications et les difficultés qui surgissent au niveau du Haut conseil islamique, nous avons atteint un autre degré de détérioration sociale. Les religieux ont compris qu’ils tiennent désormais les politiques, et que celui qui maîtrise la faîtière de l’Islam profitera avec ses sbires des largesses et des strapontins, donc du butin. Malheureusement pour notre pays, les leaders religieux musulmans sont eux aussi divisés. Ils sont divisés en fonction de leurs intérêts et en fonction de leurs doctrines. Cette division des religieux, ajoutée à la faiblesse et à la confusion généralisée de la gestion politique, enfonce encore plus ce pays dans ce que personne ne peut encore nommer.
Macké Diallo
Source: Le Démocrate