La lutte contre la déforestation entre de plus en plus dans l’agenda de la jeunesse malienne. Dans le cercle de Kita, la jeunesse se lève contre la coupe abusive du bois dans la forêt du « Baoulé ». Une pratique intervenant sous l’œil indifférent des agents de la protection des eaux et forêts. La jeunesse réclame alors la gestion de ce patrimoine si toutefois les autorités compétentes ne sont pas en mesure de le faire.
D’après un confrère journaliste, la période de jeûne de cette année sous une canicule devrait être une bonne occasion pour mieux se convaincre des effets du changement climatique et des effets de la déforestation au Mali. Mais cela semble ne pas être compris par ceux qui se sont donnés pour fonction de couper abusivement du bois pour des intérêts économiques dans un pays au seuil de la désertification comme le Mali.
C’est tout le sens du combat de la jeunesse de la commune de Kourouninkoto, cercle de Kita, où récemment des camions chargés de bois coupés dans la forêt classée de Baoulé ont été aperçus couramment par les citoyens. Cela, sous l’indifférence totale de ceux qui ont la lourde responsabilité de la protéger, nous laisse entendre la vidéo mise à notre disposition par la jeunesse de ladite localité.
Face à cette situation, l’association des jeunes ressortissants de Kourouninkoto (AJRK) s’est organisée avec des frères au village pour mener des patrouilles en vue de sauvegarder cette forêt en dénonçant tous les malfrats qui s’adonnent à la coupe abusive du bois dans cette forêt.
C’est suite à une de ces sorties que la jeunesse est tombée un jour sur près d’une centaine de pieds de Rôniers (chargés de fruits) abattus et beaucoup d’autres incendiés par un ressortissant du même village du nom de Sôma qui était en complicité, selon certains membres de l’AJRK, avec quelques autorités locales dont les fils du chef de village, Koto Keita, qui est en même temps conseiller à la Mairie, et Niamba Mady Keita, tous deux des jeunes frères de Hari Makan Keita, adjoint du Maire du District de Bamako. Outre ceux-ci, il y avait également certains agents de la protection des eaux et forêts sur place.
À croire la jeunesse du village, ce bûcheron n’était pas à sa première fois de couper des Rôniers. C’est la raison pour laquelle la jeunesse a décidé de saisir les agents de la protection des eaux et forêts de la commune ainsi que la mairie et le chef du village pour dénoncer le malfrat. Mais selon l’AJRK, les autorités du village ont géré cette affaire par complaisance, puisque le fautif n’a pas été réprimé à hauteur de souhait.
Or, s’indigne un membre de l’association, un responsable du service de la protection des eaux et forêts du cercle de Kita, directeur de la forêt, déplacé pour la cause sur les lieux au moment des faits, s’était indigné de l’état de la forêt et avait mis en garde contre toute autre action de déforestation de ce type. À l’en croire, les autorités municipales et les autorités traditionnelles (les fils du chef du village) de Kourouninkoto, au lieu de chercher à comprendre comment cette forêt a pu être dévastée de la sorte, ont préféré se rallier aux coupables de cette bavure contre la nature et sont allées jusqu’à qualifier les jeunes de menteurs.
Joint par téléphone, Daouda Coulibaly, conseiller à la Mairie de ladite localité, dira que c’est sous le chef secteur Niaré, responsable actuel des agents des eaux et forêts de la commune, que la forêt a été exposée à de telles dilapidations.
À l’en croire, Kagnassi, le chef secteur prédécesseur de Niaré, était très rigoureux dans la protection de ladite forêt. Le conseiller dira également que la mairie est au bien au courant de cette situation qui a été tout le temps dénoncée non seulement par la jeunesse, mais aussi par la minorité des conseillers appartenant à des bords politiques différents de celui du Maire.
Pour donc mettre fin à cette situation de coupe abusive du bois dans la forêt du Baoulé qui commençait d’ailleurs à prendre des proportions polémiques entre la jeunesse et les autorités locales, les services des eaux et forêts ont décidé de faire table rase des arbres déjà coupés. Ils ont alors pris des précautions strictes contre toute nouvelle action de déforestation qui sera cette fois-ci, selon eux, sévèrement sanctionnées.
Mais paradoxalement, quelques semaines après ces propos des autorités, la jeunesse a indiqué avoir encore intercepté des camions chargés de bois frais (Rôniers). Dans cette nouvelle vidéo mise à notre disposition par la jeunesse, il s’agit d’un autre individu du nom de Sissoko, habitant d’un village voisin du nom de ‘’Mambiri’’. Quand la jeunesse a voulu lui rapprocher, confie l’AJKR, ce dernier aurait menacé, ce jour, de tirer sur toute personne qui l’empêcherait de procéder librement à son travail. Le bûcheron en question avait à sa disposition une arme. Aux dires des témoins, Sissoko disait avoir eu préalablement l’aval des autorités du village.
Joint par nos soins, le fils du chef du village, Niamba Mady Keita, dont le nom est cité dans l’affaire, n’a pas souhaité réagir, mais il nous a orientés vers un certain Mady Diarra, ressortissant de Kourouninkoto à Bamako.
Selon ce dernier, c’est juste un malentendu dû à un manque de communication entre les autorités locales et la jeunesse du village. Selon lui, le souci de tout le monde dans ce village est la protection stricte de cette forêt contrairement à ce que pense la jeunesse.
À l’en croire, le problème a été la saisine par la jeunesse des voies supra locales afin de gérer le problème alors que c’était possible de s’unir entre habitants, autorités municipales et locales pour chercher une solution consensuelle dans le village. Ce qui est sûr, à ses dires, le service de la protection des eaux et forêts de la localité ne joue pas franc jeu dans la situation. Il va plus loin en prévenant que ce service n’a pas intérêt à ce que la jeunesse et les autorités locales s’entendent et s’unissent contre leurs magouilles.
Quant à Niaré, chef secteur du service de la protection des eaux et forêts, cette situation est une vaine polémique, une simple prétention de chacune des parties à défendre uniquement son seul intérêt. Il a certes reconnu la grandeur de la forêt, l’insuffisance des moyens et de personnel, mais il dira que depuis son arrivée, tous les cas signalés de déforestations ont tous été réprimés par les agents sur place.
Il a tenu à préciser par ailleurs que la commune de Kourouninkoto est une zone de transit, où beaucoup de véhicules remplis d’arbres avec des permis d’exploitation quittent d’autres zones de Kita pour se rendre à Nioro. Il précisera quand même que nombreux de ces arbres coupés ne viennent pas de cette forêt classée, mais dans les champs des villageois. À ses dires, ceux-ci n’hésitent pas à faire de cela un problème une fois qu’ils ont des différends entre eux.
À croire le chef secteur, en tout, c’est une soixantaine d’arbres coupés au lieu d’une centaine comme indiquer par les jeunes. Il précise que c’est seulement huit qui sont issus de la forêt classée du Baoulé. Il dénoncera enfin les accusations de complicité à l’égard de son service dans la commune tout en indiquant qu’à l’heure actuelle, le coupable indiqué par la jeunesse est transféré au niveau de la prison de Kita afin qu’il paie ses frais.
ISSA DJIGUIBA
Le Pays