Le 18 septembre, à New York, se tenait en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies une réunion de haut niveau consacrée à une réforme en profondeur des Nations Unies. Pour mener à bien cette tâche, Donald Trump et son administration ont décidé de la création d’un groupe de quatorze pays. Seuls trois ont été retenus pour représenter l’Afrique au sein de ce groupe de travail: le Niger, le Rwanda et le Sénégal.
Cependant, c’est le choix du Niger et du Rwanda qui fit l’objet des discussions de couloir au sein du siège des Nations Unies. En sélectionnant ces deux pays, les autorités américaines ont ainsi voulu manifester leur volonté de n’impliquer que des dirigeants dont la vision, l’influence et l’efficacité font à présent l’unanimité aussi bien sur le continent africain que dans les capitales occidentales. Le choix du Nigérien Issoufou Mahamadou pour co-présider la réunion aux côtés de Donald Trump et d’Antonio Guterres, et celui du Rwandais Paul Kagame qui, d’après nos sources, serait pressenti pour conduire la réforme de l’organisation, montre l’influence dont jouissent ces deux hommes.
Une source diplomatique américaine explique qu’ «il ne fait à présent aucun doute qu’Issoufou et Kagame sont tous les deux perçus comme les leaders les plus influents de leurs régions respectives: l’Afrique de l’Ouest pour le 1er, et l’Afrique de l’Est pour le second.»
Malgré leurs parcours très différents, Kagame le militaire et Issoufou l’ingénieur ont beaucoup de choses en commun: ils sont tous deux appréciés pour leur excellente maîtrise des dossiers complexes, leur intelligence, leur sérieux. Si Paul Kagame jouit depuis déjà un certain temps d’une popularité hors-norme en Afrique et en Occident, pour avoir radicalement transformé son pays tout juste sorti d’un génocide en véritable modèle de développement africain, le monde commence tout juste à découvrir Issoufou.
Élu Président de la République en 2011, puis réélu en 2016, Issoufou Mahamadou voit le début de son premier quinquennat perturbé par la crise libyenne, qui s’étendra ensuite à toute la région. En effet, une bonne partie des maigres ressources dont dispose le Niger est alors redirigée vers la défense et la sécurisation des frontières du pays, au détriment des secteurs sociaux de base comme la santé ou l’éducation.
Mais, Issoufou a vu juste: car les groupes djihadistes qui prennent d’assaut le Sahel tout entier, ne tardent pas à semer le chaos en s’attaquant à tous les pays de la région. Un ministre ouest-africain remarque: «Issoufou a réussi ce que beaucoup pensaient alors impossible: assurer la paix et la stabilité dans un pays aussi pauvre que le Niger, et qui de surcroit, doit faire face à trois menaces sécuritaires distinctes.» En effet, le Niger affronte en même temps Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad, les groupes djihadistes basés au sud de la Libye, et aussi ceux qui sévissent dans le nord-Mali; situation qui serait difficile à gérer même pour une puissance occidentale. Ce même ministre affirme: «L’un des mérites d’Issoufou, c’est d’avoir très vite compris, avant les autres dirigeants, que la situation en Libye allait dégénérer. Il a été l’un des premiers à tirer la sonnette d’alarme. Il a aussi vite compris que compte tenu de leurs moyens limités, les pays de la région devaient nécessairement mutualiser leurs efforts pour faire face à la menace djihadiste. C’est lui qui a initié la création du G5 Sahel, alors que certains parmi ceux qui y siègent aujourd’hui étaient contre cette initiative à l’époque…»
Issoufou est aussi très apprécié des Européens pour sa gestion de la crise migratoire car, il joue aussi un rôle central dans ce dossier. A cause du chaos qui règne actuellement en Libye, le Niger est en quelque sorte le seul pays sur lequel les Européens peuvent compter pour réguler le flux de migrants qui transitent par la ville d’Agadez pour rejoindre la Méditerranée. « Les dirigeants européens ne tarissent pas d’éloges à son égard. Merkel et Gentiloni, en particulier, sont sous le charme. Issoufou est le seul dirigeant africain qu’ils consultent régulièrement sur les questions de migration », nous confie une source diplomatique. Issoufou a aussi fait ses preuves sur le plan économique, avec des investissements massifs dans les infrastructures et un taux de croissance moyen de 6% au cours des cinq dernières années, taux supérieur à la moyenne ouest-africaine.
Dans sa région, les succès et la popularité d’Issoufou font grincer des dents, notamment à Dakar et à Abidjan, où l’on digère mal qu’un «petit pays» comme le Niger fasse de l’ombre sur le plan diplomatique aux deux puissances politiques et économiques historiques de la région. Malgré les relations amicales qu’il entretient avec les présidents Ouattara et Sall, Issoufou n’hésite pas à leur tenir tête, comme il l’a démontré après le coup d’Etat manqué de septembre 2015 au Burkina Faso, où il aurait fait preuve de la plus grande fermeté envers les putschistes, insistant sur un retour à l’ordre constitutionnel, alors que Ouattara aurait, lui, prôné une position plutôt conciliante envers ces derniers.
Même s’ils ne sont pas exempts de tout reproche, il est donc facile de comprendre pourquoi les Occidentaux voient en Kagame et Issoufou des modèles pour le continent: ce sont des visionnaires qui font preuve d’un intérêt sincère pour le développement de leurs pays respectifs. Reste à espérer qu’ils réussiront à faire entendre la voix de leur continent sur l’épineuse question de la réforme des Nations Unies.
Alexandre Guimard
Source: Le Démocrate