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Passation de pouvoir à Koulouba : en toute simplicité

La cérémonie était chargée de symboles, et l’atmosphère emprunte de convivialité. Un président arrive, un autre s’en va. La passation de pouvoir entre l’ancien président Pr. Dioncounda Traoré et son successeur le président Ibrahim Boubacar Keita a lieu hier matin en toute simplicité au palais de Koulouba. Cette cérémonie de passation de pouvoir est une tradition républicaine. Mais curieusement, c’était seulement la deuxième fois qu’elle était observée en 21 années d’existence de la IIIème République. Le 8 juin 1992 lorsque la transmission se faisait entre Amadou Toumani Touré et Alpha Oumar Konaré, le premier était alors président de la Transition, un chef d’Etat arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch, et se trouvait lui-même dans la salle des spectacles du palais de la Culture pour assister à la cérémonie de prestation de serment du président de la République démocratiquement élu.passation pouvoir dioncounda traore ibrahim boubacar keita ibk palais de koulouba investiture

Le 8 juin 2002, la légalité constitutionnelle prévalait et les rôles s’étaient inversés : le président Konaré passait à son tour le relais à son successeur Amadou Toumani Touré. Ironie de l’histoire, ce dernier n’a pas eu la chance d’observer la tradition républicaine puisqu’il a été victime d’un coup d’Etat le 22 mars 2012.

Hier, après 16 mois et 24 jours de transition, le président par intérim Dioncounda Traoré passait le témoin au nouveau président élu Ibrahim Boubacar Keita. C’est à 8 heures 45 que le Pr. Dioncounda Traoré et son épouse sont entrés dans l’enceinte du bâtiment du Secrétariat général de la présidence. Portant un costume gris, sa traditionnelle écharpe blanche (signe de paix) autour du cou, le président Traoré est apparu très serein, de cette sérénité imperturbable qui le caractérise même dans les moments critiques. Séance photos suivie d’une montée des marches recouvertes d’un tapis rouge, marque de la solennité de l’évènement du jour. Le président par intérim s’installe dans la salle d’attente et discute des aspects protocolaires avec son secrétaire général, Ousmane Sy.

A 9 heures 06, le cortège du nouveau président fait son entrée dans la cour du palais. Sanglé dans un costume sombre et accompagné de son épouse, Ibrahim Boubacar Keïta traverse la haie d’honneur formée par les gardes, sabre au clair, avant d’être accueilli sur le perron du secrétariat général par son prédécesseur et aîné. Les deux hommes se donnent l’accolade sous l’œil des caméras et photographes. Ce sera là pour les chasseurs d’images l’occasion d’immortaliser un moment unique qui restera incontestablement dans l’histoire de notre pays.

Pour les ultimes moments de Dioncounda Traoré au palais de Koulouba, l’atmosphère est d’une évidente convivialité. Main dans la main, les deux hommes d’Etat se dirigent vers le salon présidentiel pour une séance photos et un bref entretien avant de se retirer dans le bureau présidentiel pour la passation proprement dite.

Citoyen libre – En attendant la fin de l’entretien, les gardes de corps de deux chefs d’Etat s’échangent des amabilités et des conseils. Les journalistes de la presse nationale et internationale venus nombreux essayent de deviner ce que les deux hommes d’Etat sont bien en train de se dire à ce moment précis. Tous sont d’accord pour souligner la dimension plus que symbolique de cette cérémonie de passation du pouvoir. Dans un contexte dont la complexité est indiscutée, il s’agit dans pour le président sortant de transmettre à son successeur des informations confidentielles, des dossiers urgents ainsi que des conseils. La séance durera 46 minutes.

Il est 9 heures 55. Les deux hommes préfèrent descendre à pied les escaliers en quittant le bureau présidentiel sis au deuxième étage du bâtiment du secrétariat général. Il faut rappeler que c’est là que le nouveau président aura ses bureaux, en attendant que s’achève la réfection de sa résidence officielle et des bureaux du palais de Koulouba. Le nouveau et l’ancien présidents saluent au passage les femmes employées du palais qui les attendaient au rez-de-chaussée. Le Pr. Dioncounda Traoré venait ainsi de remettre les clés du pouvoir à son successeur. Il est temps pour lui de rejoindre le perron pour s’incliner une dernière fois en tant que chef d’Etat sortant devant le drapeau. Il est ensuite accompagné jusqu’à sa voiture par le nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta, sous une pluie battante.

C’est une page de l’histoire de notre pays qui vient ainsi de se tourner. Sous escorte réduite, l’ancien chef de l’Etat est conduit dans sa résidence privée pendant que son successeur se rend au CICB pour prêter serment.

Arrivé à domicile, le désormais ancien président Dioncounda Traoré accepte de lâcher quelques mots sur le sens et la portée de l’événement du jour qui marque son retour à la vie de «simple  citoyen». Toujours serein, mais cependant visiblement très ému, il s’autorise un grand soupir en murmurant «Mission accomplie». Il ajoute : « J’ai le sentiment du devoir accompli, je suis fier d’être un citoyen libre qui se battra toujours pour le Mali, pour la démocratie, le développement, la paix et la réconciliation dans mon pays. Cette transition m’a confirmé que le peuple malien peut tout faire à condition d’être uni. Pour ma part je prendrai un bon repos et on verra après ». Fier de « sa » Transition, le président Traoré a souhaité bonne chance à son successeur et lui a réitéré son engagement à l’accompagner dans cette tache ardue qu’il a exercée pendant 16 mois et 24 jours.

Voilà accomplis les gestes de la passation du pouvoir. Le Pr. Dioncounda Traoré cède les clés de l’Etat à Ibrahim Boubacar à un moment où notre pays se remet doucement, mais sûrement de cette crise sans précédent qui a menacé son existence il y a 18 mois et à laquelle son successeur a promis de trouver réponse définitive. Comme le Professeur l’avait si bien indiqué le jour de son investiture, le 11 avril 2012 : « l’édifice commun dont nous étions si fiers, s’est révélé très fragile. Il faut le reconstruire brique après brique. Je ne promets pas que «du sang et des larmes» comme Churchill en son temps, mais le pays doit obligatoirement se ressaisir».

Comme on peut le constater aujourd’hui, le président sortant a payé sa réussite au prix de son sang et des larmes de son proche entourage. Mais notre pays s’est ressaisi. La reconquête de notre intégrité territoriale et la bonne tenue de l’élection présidentielle sont là pour le confirmer. Donc mission bien accomplie pour le président de la République par intérim qui a largement acquis le droit de souffler.

D. DJIRE

Source: L’Essor

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