Après sept mois d’un procès fleuve qui a passionné l’Afrique du Sud et le monde, Oscar Pistorius, le champion paralympique reconnu coupable d’avoir tué sa petite amie en 2013, saura mardi s’il est condamné à la prison, et pour combien de temps.
La juge Thokozile Masipa, qui a retenu contre le jeune homme de 27 ans l’accusation “d’homicide involontaire”, suivra-t-elle l’accusation, qui réclame 10 ans de prison, ou la défense, qui plaide pour une peine de substitution, sous forme d’un travail d’intérêt général ?
Durant la dernière semaine d’audience, du 13 au 17 octobre, elle n’a comme à son habitude rien laissé paraître de ses intentions. Face aux caméras qui ont retransmis intégralement et en direct ce procès hors-norme depuis le mois de mars, face aux centaines de journalistes du monde entier qui ont couvert cette saga judiciaire, la magistrate est restée impénétrable.
A-t-elle été convaincue par l’émouvante déposition de la cousine de la victime, qui a déclaré, en larmes, que Pistorius devait aller en prison “pour payer ce qu’il a fait” ? Suivra-t-elle le raisonnement du redoutable procureur Gerrie Nel, devenu une célébrité grâce à ce procès, qui estime que la société ne pardonnerait pas à la justice de ne pas envoyer Pistorius derrière les barreaux ?
Ou aura-t-elle été sensible aux arguments du rusé Barry Roux, l’avocat qui affirme que l’ex-champion est écrasé de remords et ne désire qu’une chose, se racheter ? Qui affirme aussi que la prison n’est pas un lieu adapté pour accueillir un homme amputé des deux jambes, et que son incarcération risquerait de tourner au calvaire ?
Magistrate expérimentée et respectée en Afrique du Sud, Mme Masipa sera-t-elle enfin influencée par les critiques essuyées en septembre, qui lui reprochaient d’avoir rendu un verdict trop clément d’homicide involontaire, et non de meurtre ?
Munitions de guerre –
Oscar Pistorius, depuis la funeste nuit de la Saint-Valentin 2013, s’en est toujours tenu à la même version : réveillé en pleine nuit par un bruit suspect, il a cru qu’un cambrioleur s’était introduit dans ses toilettes et, dans la panique, a tiré quatre balles à travers la porte fermée.
Dans ses attendus, la juge avait écarté la préméditation et admis que l’accusation n’avait pas réussi à prouver qu’il avait l’intention de tuer Reeva Steenkamp. Cette conclusion n’a été remise en question par personne, tant les témoignages recueillis — de voisins ayant entendu des coups de feu ou des cris — étaient sujets à interprétation, voire contradictoires.
Mais beaucoup, à commencer par le procureur Nel, n’ont pas compris qu’elle n’ait même pas retenu l’intention de tuer, alors que Pistorius a tiré à hauteur d’homme, avec des munitions de guerre, dans la porte d’un petit cabinet de toilettes. La juge a finalement rendu un verdict d’homicide involontaire “par négligence”, la même qualification qui s’applique à un chauffard ivre qui tue des piétons sur la route.
“L’accusé a tiré en sachant que quelqu’un se trouvait là”, derrière cette porte, a martelé une dernière fois le procureur Nel vendredi en conclusion de son réquisitoire : “Reeva a eu une mort horrible (…) La punition doit refléter le caractère sacré de la vie humaine”.
Quelle que soit la sentence, le jeune champion paralympique qui courait sur des prothèses de carbone est tombé à jamais de son piédestal : jadis idole sportive et modèle de courage pour avoir réussi, malgré son handicap, à participer aux Jeux olympiques de Londres-2012 avec les valides, il est aujourd’hui un homme brisé, a plaidé son avocat.
“Brisé, mais bien vivant”, contrairement à sa victime, a rétorqué l’inflexible procureur Nel.
Les juristes sud-africains s’attendent à ce que la défense ou l’accusation fassent appel, si la sentence est jugée trop dure, ou au contraire trop laxiste. Ce qui relancerait le feuilleton Pistorius pour plusieurs mois.
SOURCE / AFP