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Opération de déguerpissement: ce qu »en pensent des Bamakois

Mise en œuvre par la gouverneure du District de Bamako, Mme SACKO Ami KANE, en accord avec les autorités communales, consulaires, religieuses et traditionnelles de la ville de Bamako, depuis quelques jours, l’opération de libération des espaces publics fait couler beaucoup d’encre et de salive. Pour savoir ce que certains Bamakois en pensent, notre équipe a réalisé, hier lundi, un micro-trottoir, aux alentours du marché Dibida, du Grand marché, de la Bourse du travail. Voici des réactions recueillies pour vous.

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Abdoulaye CAMARA, commerçant au marché Dibida
« Je ne suis pas pour ce déguerpissement »
Je ne suis pas pour ce déguerpissement. Si tu veux déguerpir quelqu’un de sa place, il faut au préalable lui montrer un autre endroit où il pourra s’installer. C’est ce que nos autorités n’ont pas fait. Le jour même qu’elles ont annoncé la mesure, elles sont venues le lendemain pour démolir nos places. Où allons-nous maintenant ?

Moussa COULIBALY, photographe
« Je suis pour cette
opération »
Moi, je suis pour cette opération de déguerpissement. Cependant, démolir aussi les petits hangars devant les boutiques qui servent d’ombre, je trouve cela exagéré. Parce que si on casse les petits hangars devant les boutiques, on n’aura plus d’ombre.
Par ailleurs, je suis d’accord que tous les kiosques qui sont installés sur les caniveaux et petits ponts doivent être démolis parce qu’ils empêchent l’eau de s’écouler normalement. Et pis, ces caniveaux et petits ponts sont bouchés. Conséquence: les eaux se retrouvent sur la chaussée.

Lassina DEMBELE, commerçant au Grand marché
« Je trouve que ce n’est pas le moment »
Mes impressions ne sont pas aussi négatives. Mais, je trouve que ce n’est pas le moment, car le Mali est en difficulté. Avec cette crise que le Mali a vécue, les gens ont beaucoup de difficultés à s’en remettre. Les gens se débrouillent pour avoir de quoi manger ou nourrir leurs familles. Et si on leur demande de quitter du jour au lendemain, qu’est-ce qu’ils vont faire ? Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, mais ce déguerpissement n’est pas opportun ; et nous sommes tous des Maliens et des chefs de famille. Nous sommes nés ici et on va mourir ici. Je sollicite l’humilité des dirigeants. Si tu chasses une personne de sa place, tu dois lui présenter d’abord un nouvel endroit. Les Halls de Bamako ne sont pas appropriés.
Au Grand marché nous ne sommes là ni par volonté ni par plaisir. Tout le monde veut progresser, mais nous n’avons pas les moyens de nous procurer un magasin. Ici un simple magasin juste pour la garde des marchandises tend vers les 50.000 FCFA. Personne ne souhaite vendre sur les artères ; tout le monde veut aller de l’avant. Si nous avions les moyens de louer une boutique, je jure qu’on ne serait pas là.

Souleymane SAMAKE, commerçant au Grand marché
« Je ne vois de mal à ce que font les autorités »
Une ville doit être entretenue et cela ne peut pas se faire sans qu’on ne passe par ces moyens. Moi franchement, je ne vois de mal à ce que font les autorités de notre pays.

Wiliba TRAORE, vieux commerçant au Grand marché
« Ce déguerpissement ne se fait pas comme prévu »
Ce déguerpissement ne se fait pas comme prévu. Il était dit que seuls ceux qui sont sur le goudron devraient se déplacer, parce que nous savons tous que les artères ne sont pas faites pour le commerce. Elles sont faites pour la circulation, mais casser des installations qui ne se sont pas sur les artères, cela ne m’a pas plu. Ça ne se fait pas comme ça. Nous sommes tous les fils de ce pays.

Aminata SANGARE, commerçante
« Notre souci est d’avoir un autre lieu »
Nous avons des enfants qu’on doit nourrir et vêtir. Si les autorités nous privent de ces places, comment allons-nous faire ? Notre souci est d’avoir un autre lieu qui réponde à nos besoins. Comme vous le constatez, je n’ai pas vendu aujourd’hui, je suis venue voir la situation. Si elle est calme un peu je vais voir si peux vendre aujourd’hui. Nos maris n’ont pas de moyens et nous non plus. Avec le peu d’argent qu’on se procure de la vente que nous faisons ici, nous aidons nos maris à subvenir aux besoins de la famille.

Seydou COULIBALY, commerçant
« Le déguerpissement était prévu pour ceux qui sont sur les artères »
Le déguerpissement était prévu pour ceux qui sont sur les artères et sur le pont. Mais, nous sommes au regret de constater qu’ils sont en train de casser aussi nos hangars et autres. Ces actes ne nous font pas plaisir et nous avons cette colère en nous, car depuis samedi dernier nous n’avons pas travaillé.

Karamoko DIARRA, agent commercial à la retraite
« Cette opération de
déguerpissement est une très bonne chose »
Moi, personnellement j’ai vécu une aventure relative à l’occupation des espaces publics. En 2009, de passage, mon parapluie a fait tomber le maïs d’une femme en train de vendre pratiquement sur le goudron. Quand je me suis baissé pour le ramasser, elle s’est aussitôt mise à m’invectiver comme un vulgaire. Ma réaction a été plus vive, car je l’ai insulté. Et je lui ai fait savoir que le commerce sur les espaces publics a des limites ; et qu’il ne faut pas voir ce qui vous arrange seulement, mais aussi ce qui arrange tout le monde. Pour moi cette opération de déguerpissement est une très bonne chose. Je suis parti dans plusieurs pays, notamment à Conakry, Paris, Belgique, Allemagne, mais dans aucun de ces pays, je n’ai vu ce qui se passe au Mali. Le Malien est naïf ; tout le monde se tape la poitrine ; tout le monde se croit patron et au-dessus de la loi. C’est ici que les piétons et les véhicules utilisent la même voie. Je me demande s’il y a une autorité dans le pays. La liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres ; mais le Malien ne connaît pas cette devise. Chacun se croit libre et ne fait que ce qui l’arrange.

Dramane TRAORE, menuisier
« Je veux que le Mali ait une bonne image »
Mon point de vue sur ce déguerpissement est positif. Je suis content du travail, car nous sommes tous des Maliens et je veux que le Mali ait une bonne image. Il ne faut pas qu’on ait envie d’autres pays, plus que le Mali. Nous savons tous que le pays est sale. Ce qui sous-entend que nous sommes aussi sales. À Bamako, il suffit qu’il commence à pleuvoir pour que certains se mettent à déverser leurs ordures dans les caniveaux et collecteurs. Ainsi, l’eau de ruissellement va s’arrêter quelque part, provoquant des inondations ou autres dégâts matériels. Et si les plus hautes autorités s’engagent à arranger ces lieux, ce sont les acteurs de ces pratiques qui sont les premiers à se révolter. Mon souci est relatif à l’emploi de beaucoup de personnes qui se sont retrouvées dans le commerce alors qu’en réalité elles ne sont pas qualifiées. Elles se sont trouvées ici par manque d’emploi. Si on demande aux propriétaires des kiosques de payer les taxes, ils ne pourront pas. Vraiment, ce travail m’a plu. Le gouvernement a mes bénédictions et mon soutien. Maintenant il reste à arranger les endroits cassés. Ce qui va soulager les gens. Je ne veux pas que l’on abandonne les endroits comme ça sans rien faire. Sinon, je suis sûr et certain que ces détaillants vont revenir s’installer. Je souhaite à ce que cette opération de déguerpissement continue. Beaucoup sont fâchés contre le Président IBK, mais moi non, parce qu’il a été élu pour assurer le bien-être des Maliens. Tout patriote ne sera pas contre ce déguerpissement, car si le Mali évolue c’est une fierté pour nous tous.

Mamy DEMBELE, gestionnaire médical sans emploi
« Si tu veux faire ces genres d’opérations, tu dois d’abord prendre des précautions »
Les opérateurs de ce déguerpissement n’aiment pas le Mali et n’aiment pas non plus l’évolution de ce pays et les fils du pays. Parce que si tu veux faire ces genres d’opérations, tu dois d’abord prendre des précautions, analyser la situation, prévenir les intéressés, avant de te lancer dans le travail. Mais ce n’est pas le cas avec cette opération qui est en cours. Ces personnes ne sont pas allées occuper ces places d’elles-mêmes. Des agents de l’État leur ont pris de l’argent pour qu’elles puissent s’installer. Elles ont même du mal à subvenir à leurs besoins. Le pays est en difficulté, il fallait prévenir les intéressés, les sensibiliser pour qu’ils puissent prendre des mesures avant le déguerpissement. Comme ça le travail pouvait se faire sans bruit. La couche sociale est comme un objet pour le gouvernement pensant qu’il peut faire, et à temps voulu, tout ce qu’il veut. Mais non, nous sommes tous pareils devant Dieu. Si tu accèdes au pouvoir, chez nous les musulmans, on dit que c’est Dieu qui l’a voulu. Mais si tu as le pouvoir entre les mains, souviens-toi des pauvres. Mais malheureusement, ici au Mali, aucun riche ne pense aux pauvres. Tout le monde dit moi d’abord. Pour preuve, notre Président IBK est venu avec un slogan que tous les Maliens connaissent qui est «le Mali d’abord », mais on voit maintenant que ce n’est pas le cas, car on constate que c’est moi d’abord. Nous, les pauvres nous sommes là jour et nuit. Certains sont dans le bonheur. Si un pays est en paix, c’est que les pauvres sont pris en compte. Si tu ne considères pas les pauvres en menant des opérations de ce genre en plus de tes pêchés, tu transformes tous les enfants du pays en une bande de délinquants. Ce travail n’est pas bien fait. Je ne dis pas que je ne veux pas l’évolution du pays, mais ce travail est mal fait. On n’est pas pour ce déguerpissement.

Gaoussa DIARRA, menuisier
« Le pouvoir doit être
respecté pour notre propre bien »
L’état a entrepris cette opération de déguerpissement. Cela m’a plu et on doit multiplier les actions de ce genre. Les Halls de Bamako ont été construits pour les commerçants, mais ils ont refusé ce lieu qui est devenu aujourd’hui le refuge des délinquants et des drogués. Si on demande de libérer les voies, il faut le faire. Le pouvoir doit être respecté pour notre propre bien. À Bamako, les voies sont impraticables. Personne ne devrait se sentir offensé par ce déguerpissement. Le pouvoir ne se donne pas à tout le monde et ce n’est pas tout le monde qui le mérite. C’est Dieu qui nous a donné ces dirigeants et on doit les respecter. Dieu leur a confié ce pays et ils méritent notre respect. Si nous savons qui nous sommes, ce travail n’allait déranger ou choquer personne. Ne sabotons pas le travail entrepris par nos dirigeants. Les précurseurs d’IBK ont fait leur travail et IBK est en train de faire le sien.

Mountaga DEMBELE, enseignant de profession, partant volontaire à la retraite, Secrétaire général de l’association des travailleurs du Mali
« Ils sont mal partis, il faut concerter les gens avant l’action ».
J’ai des mots à dire au gouvernement parce qu’il y a la méthodologie. Il lui a manqué la méthodologie. Je parle particulièrement au Président IBK et au gouverneur du District Mme SACKO Ami KANE.
Pour IBK, c’est toujours l’information et la sensibilisation qui doivent précéder l’acte. L’accord pour la paix est confronté aux mêmes problèmes, aux mêmes erreurs. Les gens ne sont pas informés, ils ne sont pas sensibilisés. Je fais allusion au cas de Modibo KEITA qui, à l’époque, disait que l’argent est comme l’eau qui coule entre les doigts. Cela est l’éducation, l’information du peuple, la conscientisation. Il fallait qu’IBK appelle des conseillers spéciaux formés pour la cause.
Pour Ami KANE, c’est une femme qui est à la retraite. Vous êtes Africains. Vous connaissez que c’est le Mali et c’est la misère à Bamako. Ni IBK, ni Ami KANE ne connaissent le prix du kilo du riz. Le Malien vit la misère dans le quotidien. Ce n’est pas le moment indiqué pour casser les lieux de commerce des pauvres types. Ils sont en train de créer des misérables. Je prends le cas des partants volontaires qui sont là et beaucoup d’autres qui sont dans la misère. Il y a contradiction dans l’action de l’administration. IBK a intérêt à écouter le peuple, à ne pas prendre des décisions tout seul. Je parle de la méthodologie. Il faut informer ce peuple. Il faut connaître la psychologie de ce peuple. Ce peuple souffre. Il faut qu’IBK descende à la source, c’est-à-dire aux intéressés pour s’enquérir des nouvelles. C’est mieux que d’agir aveuglement. Ils sont mal partis, il faut concerter les gens avant l’action.
Nous attendons IBK pour la résolution du dossier des Partants volontaires à la retraite, très rapidement. Sans quoi il y’aura pas de paix et de réconciliation…

Fatoumata CAMARA, partante volontaire à la retraite
« Les gens sont pauvres »
Les gens ont faim ; les gens sont pauvres. Ceux dont on est en train de détruire les biens sont des pauvres paysans qui ont quitté le village pour venir chercher leur pain en ville, et subvenir aux besoins de leurs familles. Ils sont logés chez d’autres personnes. Certains n’ont même pas le prix de leur loyer, à plus forte raison se nourrir au quotidien. Ils se débrouillent et vivent le jour au jour. Il faut que les autorités sachent que la population en a assez.

Par Sékou CAMARA et Bénédicte SOMBORO (Stagiaire)

 

Source: info-matin

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