C’est après une dizaine de jours d’attente suite à la signature de l’accord politique que le nouveau gouvernement a été mis en place. Cette nouvelle équipe a suscité des réactions.
C’est au milieu de la journée du dimanche 05 mai dernier, que l’attente sur la liste du nouveau gouvernement a pris fin avec l’annonce sur l’ORTM, par le ministre secrétaire général de la Présidence, Moustapha Ben Barka, de la liste des membres du gouvernement. Comme attendu depuis la signature de l’Accord politique, ce nouveau gouvernement a eu la particularité de rassembler diverses sensibilités politiques afin qu’il puisse être conforme à sa nature ouverte qu’avait évoqué le Premier ministre au lendemain de sa propre nomination.
Depuis l’avènement du régime actuel, une telle volonté de rassemblement n’avait pris corps comme le démontre la composition de cette nouvelle équipe gouvernementale.
Comme annoncer dans le premier article de l’Accord politique : « Le Premier ministre choisira, sur proposition de leurs partis, regroupements politiques, associations ou mouvements des personnalités qui formeront le prochain Gouvernement sous sa direction…». Dr Boubou Cissé a concerté toutes les forces vives dans la formation de son équipe. Et dans sa composition, différentes couches politiques et sociales y sont représentées. Ainsi, la majorité présidentielle, l’opposition politique, la société civile et des cadres nationaux et internationaux ont tous eu leur portefeuille parmi les 38 qui forment l’équipe de Boubou. Ceci étant une réalité, l’opinion nationale ainsi que la certaines classe politique ont été très critique, en général, à travers diverses réactions sur plusieurs aspects s’agissant de cette nouvelle équipe qui devra dirigée le Mali.
Réactions au niveau de la classe politique
C’est à travers des communiqués que les forces politiques ont réagi par rapport à la formation de la nouvelle équipe gouvernementale.
Le parti présidentiel, à savoir le RPM, a réagi dans un communiqué. Son président Dr Bokary Tréta a félicité et exprimé la reconnaissance du parti envers le président de la République qui a choisi des cadres d’entre eux. « Le BPN-RPM félicite les cadres du parti nommés au sein du gouvernement, pour la confiance portée sur eux en cette période cruciale de la vie de nation, et les exhorte à faire preuve d’engagement et d’exemplarité au service de la République», a-t-il ajouté.
L’URD, parti du chef de l’opposition a, aussi, dans un communiqué diffusé sur Facebook par M. Demba Traoré, Secrétaire à la communication, dit avoir « pris note » de la formation du nouveau gouvernement. Cependant, il a soulevé ses inquiétudes : « L’URD constate avec étonnement et inquiétude que ce remaniement, intervenu sur fond de crise multiforme que connaît notre pays n’a pas tenu compte des difficultés économiques et financières du moment eu égard à son effectif pléthorique de 38 membres». Il poursuit : « Outre l’incidence financière que provoque un tel attelage, le risque de chevauchements et d’interférences inextricables entre eux est à craindre. L’URD pense que le nombre élevé de ministres est un handicap à l’efficacité d’un tel gouvernement». Ce constat sur le nombre jugé trop élevé de ministres dans l’équipe de Boubou a été largement partagé par l’opinion nationale.
L’URD a aussi déploré « une fois de plus la marginalisation des femmes et la violation de l’article 1er de la loi n°2015-052 du 18 décembre 2015 portant mesures de promotion du genre dans les fonctions nominatives et électives », qui stipule que « à l’occasion des nominations dans les institutions de la république ou dans les différentes catégories des services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion des personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30%». Cette fois encore, les femmes sont au nombre de 9 (23%) sur un effectif de 38 membres.
Mercredi 8 mai dernier sur RFI, l’honorable Soumaïla Cissé, président de l’URD et chef de file de l’opposition, a dans une interview, s’exprimé sur la nouvelle l’équipe gouvernementale : «C’est avec étonnement que j’entends parler de gouvernement de large ouverture pendant que seules deux figurent de l’opposition y prend part sur 38 postes. Ce côté est à revoir…».
Concernant la non-participation de l’URD et du Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) ? M. Cissé précise : « Nous avons pensé de ne pas rentrer dans le gouvernement et d’avoir une posture de sentinelle de la démocratie dans notre pays». Une décision a été prise en toute liberté, selon lui.
09 mai 2019, l’ancien premier ministre Soumana Sacko, le président du CEN AS-Faso Herè a exprimé, dans un communiqué, l’avis de son parti : «Si la nouvelle équipe gouvernementale comprend quelques rares personnalités au patriotisme avéré, elle regroupe aussi, et à des postes-clé, des membres plus soucieux de plier l’échine devant certains partenaires extérieurs que de défendre et faire prévaloir la souveraineté et les intérêts fondamentaux du Peuple malien». Le parti, tout en dénonçant le non-respect de la « Loi genre » dans la formation de cette nouvelle équipe, fustige à l’Accord politique qui est le pilier principale de sa formation. Pour la CENAS : « […] L’un des objectifs explicitement assignés au gouvernement du 5 mai 2019 consiste en la mise en œuvre de l’Accord antinational d’Alger, lequel est rejeté par le Peuple car proposant une Confédération comme antichambre de la partition au profit d’un groupe minoritaire, esclavagiste, raciste et féodal soucieux de conserver une position dominante et des prébendes étouffant toute possibilité d’émancipation et de progrès pour l’écrasante majorité des jeunes et des femmes du Septentrion malien». Aussi, la CENAS l’estime dangereux pour le caractère unitaire du pays.
Concernant la solution politique au problème du septentrion ? Le parti de l’ancien premier est clair : « … Seul un Etat central fort, éloigné de toutes expérimentations hasardeuses d’une soit disant « régionalisation », est à même de conduire dans ledit septentrion les importantes réformes politiques, économiques et sociales requises pour éradiquer les survivances féodales, esclavagistes et racistes insidieusement encouragées déjà pendant la colonisation par l’ex-puissance colonisatrice et faisant le lit de récurrentes rébellions armées qui n’ont aucune place dans le système démocratique quoiqu’imparfait qui prévaut au Mali».
Pour Dr Soumana Sacko et son parti, la révision constitutionnelle, affirment avoir mis « solennellement en garde le Président de la République et son gouvernement du 5 mai 2019 contre tout tripatouillage de la Constitution démocratique du 12 janvier 1992 avec l’intention explicite de restaurer l’ordre sociopolitique colonial que le Peuple malien, sous le leadership patriotique et inflexible du Président Modibo Keïta a, le 22 septembre 1960, vaillamment jeté dans la poubelle de l’Histoire. Issue de la Conférence Nationale souveraine tenue à Bamako du 29 juillet au 12 août 1991, ladite Constitution a été écrite avec le sang des martyrs du 26 mars et de la lutte pour l’Etat de droit et la justice sociale. Tout comme en 2017 sous la bannière de l’héroïque Plateforme « An Tè-A Banna », le Peuple malien saura défendre victorieusement sa Constitution démocratique et faire échec aux plans diaboliques des forces hostiles aux valeurs fondamentales et aux principes immuables de la République».
Quant à la Coalition des Forces Patriotiques (COFOP), a félicité, le 10 mai dernier, la nomination de Housseyni Amion Guindo, président du parti CODEM et membre de leur Coalition, dans le gouvernement. «Consciente du jugement de l’histoire, toute la Coalition des Forces Patriotiques se met à la disposition du camarade Amion Guindo.» que les camarades du nouveau ministre de l’environnement lui ont témoigné leur total accompagnement.
L’opinion nationale s’interroge
Au-delà de ces réactions officielles de certains partis politiques, l’opinion a fortement réagi sur certaines particularités de la nouvelle équipe. Le Premier ministre est à la foi chef du gouvernement et aussi ministre des finances et chargé du budget, ce qui est une première dans histoire politique du Mali. Cette décision est jugée superflue, car malgré les compétences économiques du premier ministre, beaucoup ont jugé qu’il fallait confier ce département à un ministre compétant au lieu de le cumuler au poste de Premier ministre.
Aussi, la nomination de certains nouveaux ministres à des postes particulières a fait beaucoup réagir les internautes, précisément Amadou Thiam, ex-député de la Commune V, et ex-président de l’ADP-MALIBA. Il a été nommé ministre chargé des reformes institutionnelles et des relations avec la société civile. Ce département est chargé de la lourde tâche de la révision constitutionnelle rejetée en bloc en 2017 par une forte mobilisation de toutes les forces vives du pays…
L’opinion s’interroge sur quel argument va-t-il justifier la tenue de cette révision cette année vu que l’argument principal de contestation de la plateforme était l’insécurité qui est plus élevée actuellement qu’en 2017.
Pour rappel, la Plateforme « An Tè-Abana, Touche pas à ma Constitution » dont Amadou Thiam était le 1er vice-président, derrière Mme Sy Kadiatou Sow
Ousmane Dembélé
L’Aube