Laurent Fabius a déclaré, dimanche 3 novembre, après une réunion à l’Elysée, que Claude Verlon et Ghislaine Dupont, journalistes de Radio France Internationale (RFI), avaient été “assassinés froidement”, et il a qualifié cet acte de “crime odieux, abject et révoltant”. Samedi, le président François Hollande a exprimé son “indignation à l’égard de cet acte odieux”.
“C’est notre travail qui est d’informer qui est atteint aujourd’hui, nous sommes en colère, atterrés. Le Mali devaitaccueillir une partie des émissions jeudi prochain à Bamako (…). Nous annulons cette opération mais nous retournerons à Kidal”, a déclaré, samedi, Cécile Mégie, directrice de la rédaction de RFI. “Face à la barbarie, est-ce qu’on va pouvoir continuer à faire notre métier ? C’est la mission de tous les journalistes. On a peut-être tendance ici à penser que la liberté d’informer est un acquis et nous, nous savons que dans bien des endroits, elle est en train de régresser”, a réagi pour sa part la PDG de France médias monde-RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya (MCD), Marie-Christine Saragosse.
Dimanche, Marie-Christine Saragosse a annoncé qu’elle partait pour Bamako avec la directrice de RFI, Cécile Mégie, et l’adjoint de celle-ci en charge de l’information Afrique, Yves Rocle, pour rapatrier les corps de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon. Le chef de l’Etat a “appelé les familles juste avant de nous recevoir”, a-t-elle aussi indiqué, précisant que les ministres des affaires étrangères et de la culture et de la communication, Laurent Fabius et Aurélie Filippetti, devaient se rendre au siège de RFI pour rencontrer les équipes.
Mme Saragosse a également annoncé que la radio diffuserait “tout ce qui avait été enregistré” par les deux journalistes, qui ont été enlevés et tués alors qu’ils préparaient une émission spéciale sur le Mali. “Si la France lutte contre le terrorisme, nous les médias nous devons lutter pour la liberté de la presse”, a-t-elle souligné, et“si nous n’allons plus sur le terrain, alors où est la liberté de la presse ?” “Ni Ghislaine ni Claude n’étaient des têtes brûlées, ils n’ont pris aucun risque inconsidéré”, a assuré Mme Saragosse. C’étaient “des passionnés qui sont morts en allant jusqu’au bout de qu’ils croyaient juste”. Quant aux auteurs de leur assassinat, “je ne peux pas dire si ce sont des mafieux crapuleux ou si c’est un acte politique, mais en tous les cas, c’est un acte ignoble”, a-t-elle dit.
Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), un groupe de notables touareg de Kidal, a condamné“avec la dernière énergie l’assassinat de deux journalistes de RFI perpétré ce samedi à Kidal”, dans un communiqué. Le MNLA a dit, pour sa part, “mettre tout en œuvre pour identifier les coupables” et a condamné ces crimes “avec toute la rigueur” possible.
La chef de la diplomatie de l’Union européenne, Catherine Ashton, a exprimé “sa profonde tristesse” devant“cet assassinat odieux”, selon un porte-parole. L’UE poursuivra “avec détermination son appui aux autorités maliennes dans leur lutte contre le terrorisme”, a-t-elle affirmé.
Dans un communiqué diffusé samedi en fin de journée, les membres du Conseil de sécurité de Nations uniesont “exprimé leurs condoléances aux familles des victimes” ainsi qu’au gouvernement français. “En accord avec le droit international humanitaire, les journalistes, professionnels des médias et personnes associées engagées dans des missions professionnelles dangereuses dans des zones de conflit armé sont généralement considérés comme des civils et doivent être respectés et protégés en tant que tels”, a souligné le communiqué, demandant à “toutes les parties” impliquées dans un conflit de respecter ces obligations. Le Conseil de sécurité a également demandé au Mali d’enquêter “rapidement” sur cette affaire et de “traduire les responsables devant lajustice”.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a dénoncé dimanche sur RFI la mort des deux envoyés spéciaux. “C’est un assassinat barbare, nous avons reçu la nouvelle avec tristesse et indignation”, a-t-il déclaré. Il a rendu hommage au travail de RFI qui fait “un grand effort pour couvrir la réalité dans les zones de conflit, notamment l’Afrique, qui est si proche de nous. (…) L’Union européenne est aux côtés de la France, de la communauté internationale et des autorités maliennes pour rétablir l’ordre et la sécurité dans le Mali. (…) Ce genre d’assassinats nous rappelle notre devoir : tout faire pour lutter contre le terrorisme”, a-t-il déclaré.
L’association Reporters sans frontières a dénoncé “un acte innommable et révoltant”. De son côté, leSyndicat national des journalistes insiste dans son hommage sur “le prix payé par certains pour que le public soit informé au plus près des événements, sans se contenter des communiqués officiels des uns et des autres…”
La Fédération internationale des journalistes (FIJ), représentant 600 000 professionnels dans plus de cent pays, a appelé les journalistes présents au Mali à la prudence. “La FIJ s’indigne de l’assassinat” des deux envoyés spéciaux de RFI et “appelle les journalistes maliens et les correspondants de la presse internationale dans le pays à redoubler de vigilance et mettre en place des protocoles de sécurité efficaces”.
Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est déclaré “profondément frappé par l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon” et a exprimé sa “vive émotion”. De son côté, les représentants de laCommission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) se sont déclarés “émus” de la disparition de ces deux professionnels français de l’information. “La CCIJP accorde la carte à des journalistes professionnels susceptibles de défendre partout la liberté d’informer (…). Dans l’exercice de leurs métiers, Ghislaine Dupont et Claude Verlon l’ont fait, au Mali, au péril de leur vie. Tous les journalistes professionnels doivent s’en souvenir”, écrit la Commission dans un communiqué.
Source: Le Monde