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NIONO : Les victimes oubliées du centre

Depuis plus de 10 mois maintenant, le cercle de Niono est devenu un lieu dans lequel la sécurité est un confort. Un conflit commencé à Farabougou entre les chasseurs (Donzos) et les éleveurs de la place a fini par être une lutte sans fin entre ces Donzos et les djihadistes dans toute la zone.

 

De nos jours, pas seulement Farabougou, mais toute la commune de Dogofry, située à 15 km de Niono, est concernée par ce conflit. Beaucoup de pertes matérielles ont été enregistrées, des champs mis à feu, des bétails emportés. En plus de tout cela, beaucoup de personnes ont perdu la vie. Des enfants sont devenus orphelins de père ou de mère, des femmes veuves et des familles sans plus rien.

Ceux qui ont perdu la vie sont certes morts, mais dans ce conflit les vraies victimes sont les femmes et les enfants à qui tous leurs ont été arrachés.

Parmi ces pauvres victimes, Mme Diallo K. D., veuve et mère de 3 enfants, est l’une des personnes qui a tout perdu. Une femme de teint légèrement clair, taille moyenne et maigri par la fatigue et la faim. Elle est dans la trentaine, habite à Flakokoni, un village vidé de sa population et a été obligée de chercher refuge dans la ville de Niono à cause du conflit. « Moi et mes trois enfants sommes maintenant hébergés dans un camp dans la ville de Niono, installé par la mairie. Nous sommes venus ici dans la précipitation et je n’ai pu rien amener avec moi », explique la veuve.

Elle fait savoir que le plus difficile pour elle après la mort de son mari a été la prise en charge de sa famille, car elle n’avait aucun moyen. « Je savais plus que faire quand mon mari a été tué. Prendre toute seule la charge de mes enfants m’inquiète plus que le conflit lui-même.  Je ne savais que vendre du lait et cultiver un petit jardin, mais hélas tout notre troupeau a été emporté par je ne sais qui », confie-t-elle avec des larmes aux yeux et désespérée.

Son mari était un berger qui gagnait sa vie dans l’élevage. Ils avaient plus de 70 têtes de bœuf et des moutons. Tué dans des circonstances inexplicables, le mari de K. D. est sorti un jour avec le bétail et n’est plus jamais rentré chez lui. « Comme tous les matins, il est sorti avec le troupeau et le soleil couché on ne l’a pas vu, ni le jour suivant. Trois jours après, des voisins sont venus m’annoncer qu’ils ont retrouvé son corps dans la forêt. Immédiatement je suis tombé en sanglots. Le même jour, nous procédons à son enterrement », fait savoir K. D.

Depuis ce jour, plus rien ne fut comme avant pour K. D. et ses trois enfants et commence ainsi leur calvaire.

Devenue sans-abri du jour au lendemain

Baluchon sur la tête, avec uniquement les essentiels, son plus petit enfant au dos et les deux autres sur ses pas, ils ont marché plus de 2 km avant d’atteindre le village suivant. De là-bas, elle raconte avoir été amenée à Niono par une personne de bonne foi. « Quand nous avons quitté notre village, j’étais toute déboussolée et inquiète de pouvoir atteindre le prochain village en vie, car je ne savais pas si on allait tomber sur des hommes armés sur la route. Une fois arrivés là-bas, Moussa, un vieil ami de mon défunt mari, accepte de nous conduire dans la ville de Niono. Une fois sur place, on a d’abord cherché refuge à l’hôpital auprès des autres déplacés de mon village, avant d’être amenés à la mairie pour être recensés et installés dans un camp », explique K. D.

« Avant tout cela, j’avais une maison et un mari. Avec mes enfants on était heureux et tranquille et maintenant voilà à cause de ces conflits interminables je suis devenue un sans-abri. Du jour au lendemain, je n’ai plus rien et me voici déplacée dans un autre endroit », confie-t-elle. Selon elle, personne n’est d’autant plus touchée par ce conflit que les femmes et les enfants, étant donné que pour elle, celle-ci sont les plus sensibles et sont sans défense. « Dans notre société, c’est l’homme qui s’occupe de tout, de la prise en charge de la famille à sa sécurité. Nous les femmes, nous les soutenons. Nous nous occupons de l’éducation des enfants et faisons la cuisine et notre rôle se limite à cela », explique-t-elle et voir tout ce changement s’opère très rapidement est pour elle une situation très difficile et compliquée. « C’est triste de ne plus être chez soi et d’avoir sa propre maison », se plaint-elle.

Vivre selon les moyens

Dépourvue de tous ses moyens, la veuve et ses enfants sont dans un camp de déplacés installé à Niono. Ils vivent du peu d’aide qu’ils reçoivent et de l’argent qu’ils gagnent lors des petites activités génératrices de revenus qu’ils font.

D.K., pour pouvoir subvenir aux petits besoins de sa famille, mène parfois des petits commerces ou devient parfois aide-ménager. « Souvent, je fais des portes à porte pour voir s’il y a des gens qui ont des linges à laver, grâce à ça, je peux gagner souvent 1 500 F CFA ou 1 000 F CFA par jour. Il y a aussi des jours où je n’obtiens absolument rien du tout. Avec le peu d’économie que je fais, durant le jour du marché, je vends des condiments et maintenant avec l’arrêt du marché hebdomadaire, je sais même plus que faire », explique-t-elle. D. K. fait savoir qu’à leur arrivée au camp, les choses étaient un peu compliquées pour eux, parce qu’elle n’avait rien sur elle et même ses enfants n’avaient pas plus de deux complets d’habits. « Nous ne pouvons plus nous permettre de nous offrir les trois repas de la journée, souvent je me privais moi-même de nourriture pour que mes enfants puissent avoir à manger », raconte-t-elle avec une voix tremblante.

D. K. fait savoir qu’elle prie Dieu nuit et jour pour que ses enfants puissent rester en bonne santé. Car s’ils tombent malade dans ces circonstances, elle ne pense pas avoir les moyens pour les soigner, elle se contente des médicaments ambulants traditionnels, sans pourtant savoir les conséquences que ces médicaments ambulants peuvent avoir. ‘’Les seuls médicaments que je peux me permettre d’acheter sont les médicaments que vendent les vendeurs ambulants ou les médicaments traditionnels ». 

Elle est beaucoup plus préoccupée par l’avenir de ses enfants, selon elle, vivre une telle expérience est d’autant plus traumatisante pour elle, à plus forte raison ses enfants.

Comme cette famille de déplacés, beaucoup d’autres familles sont dans cette même situation à cause du conflit du nord et du centre du pays, et souvent elles sont oubliées. Il est important qu’une politique soit mise en place pour que les déplacés puissent bénéficier d’un minimum de confort et aient accès à un soin de qualité.

Dossier réalisé par

Hamady Sow

(envoyé spécial à Niono)

Source: Mali Tribune

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