“Des femmes souffrant de la faim sont violées par des militaires et des miliciens qui affirment les secourir”, écrit Amnesty International, dans un rapport sur le Nigéria publié le 24 mai.
Dans un rapport intitulé “They betrayed us” (Ils nous ont trahi), l’ONG Amnesty International dénonce les crimes des forces de sécurité nigériane, qu’elle accuse de violer des femmes et filles “parfois en échange de nourriture”, explique le communiqué. Le rapport a recueilli les témoignages de 250 personnes de juin 2016 à avril 2018, dont plus de 200 femmes. Installés dans des camps, les Nigérians sont censés être protégés par l’armée, après avoir survécu aux exactions du groupe armée terroriste Boko Haram.
“Au lieu de recevoir une protection de la part des autorités, les femmes et les filles ont été contraintes de se faire violer pour se nourrir ou ne pas mourir de faim”, déclare Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria. Amnesty International assure avoir recueilli des éléments laissant penser que “des milliers de personnes sont mortes de faim dans les camps de l’État de Borno, situé dans le nord-est du Nigeria, depuis 2015”. Le manque d’eau et de soins médicaux tue également tous les jours des habitants de ces camps. Les forces armées auraient profité de cet état de détresse pour violenter des femmes, et les obliger à devenir leurs “compagnes” avant de les forcer à avoir des rapports sexuels.
En 2015, l’armée nigériane a repris le contrôle des territoires occupés par le groupe terroriste Boko Haram et a ordonné aux villageois habitant encore sur ces zones de se déplacer dans des “camps annexes” d’où ils ne peuvent pas sortir. L’armée nigériane et la Force d’intervention conjointe civile (la CJTF, une milice armée) surveillent les camps où sont séparés les femmes et les hommes. Les hommes et adolescents sont détenus séparément, pour s’assurer dans un premier temps qu’ils ne font pas partie du groupe djihadiste.
Crimes de droit international
“Un homme [CJTF] est venu et m’a apporté de la nourriture. Le lendemain il m’a dit que je devais aller chercher de l’eau chez lui [et j’y suis allée]. Il a alors refermé la toile de la tente derrière moi et m’a violée. Il m’a dit : ‘Je t’ai donné toutes ces choses, si tu les veux, nous devons être mari et femme'”, a raconté une jeune femme à l’ONG, vivant au camp Hôpital de Bama. Dix autres femmes issues de ce camp ont raconté une histoire similaire.
“Les auteurs de ces actes et leurs supérieurs hiérarchiques qui ne sont pas intervenus ont commis des crimes de droit international et doivent être amenés à rendre des comptes”, a déclaré Osai Ojigho. La directrice de l’antenne d’Amnesty au Nigeria a également souligné les conditions de vie très difficiles de ces habitants, obligés de rester dans les camps. “Le fait d’enfermer des personnes dans des camps sans les nourrir correctement, alors même que les administrateurs de ces camps savaient que ces conditions provoquaient des décès, constitue une violation des droits fondamentaux et enfreint le droit international humanitaire.”
Certaines femmes ont raconté avoir été accusées d’être des épouses de djihadistes de Boko Haram, et ont été battues et enfermées sans aucune forme de procès. Aujourd’hui, certaines tentent de faire entendre leur voix auprès de la justice nigériane. Elles consignent la vie des camps, les morts, les violences et essayent de monter un dossier pour se défendre.
L’armée a aussitôt démenti ces accusations, qualifiant ce nouveau rapport de l’organisation de défense des droits de l’homme de “mensonger”.
L’express.fr