Dans le département de Tera, région de Tillabéri dans l’ouest du Niger, des soldats tchadiens, récemment installés dans le cadre du déploiement de la force conjointe du G5 Sahel, auraient violé une fille de 11 ans et deux femmes mariées, dont une enceinte, âgées de 23 et 32 ans. Ces deux femmes, mères de plusieurs enfants, auraient été violées en présence de leurs maris « sous menace d’arme à feu par les agresseurs ». Une tentative de viol aurait visé également cinq autres femmes, qui ont réussi à s’échapper. La « fille victime de viol a été immédiatement prise en charge », a indiqué le G5 Sahel dans un communiqué du 3 avril 2021.
La Commission nationale des droits humains (CNDH) du Niger semble avoir assez de preuves permettant de confirmer ces faits.
« Mise en place d’une commission d’enquête indépendante »
Du 31 mars au 1er avril 2021, la CNDH a déployé une mission d’investigation, comprenant un médecin légiste, pour établir les faits sur ces allégations. En collaboration avec le Tribunal de grande instance (TGI) de Tera, la commission a d’abord rencontré les autorités administratives, le commandant de Brigade de la Gendarmerie, le directeur départemental de la police, les responsables des services départementaux chargés de la protection de la femme et de l’enfant, la présidence de la Commission paix, sécurité et migration pour le conseil communal des jeunes de Tera. Ces rencontres ont été suivies par des entretiens avec les femmes et les filles victimes de viols, des témoins ainsi que des parents des victimes.
Pas que de viols
La Commission s’est surtout « appuyée sur les résultats scientifiques de l’expertise médico-légale du Médecin légiste, expert en évaluation juridique du dommage corporel ».
En plus de ces viols et tentatives de viols, la mission de la CNDH souligne également des cas d’agression ainsi que de confiscation de biens sur des citoyens « sans compter la présence de ces mêmes éléments du contingent tchadien dans la ville circulant sans encadrement avec des armes lourdes et légères ».
La CNDH, tout en condamnant ces actes, demande « la mise en place d’une commission d’enquête indépendante en vue de faire la lumière sur ces actes cruels, inhumains et dégradants ». Elle invite également les autorités compétentes nigériennes et tchadiennes à « traduire les coupables devant les juridictions compétentes pour que justice soit rendue conformément aux lois en vigueur ».
La FC-G5 Sahel sévit
Après avoir été saisie par rapport à ces allégations, la Force conjointe du G5 Sahel a déployé une mission, conduite par le commandant du Fuseau Centre de la Force, dans la localité de Téra. Cette mission avait pour objectif de « prendre connaissance des faits et de rencontrer les autorités locales de Téra et le bataillon tchadien ».
En accord avec les autorités nigériennes et tchadiennes, la Force conjointe du G5 Sahel a alors pris certaines décisions, notamment le retrait immédiat des mis en cause des effectifs de la Force, le rapatriement de ces militaires dans leurs pays d’origine suivi de l’initiation de sanctions disciplinaires. Aussi la FC-G5 Sahel a-t-elle demandé « l’ouverture d’une enquête pénale de concert avec les systèmes de justice pénale en vigueur » et la prise en compte immédiate des victimes. Elle a également indiqué la nécessité du « rappel formel de l’exigence de respect des droits humains et du devoir d’exemplarité des militaires de la Force, qui devra être fait par chaque commandant de bataillon aux militaires placés sous ses ordres ».
Mise en garde
Dans un communiqué publié le 3 mars 2021, le ministère tchadien des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Tchadiens de l’Étranger a mis en garde contre toute exploitation de ce « cas isolé », dit-il, « pour ternir l’image du contingent tchadien, et d’une manière générale, celle de l’armée tchadienne qui a démontré à suffisance sa discipline sur les différents terrains d’opération ».
Pourtant, ce n’est nullement la première fois que des soldats tchadiens en mission extérieure sont accusés de viol. En 2013, quatre soldats du contingent tchadiens de la MINUSMA, ont été accusés de viols au Mali. En 2015 également, en Centrafrique, trois autres soldats ont été accusés d’abus sexuels sur mineurs.
Le ministère rassure toutefois que les auteurs de cet acte « sont déjà arrêtés et subiront les sanctions qui s’imposent en la circonstance » afin d’éviter toute « chance de reproduction de ce type d’actes ».
D’ores et déjà, la FC-G5 Sahel informe de la mise en place de la commission d’enquête, recommandée par la CNDH, qui sera « chargée de mener toutes les investigations nécessaires sous le contrôle du procureur de la République, et de recueillir toutes les informations indispensables à la hiérarchie pour apprécier les événements survenus à Téra [ndlr] ».
« Les soldats tchadiens mis en cause font partie du contingent tchadien de 1200 hommes récemment déployé entre les frontières du Burkina, du Mali et du Niger pour appuyer la force conjointe du G5 Sahel dans la lutte contre le terrorisme », précise Anadolou Agency.
Fousseni Togola