Nahawa Doumbia est née à Mafélé, un petit village situé à la frontière de la Côte d’Ivoire et elle a grandi à Bougouni, chef-lieu du Wassoulou, au sud de Bamako. Sa mère, qui mourut quelques jours après sa naissance, lui avait prédit une destinée hors du commun. Elle deviendrait chanteuse, bien qu’elle n’appartienne pas à la caste des griots, mais à celle des forgerons.
La vocation de chanteuse de Nahawa Doumbia a fait naître à Sikasso la légende de « l’enfant des djinns ». Juste avant de mourir, quelques mois après sa naissance, sa mère a prédit que Nahawa chanterait. Stupeur dans la famille maternelle dont le fétiche familial « Komo », l’un des plus anciens de l’empire mandingue, est un fétiche « chanteur ». Dangereux rival, il risque de voler la voix de Nahawa. Pendant plusieurs années, le clan maternel multipliera ainsi les rites pour contrarier cette vocation tandis que son père fera appel à un féticheur pour contrer le pouvoir de « Komo ». Elle devra dès lors toujours tendre une calebasse, offrir des colas pour protéger sa belle voix et chanter «Djina Mousso », son chant protecteur.
Puisque dans sa famille, personne ne chantait, et l’on n’aimait pas qu’on chante. C’est pourquoi dit-elle : « j’ai eu tant de peine à venir à la musique. J’ai été découverte par les agents du Ministère de la Culture en chantant en groupe avec mes amies et c’est comme cela que j’ai participé – contre l’avis de mon père – à la « Biennale de la Jeunesse », qui permettait le brassage entre les jeunes de toutes les régions du Mali. J’ai gagné avec une de mes chansons lors de la Biennale de 1980, que j’ai par la suite présentée aux « Découvertes RFI » dont j’ai été aussi lauréate. » Elle gagna alors le premier concours RFI Musiques du monde au début des années 80.
Depuis, Nahawa est devenue une idole au Mali, gardant tout le charme de sa voix enfantine pour être une des références vocales d’Afrique de l’Ouest. Ouverte aux rencontres et aux nouvelles expériences musicales, elle a collaboré avec de nombreux musiciens occidentaux. « D’ethnie bambara, élevée par des grands-parents musulmans, Nahawa Doumbia est une tombeuse de tabous, elle a la contravention dans le sang.
Elle tourne bientôt hors des frontières, rencontre Miriam Makeba, Manu Dibango et Thomas Sankara au Festival de Ouagadougou en 1986. Son style se construit au fil des albums.. Elle sort plusieurs cassettes au pays : Kourouni » en 1981, Suivi de « Sakoro Mery » en 1982, « Korodia » en 1983, Djinn mousso en 1987, Nyama toutou en 1988, et chante à l’occasion du sommet des chefs d’État de France- Afrique de Vittel en France.
Dans ses divers albums, elle s’avoue profondément marquée par les esprits (djinns)qui l’inspirent et qu’elle appelle dans ses spectacles par ses danses tournoyantes et ses bras qui se balancent comme des ailes, suggérant ainsi leur présence.
Pionnière d’une nouvelle génération de chanteuses qui s’émancipent de l’image traditionnelle de la griotte mandingue, elle a été suivie par des chanteuses comme Oumou Sangaré et Diaou Kouyaté. Suivie par sa fille Ramata Doussou, elle a aussi renouvelé son style en s’entourant de musiciens plus jeunes comme le bassiste Dany’o Madioko à la basse, Isaac aux percussions, deux guitaristes, un joueur de kamele n’goni et un djembéfola sans oublier sa fille au chant.
Bref, la diva Nahawa est la mère de la chanteuse Doussou Bakayoko qui actuellement révolutionne le monde de ses chansons inspirées des albums de sa mère. Comme quoi le talent peut aussi se transmettre de mère a fille
ROKYA BERTHE