Depuis plusieurs semaines, la Russie déploie de nombreux soldats à sa frontière avec l’Ukraine. Et les tensions se ravivent entre Moscou et l’Otan.
Les services de renseignement occidentaux n’ont aucun doute : la Russie a bien regroupé à sa frontière avec l’Ukraine des chars, des drones et surtout près de 100 000 soldats dans une perspective d’attaque. Le ministre ukrainien de la Défense se dit même persuadé que l’invasion aura lieu « fin janvier ».
Alors que la Russie dément, ces allégations ont ravivé les tensions entre le Kremlin, l’Ukraine, les Etat-Unis et l’Union européenne. « L’Obs » revient sur cette passe d’armes entre ces puissances en cinq actes.
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Acte 1. Les soupçons d’une attaque
Tout part de là : les Occidentaux accusent Moscou de velléités agressives, l’armée russe ayant massé des dizaines de milliers de soldats à la frontière avec l’Ukraine, dont la Russie a déjà annexé une partie du territoire.
L’attaque pourrait avoir lieu fin janvier 2022, selon Kiev. C’est pourquoi, mi-novembre, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba déclarait que l’Ukraine voulait acquérir des armes « défensives » auprès des Occidentaux face à « l’agressivité » de la Russie à ses frontières.
Côté Kremlin au contraire, on souligne que ce sont les Etats-Unis et l’Otan qui ont renforcé leur présence aux frontières russes en armant l’Ukraine, en la soutenant politiquement, et en y procédant à des manœuvres militaires et en déployant des forces en mer Noire.
L’est de l’Ukraine est le théâtre depuis 2014 d’une guerre avec les séparatistes prorusses dont le Kremlin est considéré comme le parrain militaire malgré ses dénégations.
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Acte 2. Poutine dément et met en garde l’Otan
La Russie dément préparer une offensive militaire. Le président Vladimir Poutine a promis mardi une réponse « militaire et technique » si ses rivaux occidentaux ne mettent pas fin à leur politique jugée menaçante.
« En cas de maintien de la ligne très clairement agressive de nos collègues occidentaux, nous allons prendre des mesures militaires et techniques adéquates de représailles », a-t-il déclaré devant la fine fleur de l’armée et du ministère de la Défense. « Nous en avons parfaitement le droit », a-t-il dit.
Comme il l’avait fait lors d’un entretien avec son homologue américain Joe Biden, le dirigeant russe a réclamé que Washington donne à la Russie des garanties en signant des traités interdisant tout élargissement futur de l’Otan. Vladimir Poutine a assuré ne pas vouloir d’un « conflit armé, d’une effusion de sang » et préférer une « solution politico-diplomatique ».
La Russie a présenté la semaine passée deux traités, l’un destiné aux Etats-Unis et l’autre à l’Otan, résumant ses exigences en vue d’une désescalade. Ces textes interdisent l’élargissement de l’Otan, à l’Ukraine en particulier, et limitent la coopération militaire occidentale en Europe de l’Est et en ex-URSS, sans imposer de mesures similaires à la Russie.
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Acte 3. Les pays nordiques s’inquiètent
Les pays scandinaves et certains membres de l’Otan ont exprimé mardi leur « grande inquiétude » face à l’activité militaire russe aux portes de l’Ukraine et répété leur attachement à l’intégrité territoriale de ce pays. « L’activité militaire russe récente, en particulier le renforcement militaire exceptionnel le long des frontières de l’Ukraine, est une évolution préoccupante qui pourrait avoir un effet déstabilisateur sur notre environnement de sécurité commun », ont indiqué les ministres de la Défense des Etats nordiques.
« Les pays nordiques continuent de soutenir fermement l’intégrité territoriale, la souveraineté et le droit de l’Ukraine de décider de sa propre politique étrangère et de sécurité sans ingérence extérieure », ont ajouté les ministres norvégien, suédois, danois, finlandais et islandais dans une déclaration conjointe.
Voisins, pour certains immédiats, de la Russie, la Norvège, le Danemark et l’Islande – tous trois membres de l’Otan – et la Suède et la Finlande – partenaires de l’Alliance atlantique sans en être membres – coopèrent étroitement en matière de sécurité régionale. « Nous rejetons la notion de sphères d’influence en Europe », ont affirmé les ministres nordiques, alors que la Russie vient de présenter des exigences à l’Otan, dont le gel de son élargissement en Europe. La Suède avait jugé lundi ces demandes « complètement inacceptables ».
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Acte 4. Macron appelle Poutine
Les présidents français Emmanuel Macron et russe Vladimir Poutine se sont entretenus dans la journée de mardi à propos des propositions de ce dernier. Emmanuel Macron a fait part, selon l’Elysée, de sa discussion avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky le 15 décembre à Bruxelles en marge du sommet du Partenariat oriental.
Selon le Kremlin, les deux dirigeants ont discuté de « la situation problématique » provoquée par « la mauvaise volonté de Kiev de respecter » les accords de paix de Minsk de 2015. De la mise en œuvre de « mesures concrètes » dépend l’organisation d’un nouveau sommet en format Normandie, réunissant la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France, a indiqué Vladimir Poutine.
Au cours de cet entretien, le second en une semaine après celui du 14 décembre, les deux dirigeants ont également discuté du Mali, Emmanuel Macron demandant des « clarifications » sur les « derniers développements » dans ce pays. Le président français, qui a annulé un déplacement au Mali en raison de la crise sanitaire, tente de dissuader Bamako de faire appel aux services du groupe paramilitaire russe Wagner, considéré comme proche du Kremlin, ce que dément Moscou. Selon plusieurs sources à Paris, des éléments de Wagner ont déjà commencé à se déployer dans la capitale malienne.
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Acte 5. Préoccupée, l’Allemagne sanctionne
De son côté, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a fait part ce mercredi de sa « grande préoccupation » face aux propos de Vladimir Poutine. « Ma préoccupation est grande » car les propos du président russe sont intervenus avant « des mouvements de troupe » à la frontière avec l’Ukraine, a indiqué la cheffe de la diplomatie, jugeant que cette « grave crise » avec Moscou ne pouvait se régler que par le dialogue. La ministre allemande a insisté sur la nécessité d’un dialogue avec les autorités russes, en utilisant « chaque millimètre de ses moyens d’agir ».
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Il est « important que nous retournions à la table des négociations » avec Moscou dans le cadre du format Normandie, qui réunit l’Allemagne, la France, l’Ukraine et la Russie. Il faut également utiliser « la possibilité offerte dans le cadre du conseil Otan-Russie » de « parler ensemble et de contribuer à ce que nous puissions empêcher une nouvelle escalade ».
Par la suite, l’Allemagne a obtenu l’interruption par Eutelsat de la diffusion par satellite de la chaîne d’information russe Russia Today en langue allemande, jugeant que le moyen technique utilisé par ce média d’information contrevenait à « la souveraineté juridique » du pays, a indiqué le régulateur allemand des médias. Une suspension qui risque de peser davantage sur les relations déjà tendues entre Berlin et Moscou.
Source: nouvelobs