Dans cet entretien exclusif, le président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, le Magistrat Moumouni Guindo, évoque, entre autres, les missions de cette nouvelle structure, la déclaration des biens des fonctionnaires ainsi que les différentes sanctions prévues. Entretien !
Aujourd’hui : Monsieur le Président, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Moumouni Guindo : Merci beaucoup. Je m’appelle Moumouni Guindo, magistrat de profession et je suis le président de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, depuis le 10 mars 2017. A ce titre, je suis chargé de mettre en œuvre et de coordonner l’application des textes relatifs à la lutte contre l’enrichissement illicite au Mali.
Pour rafraîchir la mémoire des lecteurs, pouvez-vous leur rappeler brièvement ce qu’est l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite que vous dirigez ?
L’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite est un service public. Il a été créé par l’Etat du Mali d’abord par une Loi 27 mai 2014 ensuite par une Ordonnance du 23 septembre 2015. C’est donc un service public que l’Etat malien consacre à la lutte contre le phénomène de l’enrichissement illicite, au combat pour l’amélioration de la gestion des deniers publics et des biens acquis sur ressources publiques.
Pouvez-vous rappeler ce que le législateur entend par l’enrichissement illicite ?
L’enrichissement illicite au sens de l’article 2 de la Loi du 27 mai 2014 a deux composantes.
Une première composante a trait à l’augmentation substantielle du patrimoine d’un fonctionnaire sans que cette augmentation ne puisse être justifiée par les revenus légitimes dudit fonctionnaire.
La deuxième composante de l’enrichissement illicite a trait au train de vie du fonctionnaire. Un fonctionnaire, dont les revenus légitimes sont connus, exhibe un état de richesse et qu’on ne puisse pas établir un lien suffisant et cohérent entre ce train de vie et ses revenus légitimes, alors il aurait présomption d’enrichissement illicite à l’égard de ce fonctionnaire.
Concrètement, en quoi consiste votre mission ?
La mission de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite a été déclinée par l’ordonnance du 23 septembre 2015 en plusieurs sous-composantes. Mais, je préfère les condenser en quatre rubriques.
La première rubrique concerne la prévention de l’enrichissement illicite. La deuxième composante c’est la contribution à la répression de l’enrichissement illicite. La troisième composante, c’est la coopération au plan national, sous-régional, régional et international dans le cadre de la lutte contre la corruption et les infractions assimilées dont l’enrichissement illicite. Et la quatrième composante, ce sont les études que l’Office central devrait mener à l’effet de parvenir à des recommandations sous forme de réformes législatives, règlementaires ou administratives.
L’aspect ” prévention ” a pour but de mener des actions permettant d’éviter la survenue des faits d’enrichissement illicite. Il s’agit donc pour l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite de mettre en œuvre un ensemble d’actions et d’activités pour décourager les fonctionnaires, qui en auraient la tentation, de céder à l’enrichissement illicite. Ceci passe par des actions de formation et de sensibilisation, donc de communication tous azimuts pour faire ressortir les enjeux qui sont liés à l’enrichissement illicite sous l’angle du développement socio-économique, qui est une mission régalienne de l’Etat. Mission à laquelle tous les citoyens, tous les fonctionnaires, se devraient de concourir.
La deuxième composante qui consiste à la contribution à la répression de l’enrichissement illicite amène l’Office central à prêter concours aux autorités judiciaires, notamment les Pôles économiques et financiers pour poursuivre, instruire, juger et le cas échéant condamner les personnes qui seraient suspectées d’enrichissement illicite. A cette fin, l’Office central a un outil important, c’est l’exploitation des déclarations de biens. Il s’agit aussi pour l’Office central de mener des investigations sur la base notamment des signes extérieurs de richesse, à savoir le train de vie des fonctionnaires, pour aboutir à des constatations susceptibles de mener à des poursuites.
S’agissant de la composante ” coopération “, il faut préciser qu’elle a des variantes au plan national. Il s’agit donc pour l’Office central de mener des actions de concertation, de coordination et d’animation des activités de lutte contre l’enrichissement illicite entre les différentes structures nationales qui ont plus ou moins une mission dans ce domaine. Je voudrais parler, au sens de la loi, de la Cellule nationale de traitement des informations financières, qui gère notamment les déclarations d’opérations suspectes au niveau des services financiers, à savoir les établissements financiers, les banques. Je voudrais également parler des inspections ministérielles, du Contrôle général des services publics, du Bureau du Vérificateur Général et éventuellement de la Section des comptes de la Cour suprême. Il s’agit donc pour l’Office de jouer un rôle un peu d’animateur de l’action de mise en cohérence de ces différentes initiatives, de manière à optimiser les résultats.
Au plan sous-régional, régional et international, il s’agit pour l’Office central de représenter l’Etat au niveau des instances créées à ces différents niveaux dans le cadre de la lutte contre la corruption et les enrichissements illicites.
Et enfin, les études consistent pour l’Office central à procéder à des études techniques sur les voies et moyens empruntés au Mali par les fonctionnaires et leurs complices pour l’enrichissement illicite, identifier les techniques, les points faibles soit de l’arsenal juridique législatif, soit de la pratique administrative soit des questions de motivation, de soutien ou d’encouragement des ressources humaines de l’Etat. En tous les cas, tous les aspects qui pourraient concourir à favoriser la survenue des faits d’enrichissement illicite. Et sur cette base, faire à l’Etat des propositions pour améliorer soit le système juridique, soit le système judiciaire, soit les mesures de motivation et de traitement des ressources humaines.
Vous et votre équipe venez d’être installés dans vos fonctions après la prestation de serment, le 1er juin dernier. Comment l’équipe qui vous accompagne a-t-elle été composée ?
L’équipe a été composée sur la base des spécifications qui ont été faites dans l’ordonnance qui a créé l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite. Le Conseil, qui est le cœur central de l’Office, est composé de 12 membres. Il s’agit des personnalités reconnues dans leurs milieux respectifs pour leur probité intellectuelle, morale et pour leurs qualités professionnelles. Lesquelles qualités et vertus doivent avoir été confirmées par une enquête de moralité à laquelle les services spécialisés procèdent. Ces membres doivent avoir le niveau, au moins, de fonctionnaire de la catégorie A.
Parmi les douze membres, il y a trois magistrats désignés par le président de la République, deux officiers de police judiciaire désignés par le ministre de la Justice sur proposition du ministre chargé de la Sécurité et de la Protection civile; un cadre des administrations financières désigné par le ministre de l’Economie et des Finances ; un spécialiste de la passation des marchés publics désigné par l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public ; un Expert-comptable représentant l’ordre national des experts comptables et comptables agréés du Mali ; un représentant de la société civile désigné par le Conseil national de la société civile ; un représentant des organisations de défense des droits de l’homme désigné par la Commission nationale des droits de l’Homme. Sans oublier un communicateur désigné par la Haute Autorité de Communication (HAC).
Toutes ces personnalités sont donc proposées par les différentes autorités et leur nomination est faite par Décret pris en Conseil des ministres.
Avez-vous les moyens suffisants pour remplir votre mission ?
Nous avons les moyens juridiques adéquats. Comme vous le savez, l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite a été créé en tant qu’autorité administrative indépendante. Au sens de la Loi du 12 septembre 2014 fixant les principes fondamentaux de la création, de l’organisation et du contrôle des services publics, une autorité administrative indépendante est un organisme public, bénéficiant d’une autonomie fonctionnelle, qui n’est soumise à aucune subordination hiérarchique. Ce qui fait que l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite n’est pas placé sous la tutelle administrative ni technique d’une autre structure administrative. Il est vrai qu’il est cité parmi les services relevant de la Primature.
Ensuite, comme moyen juridique important, l’Office central bénéficie d’une autonomie financière. Le budget est certes financé prioritairement par les fonds publics, mais, il est logé, au niveau de la loi des finances, dans une section autonome. Le président de l’Office central est ordonnateur du budget de la structure.
Nous avons également d’autres moyens juridiques importants en termes d’interventions opérationnelles : les structures publiques ou privées et les individus ont obligation de coopérer avec l’Office central chaque fois que celui-ci les requiert. Concrètement, une banque qui détient des informations sur des comptes ouverts par un fonctionnaire, lorsqu’elle va être requise par l’Office central, ne peut pas se réfugier derrière le secret bancaire pour refuser de communiquer le relevé exhaustif et complet sur la période désirée par l’Office central.
Toutes les structures publiques comme privées sont obligées de fournir les informations. Par exemple, au niveau public, le conservateur des domaines, quand il sera requis, est obligé de donner la liste des titres fonciers et des autres titres administratifs relatifs à des biens immobiliers que détiendrait tel fonctionnaire, sujet d’investigations de l’Office central. Ce sont des exemples pour illustrer les moyens que la loi a mis à la disposition de l’Office central pour mener ses investigations sans encombre. Sous cet angle, nous pouvons estimer, de manière globale, que l’Office central dispose des moyens pour mener à bien sa mission.
En revanche, il y aurait à examiner la question budgétaire et financière de manière à permettre à l’Office central de disposer des ressources humaines en nombre et en qualité adéquats par rapport à ses missions et également à mettre en œuvre les procédures appropriées, qui demandent un financement en termes de conception, d’édition de documents et en termes de formation. Sans oublier aussi un aspect important, qui concerne la communication afin de pouvoir mener la tâche de prévention.
Toutes ces activités sont consommatrices de ressources. Il est important que l’Etat fournisse un effort pour améliorer les crédits budgétaires alloués à l’Office central de manière à lui permettre de bien et mieux accomplir ses missions.
Selon la loi, quelles sont les cibles de vos actions ?
L’enrichissement illicite est une situation concernant principalement les fonctionnaires. Il faut préciser que les agents du secteur privé ne sont pas exclus. L’explication que je donne, au sens de la loi, est que les fonctionnaires sont traités comme des auteurs des faits d’enrichissement illicite et toute autre personne physique ou morale de droit privé qui s’associe aux fonctionnaires est traitée comme complice.
Concernant les fonctionnaires, il s’agit de tous les agents de l’Etat : fonctionnaires toutes catégories confondues. En d’autres termes, des fonctionnaires civils comme des militaires. Sans oublier les élus au niveau local, régional et national. Toute personne qui se trouve dépositaire d’une autorité publique, même lorsqu’il n’y a pas un fondement juridique à cette situation de fait. Parce qu’il y a la notion de fonctionnaire de fait. Dans une commune, si le maire est décédé ou une circonstance fait qu’il n’est plus en fonction, un citoyen qui s’arroge les missions et attributions du maire pendant une certaine période est traité par la loi comme un fonctionnaire de fait. Et dans toutes les hypothèses de fonctionnaire de fait, la loi sur l’enrichissement illicite va s’appliquer.
En ce qui concerne les particuliers non fonctionnaires, c’est sous l’angle de la complicité. Donc, toutes les personnes non fonctionnaires mais qui se seraient associées à un fonctionnaire dans le cadre de la commission d’un fait d’enrichissement illicite, se retrouvent visées par ladite loi sur l’enrichissement illicite.
Avez-vous déjà une idée sur les différentes cibles ?
Il y a deux niveaux. Nous avons parlé de la déclaration des biens. Il s’agit d’une déclaration écrite faite sur l’honneur par un fonctionnaire assujetti à l’obligation de déclarer son patrimoine. Ces fonctionnaires sont énumérés par la loi. Notre tâche première consistera donc à les déterminer parce qu’il y a des fonctions précises dans la liste. Exemples : ministres, gouverneurs, directeurs nationaux, chefs d’Etat-major, Vérificateur général, Médiateur, présidents des institutions… Là, c’est très clair. On peut déterminer de qui il s’agit et de combien de personnes il s’agit. Mais, il y a en même temps des dénominations qui sont plutôt génériques. Lorsque la loi vise tout responsable de la passation des marchés publics ou tout responsable des services financiers d’assiette ou de recouvrement, il y a un certain travail d’interprétation à faire pour savoir par l’expression ” tout responsable “, quels sont les fonctionnaires que la loi vise. Nous avons donc un travail à faire en lien avec les ministères concernés afin de déterminer ces responsables. Ce qui nous permettra de sortir dans un délai très proche la liste exhaustive.
C’est pour vous dire qu’il est un peu hasardeux de dire aujourd’hui combien de personnes cela représente.
Est-ce qu’il y a un délai pour les fonctionnaires de déclarer leurs biens ?
Effectivement. Le délai est de 90 jours à compter du 1er juin 2017, date de la prestation de serment des membres de l’Office central. Le décret N°2015-0606 du 5 octobre 2015 portant modalités d’application de la loi du 27 mai 2014 dit qu’après la prestation de serment des membres de l’Office central, il est imparti un délai de 90 jours à tous les assujettis pour procéder à leurs déclarations de biens.
Quelles sont les sanctions prévues en la matière ?
Comme vous le savez, l’enrichissement illicite au Mali, par la loi du 27 mai 2014, est qualifié d’infraction continue. Au sens du droit pénal, une infraction continue est celle qui est censée se renouveler par la continuation des effets des faits qui l’ont constituée. En clair, lorsque quelqu’un de manière illicite a acquis un immeuble, autant qu’il habite ou profite des loyers de cette maison, il renouvelle à chaque instant l’infraction d’enrichissement illicite. Jusqu’à ce qu’il soit notifié officiellement que ce fait d’enrichissement illicite est découvert. A partir de ce moment-là, le délai de prescription va commencer à courir. Donc, une infraction continue est celle dont le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du moment où l’infraction aura été découverte. Ce qui veut dire que toutes les personnes qui sont en situation d’enrichissement illicite s’exposent à une poursuite quelle que soit la durée qui s’écoule tant qu’une procédure formelle ne les a pas visées. C’est une précision très importante en termes de droit pénal.
En termes de sanctions, l’enrichissement illicite est traité de délit. Ce qui fait que la sanction maximale ne dépasse pas 5 ans d’emprisonnement. Mais, il existe deux catégories.
La première catégorie, c’est lorsque le montant jugé illicite est inférieur à 50 millions de Fcfa. Dans ce cas, la personne physique est exposée à une peine d’emprisonnement de 1 à 3 ans. Cette personne doit payer une amende égale au montant qui a été jugé illicitement acquis.
Lorsque le montant est supérieur à 50 millions de Fcfa, alors la peine d’emprisonnement est de 3 à 5 ans. L’amende, quant à elle, devient le double du montant jugé illicitement acquis.
Il y a également des peines accessoires, notamment la confiscation. Le bien illicitement acquis devrait être confisqué. Et tous les produits et fruits générés directement ou indirectement par le bien illicitement acquis devraient également être confisqués. Même quand ces biens ont été mêlés à des biens légitimes. La saisie va concerner lesdits biens légitimes à hauteur de la valeur du bien illicite qui y a été mêlé. Il s’agit là de la sanction de la personne physique. Je précise cela parce qu’une innovation importante a été introduite par la loi en ce qui concerne les personnes morales.
Dans notre droit pénal, le principe général, pour le moment, est que les personnes morales ne sont pas sujets de droit pénal. En revanche, quelques exceptions existent notamment dans le domaine de la lutte contre l’enrichissement illicite où la loi du 27 mai 2014 prévoit la sanction pénale des personnes morales. Alors donc une personne morale, quand elle est jugée coupable, elle est exposée à une peine d’amende qui est égale à 5 fois la valeur de l’amende à laquelle s’expose une personne physique. Si une personne physique s’expose à une amende de 20 millions de Fcfa, alors il faut multiplier par 5, ce qui fait 100 millions de Fcfa pour une société commerciale qui aurait été convaincue de complicité d’enrichissement illicite.
Il faut préciser que la sanction de la personne morale n’exclut pas la sanction de la personne physique qui a agi au nom de la personne morale. Un directeur général d’une société qui a posé des actes en complicité avec un fonctionnaire commet, à titre personnel, le délit d’enrichissement illicite. Et la société au compte de laquelle il a agi, également, va être poursuivie. Cette société, en plus de la peine d’amende, est exposée à d’autres sanctions, notamment l’interdiction d’accès aux marchés publics pour une période déterminée, l’interdiction d’exercer l’activité à l’occasion de laquelle le fait d’enrichissement illicite a été commis pendant 5 ans, la fermeture définitive ou pour une période de 5 ans. Et l’affichage de la décision judiciaire de manière à permettre aux citoyens de savoir la sanction dont a écopé ladite personne morale.
Ce sont les éléments de répression d’une part de la non-déclaration des biens et d’autre part des faits d’enrichissement illicite.
Il faut préciser que la sanction de la non-déclaration des biens est la révocation du fonctionnaire. Un directeur national, un directeur général ou tout autre responsable qui est assujetti et qui n’a pas procédé à la déclaration de biens dans le délai doit être relevé de ses fonctions. En plus, pendant une période de 5 ans, il ne peut plus être nommé à ces mêmes fonctions. C’est donc une sanction administrative très importante et très grave, qui est associée au refus de la déclaration de biens.
Il y a également la sanction pour une déclaration frauduleuse. Lorsque, pour dissimiler un bien, un fonctionnaire vient à déposer une pièce fausse ou un faux document et lorsque la fausseté de ce document a été démontrée par le tribunal, alors l’amende à laquelle est exposé le fonctionnaire en question correspond à 12 fois le salaire qu’il devait percevoir au titre de sa fonction.
Après avoir prêté serment devant la Cour suprême, quelles sont à présent vos priorités ?
La priorité de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite consiste aujourd’hui à mettre effectivement en œuvre l’obligation de déclaration de biens à l’égard de tous les assujettis. Nous sommes à pied d’œuvre pour élaborer, valider et mettre en œuvre un plan d’action. Ce plan sera centré sur la mise en œuvre de l’obligation de déclaration de biens. Concrètement, nous nous fixons comme objectif de persuader 100% des assujettis à procéder à leur déclaration de biens dans le délai de 90 jours à compter du 1er juin 2017.
La deuxième priorité pour l’Office central est de disposer de ressources humaines en effectif et en compétences pour procéder à l’exploitation des déclarations de biens, qui seraient déposées dans ce délai. Parce que déclarer les biens est une bonne chose, les traiter, les exploiter à l’effet de savoir si les assujettis ont commis ou non des faits d’enrichissement illicite est une autre dimension de la mission de l’Office. Et nous voudrions nous faire fort d’accomplir cette mission avec rigueur. Pour cela, nous avons besoin de ressources humaines. Un travail de cette envergure ne peut pas être accompli par 12 personnalités seulement quelle que soient leur engagement, leur volonté et leur compétence.
Nous allons donc être obligés de procéder au recrutement d’un personnel technique pour assister les 12 personnalités dans l’exploitation des déclarations de biens. C’est pourquoi, nous avons besoin de la compréhension et de l’appui des autorités, qui nous ne font pas défaut à présent.
L’Office dispose-t-il d’un siège ?
Un siège, plus ou moins. Nous avons l’accord de principe pour occuper un bâtiment sis à Korofina Nord. Mais nous attentons que cela soit formalisé.
Certains pensent qu’il pourrait y avoir conflit entre l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite et d’autres structures comme le Bureau du Vérificateur Général, la Section des comptes de la Cour suprême, et tant d’autres. Que leur répondez-vous pour faire la différence ?
Il n’y a aucun risque de confusion entre l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite et les structures déjà existantes. La première différence, elle est de taille. L’Office central procède à la prévention de l’enrichissement illicite. Cette mission n’est aujourd’hui assumée par aucune structure de façon explicite. La prévention, comme j’avais précisé, consistera en des actions d’information, de formation et de sensibilisation pour éviter la survenue même des faits d’enrichissement illicite.
La deuxième différence à signaler, c’est que l’Office central mène des travaux à l’encontre des personnes nommément désignées. Les structures de contrôle d’audit ou d’inspection mènent des travaux généralement à la dimension des services ou d’une série d’opérations ou même d’une opération de gestion.
Mais, l’Office central mène des investigations contre une personne physique, le plus souvent, pour être clair, contre un fonctionnaire nommément désigné avec prénom, nom, numéro matricule, date d’intégration à la fonction publique, poste actuellement occupé, voire postes préalablement occupés. Et les investigations portent sur le patrimoine détenu par cette personne. Il ne s’agit pas d’aller regarder les procédures administratives, comptables, financières qui auraient été appliquées bien ou mal. Il s’agit pour l’Office central de considérer les éléments qui entrent dans le patrimoine d’un fonctionnaire et de répondre à la question de savoir si ces éléments ont été acquis légitimement ou non. Vous voyez que le mode opératoire de l’Office central tranche nettement d’avec celui des autres structures déjà existantes. La mission également de prévention fait la différence entre l’Office central et les autres. Nous pouvons bien imaginer que la valeur ajoutée de la prévention est importante et élevée.
A présent que vous venez d’être installé dans vos fonctions. Quel message lancez-vous aux populations ?
J’invite les populations à considérer l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite comme un service d’intérêt public. Un service dédié à la défense de l’intérêt général, à la sauvegarde du bien public, à la protection du patrimoine public. C’est donc un bien commun sur lequel il est important que chacun veille à son niveau.
Je comprends bien les inquiétudes ou les réserves que les populations, légitimement, nourrissent vis-à-vis d’une nouvelle entité surtout dans le domaine de la lutte contre la corruption. Parce que plusieurs expériences ont déjà tourné court. Mais je les invite à faire confiance aux autorités, aux personnalités auxquelles les autorités ont fait l’honneur d’avoir la charge de diriger cet important service, de considérer que le travail sera fait avec courage et avec la conviction que c’est un travail qui profitera à chacun d’entre nous. Et que nous avons le devoir, chacun, de contribuer au bien commun.
Je lance un appel aux fonctionnaires pour qu’ils comprennent qu’il n’y aura pas de harcèlement. Ce n’est pas un service qui va mener des actions ciblées et spectaculaires juste pour faire de la sensation. Nous allons travailler en plein respect des droits fondamentaux des fonctionnaires, de leur famille, de leur dignité. Nous allons prendre en compte le devoir de la confidentialité que la loi nous impose.
Nous n’allons exposer personne, même si le travail sera fait régulièrement, et correctement fait concernant toute personne indépendamment de sa catégorie tant qu’elle est assujettie au sens de la loi. Il s’agit pour les fonctionnaires, aujourd’hui, d’accepter que la mission de défense de l’intérêt général nous incline tous à avoir du respect pour les biens publics, à éviter de mettre à notre profit personnel ce qui est destiné au bien commun.
A quand votre premier rapport ?
Nous allons déposer notre premier rapport d’ici la fin de l’année 2017. Nous sommes obligés de faire un rapport annuel. Et pour cette année, nous allons faire un rapport sur les six mois d’activités.
Réalisé par A.B. HAÏDARA
Moumouni Guindo : la compétence au service de la nation
Depuis le 10 mars 2017, l’Office Central de Lutte contre l’enrichissement Illicite a un président. Il s’agit de Moumouni Guindo. Magistrat chevronné, l’homme a occupé de hautes fonctions dans l’administration judiciaire. En analysant son parcours, l’on comprend aisément que le choix porté sur sa personne pour diriger un tel service de contrôle n’est pas un fait du hasard. Qui est l’homme ?
Agé de 46 ans, Moumouni Guindo est bardé de diplômes, ceux des deux ENA, celle du Mali obtenu en 1993 (major de promotion), et de France décroché en 2015. D’autres en divers domaines complètent le tableau : master II en Finances Publiques de l’université de Strasbourg, MBA de l’université de Québec à Montréal, MBA de l’Ecole supérieure de gestion de Paris, diplôme universitaire en droits fondamentaux de l’Université de Nantes, diplôme professionnel d’audit interne de l’Institut français de l’audit et du contrôle internes. A ceux-là s’ajoutent une cinquantaine de certificats de formations dans diverses matières du droit, de la gestion, du leadership et du contrôle. Passionné du scrabble, Moumouni Guindo a occupé de hautes fonctions administratives : chef de cabinet au Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme (octobre-décembre 2015), avant d’en devenir le Secrétaire Général en janvier 2015, vérificateur assistant spécialiste des investigations judiciaires, vérificateur et chef de la cellule de gestion de la qualité au bureau du Végal de 2005 à 2014, sans oublier les postes de président, et de vice-président, de juge d’instruction dans les juridictions de Bamako et de Ségou.
Fin pédagogue, le magistrat chevronné ne s’est pas contenté de goûter aux délices des bureaux climatisés, il a aussi donné des cours aux magistrats stagiaires à l’Institut National de Formation Judiciaire, et aux étudiants professionnels en master II, audit interne.
De 1999 à 2003, Moumouni Guindo a conduit des instructions judiciaires qui ont porté sur des fraudes, faux et usages de faux dans le cadre du paiement des pensions civiles et militaires à la Trésorerie régionale de Ségou ; des fraudes et détournements de biens publics au Dépôt répartiteur des médicaments essentiels de Ségou ; des présomptions de détournements de biens publics à l’Officine de la pharmacie populaire du Mali ; des faux et usages de faux relatifs aux vignettes automobiles ; des faux et usages de faux relatifs au passeport malien ; des faux et usages de faux à l’obtention du visa Schengen (affaire dite du ministère des Sports).
Durant son service au bureau du Vérificateur Général, et en sa qualité de vérificateur et chef de la cellule de traitement des dénonciations, Moumouni Guindo a dirigé des missions de vérification financière, de performance et de suivi des recommandations de vérifications antérieures, traité les dénonciations adressées au VEGAL par les citoyens sur la gestion des services publics nationaux et locaux.
Donc sa nomination à ce poste stratégique pour lutter contre l’enrichissement illicite est loin d’être une complaisance, ou un incident de parcours. Partout où il a passé l’homme a fait preuve compétence et de dévouement au service de la nation. Ses expériences acquises sur le terrain, et à travers les divers séminaires à l’étranger sur la bonne gouvernance, font de lui l’homme providentiel pour relever le défi.
Dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, Moumouni Guindo est chargé de mettre en œuvre et de coordonner l’application des textes relatifs à la lutte contre l’enrichissement illicite au Mali. Le service qu’il a la lourde responsabilité de diriger depuis mars dernier a pour mission d’imposer, à tous les assujettis, la déclaration des biens, d’en contrôler la sincérité et, s’il y a lieu, de dénoncer à la justice les manquements constatés. Gros défi à relever. Mais l’opinion est convaincue qu’il est à la hauteur de ce défi.
A.B. HAÏDARA
Par Aujourd’hui-Mali