Tant des officiers putschistes exilés qu’un clan du pouvoir auraient pu perpétré, dimanche, l’assassinat d’Adolphe Nshimirimana, selon Pascal Niyonizigiye.
Le mystère plane toujours sur le meurtre d’Adolphe Nshimirimana, homme fort d’un régime contesté par l’opposition et la société civile burundaises, encore que sa disparition profite, dans tous les cas, à ce même régime.

Depuis des mois, le Burundi est terrassé par des actes de violence succédant à la contestation d’un mandat « anticonstitutionnel » du Président Pierre Nkurunziza. Des attaques sporadiques à la grenade avaient été, un moment, revendiquées par des officiers frondeurs, auteurs d’un putsch avorté vers la mi-mai dernier, mais le meurtre de Nshimirimana, dimanche dernier, n’a pas encore été revendiqué.
La société civile a, quant à elle, condamné cet assassinat, « au même titre », toutefois, qu’elle refusait les autres assassinats imputés au pouvoir ou à ses milices.
Une chose demeure sûre, pour Niyonizigiye, c’est que « les circonstances de l’attentat, à la roquette contre la voiture de Nshimirimana indique qu’il y a des personnes bien organisées, des professionnels, qui disposent de suffisamment d’influences et de moyens pour pouvoir déjouer la sécurité autour de cette personnalité importante, corrompre, éventuellement, certains et arriver à perpétrer leur acte. »
La première hypothèse tend à imputer la responsabilité de ce meurtre aux putschistes, réfugiés depuis, principalement au Rwanda voisin. Ceux-ci avaient, par le passé, annoncé leur volonté de « faire plier Pierre Nkurunziza par la force ». Dans tous les cas, leur entreprise « n’aurait pu s’accomplir sans une connivence interne », analyse l’expert burundais, qui relève que ce corps où « la cohésion n’est plus assurée », est traversé par « des dissensions internes, avec des tendances proches des putschistes. »
« Mais la responsabilité du camp du pouvoir, ou de l’un de ses clans, n’est pas exclue pour autant », relève l’analyse burundais dans une seconde hypothèse, d’autant plus que « cette région des Grands Lacs a connu des situations similaires visant à provoquer des réactions de grande envergure » poursuit Pascal Niyonizigiye en faisant clairement allusion à l’attentat du 6 avril 1994 au Rwanda contre l’avion du président Juvénal Habyarimana.
La responsabilité de la mort de celui-ci a été, alors, portée aux Tutsis et servit aux Hutus de casus belli à un génocide qui a fait entre 800 000 et un millions de morts. Aujourd’hui, la responsabilité d’un camp « ultra » Hutu (le camp du Président rwandais) est de plus en plus avancée par les Historiens.
« Sans pour autant privilégier cette vision, mais en la considérant simplement comme plausible, quelqu’un d’aussi charismatique que Nshimirimana, provoque l’inimitié et la jalousie des rivaux. L’assassinat aurait pu se faire, par le pouvoir, ou un clan du pouvoir pour se débarrasser de quelqu’un d’encombrant. Le pouvoir recevra en bonus la sympathie de la communauté internationale qui l’a a boudé depuis des mois ».
De fait, l’Union Africaine, l’Union Européenne et le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon avaient condamné, fermement, l’assassinat de l’ancien chef des renseignements au Burundi, en exprimant leur inquiétude concernant la détérioration continue de la sécurité dans ce pays « qui commence à sentir l’étouffement de la suspension des aides internationales dont son budget dépend à 50% », selon Niyonizigiye, une mesure décidée à la suite de « l’entêtement », selon la terminologie de l’opposition, de Pierre Nkurunziza à briguer ce troisième mandat.
Cet assassinat pourrait en outre, servir de prétexte à un pouvoir appelé à dialoguer avec l’opposition, pour serrer le tournevis.
« Politiquement, des manoeuvres dilatoires ainsi qu’un certain durcissement du régime sont attendus quant aux revendications de l’opposition concernant un Gouvernement d’union nationale mais aussi une période transitoire qui donnerait lieu à une nouvelle présidentielle. On va, ainsi, pouvoir capitaliser sur ce qui s’est passé » prévoit le professeur de sciences politiques.
Une attitude qui ne va pas sans une pression exercée sur le terrain par les milices du parti au pouvoir, les Imbonerakure, « qui pourraient s’en prendre à l’opposition, considérée comme la cause de tous les maux selon eux » selon cet expert.
De fait, un des leaders de la société civile burundaise, Pierre Claver Mbonimpa, président de l’association de défense des droits de l’homme et des personnes détenus (aprodh) a été la cible, lundi, d’une tentative d’assassinat par des hommes armés, suspectés par l’opposition et la société civile, d’appartenir à cette milice pro-pouvoir.
« Ce sont des dérapages attendus qui vont entretenir le climat de psychose au sein de la population et l’acculer à plus de fuite », augmentant ainsi le nombre d’exilés et déplacés burundais s’élevant à plus de 150.000 personnes, selon des sources humanitaires.