Un an après la mort d’Adama Traoré, une expertise confirme sa mort par asphyxie, reliée à des fragilités antérieures, mais sans résoudre l’inconnue au coeur de l’affaire: a-t-elle été provoquée par l’interpellation des gendarmes ce 19 juillet 2016 ?
Lors de son arrestation après une course-poursuite, le jeune homme âgé de 24 ans avait été maintenu au sol sous « le poids des corps » de trois gendarmes, selon les déclarations de l’un des militaires qui assurait n’avoir porté aucun coup.
« Une des causes possibles de la mort, c’est le placage ventral des gendarmes qui contribue à une compression thoracique », affirme Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille qui dénonce depuis le début une « bavure ».
Lundi, les juges d’instruction parisiens, qui ont repris en décembre cette enquête ouverte à Pontoise, ont reçu la contre-expertise anatomo-pathologique que l’avocat avait demandé en vue de confirmer cette hypothèse.
« L’ensemble de ces constatations permet de conclure que la mort est secondaire (consécutive, ndlr) à un état asphyxique aigu, lié à la décompensation – à l’occasion d’un épisode d’effort et de stress – d’un état antérieur plurifactoriel », écrivent les médecins au terme de leur rapport, dont l’AFP a eu connaissance. Parmi ces facteurs, ils citent notamment une anomalie cardiaque (une « cardiomégalie » modérée) et une maladie inflammatoire.
Une formulation qui laisse ouverte la question des circonstances du décès d’Adama Traoré, dont la mort avait entraîné plusieurs nuits de violences à Beaumont-sur-Oise (Val d’Oise) et ses environs.
La première autopsie avait conclu à une « absence de cause immédiate au décès », mais identifié un « syndrome asphyxique » et des « lésions d’allure infectieuse ». Dans sa communication, jugée « partielle et partiale » par Me Bouzrou, le procureur de Pontoise n’avait alors pas mentionné cette asphyxie mais invoqué une « infection très grave » pour expliquer la mort du jeune homme.
La thèse avait suscité la colère de l’entourage d’Adama Traoré mais été vite balayée par la contre-autopsie, qui avait relevé « l’absence de point d’appel infectieux ». Elle concluait à une mort par « syndrome asphyxique » à confirmer par un examen anatomo-pathologique. Réalisé en septembre, ce premier examen approfondi des organes avait avancé l’hypothèse d’une cardiomyopathie « exposant M. Traoré au risque de mort subite » et relevé plusieurs anomalies pouvant avoir contribué au décès.
– « Etat antérieur plurifactoriel » –
C’est cet examen que discute le rapport déposé lundi, réalisé à partir des mêmes prélèvements, le corps du jeune homme étant enterré au Mali. Selon ses auteurs, l’hypothèse d’une cardiomyopathie « ne peut être retenue avec certitude », et de nouveau ils écartent tout « état infectieux antérieur ».
En revanche, les experts médicaux relèvent plusieurs fragilités potentiellement à l’origine de l’asphyxie, notamment une « cardiomégalie » qui, « bien que modérée », « peut s’être décompensée sur un mode aigu à l’occasion d’un effort (trouble du rythme ? poussée d’insuffisance cardiaque ?) ».
Avant de prendre le poids des gendarmes sur lui lors de son arrestation, Adama Traoré avait couru pour fuir à un contrôle d’identité dans l’après-midi de ce jour de canicule. Rattrapé, il était parvenu à s’échapper avant d’être retrouvé dans un appartement et maîtrisé.
Le jeune homme avait alors confié ses « difficultés à respirer ». Il avait perdu connaissance lors de son transport vers la brigade de Persan.
Une autre interrogation porte sur les secours prodigués à Adama Traoré. Un des pompiers appelés sur place a déclaré aux enquêteurs que le jeune homme n’avait pas été placé en position latérale de sécurité mais était face contre terre, menotté, et qu’un gendarme lui avait indiqué qu’il « simulait » un malaise.
Son décès avait été constaté environ une heure et demie après son interpellation.
Source: 5minutes