Depuis hier jeudi 10 octobre 2019, le chef du Gouvernement malien effectue une visite dans la région de Mopti, 5e région du pays. Une énième visite qui peut certes moraliser les troupes ainsi que la population, mais qui reste peu nécessaire.
Au Mali, nous avons l’impression que la seule réponse favorable que les autorités ont trouvée aux attaques incendiaires dans le pays constitue les visites intempestives aux blessés, aux familles des défunts, aux militaires sur le front.
En effet, depuis hier jeudi 10 octobre 2019, Dr Boubou Cissé est dans la 5e région pour une visite de deux jours qui prendra fin aujourd’hui. Un déplacement intervient non seulement après l’attaque simultanée contre Boulkessi et Mondoro dans la frontière Mali-Burkina Faso, mais aussi une manifestation de jeunes à Sévaré, le mercredi 9 octobre 2019, pour réclamer le départ des forces étrangères au Mali.
Ce cadre a été idéal, pour le Premier ministre, de procéder au lancement des travaux de la 1re réunion du Comité régional du Cadre politique de Gestion de la Crise au Centre, crée en juin 2019. Durant cette première journée, après être revenu sur le contexte de création de ce Comité, le PM a précisé que son but fondamental reste le retour de la paix au Mali, en mettant non seulement fin aux conflits communautaires, mais aussi en apportant de l’assistance aux populations civiles.
Au cours de ces deux jours de visite, Dr Boubou Cissé rencontrera également la hiérarchie militaire afin d’échanger sur des questions sécuritaires dans le centre. En plus des militaires, les acteurs humanitaires recevront aussi la visite du PM avant que celui-ci procède au lancement du DDR (désarmement – démobilisation- réinsertion) spécial à Soufroulaye.
Mêmes démarches, mêmes motivations que celles après les attaques de Koulogon, le 1er janvier 2019, d’Ogossagou en mars 2019 ou de Sobane Da en juin de la même.
Ces rencontres peuvent certes être réconfortantes pour bon nombre de militaires et de citoyens vivant dans ces localités. Mais est-ce pour autant la solution adaptée (même si nous restons persuadés qu’aucune réponse ne peut être à 100% efficace) ? Nous trouvons que non. Il est temps de sortir de ces attitudes robotiques afin de tester d’autres perspectives dans ces situations qui ne sont pas d’aller toujours verser des larmes de crocodile auprès des populations endeuillées, meurtries, indignées, par des ennemis venus de nulle part s’implanter pendant que l’État était le grand absent dans la zone.
Ces déplacements incessants, à chaque fois qu’il y a des incidents, n’ont jusqu’à présent pas montré de résultats positifs puisque des attaques de plus en plus meurtrières continuent d’être le sort de ces populations. À ce titre, les sommes engloutis dans ces « promenades gouvernementales » peuvent mieux servir les citoyens de ces zones rouges du pays.
Pour ces deux jours de déplacements dans la 5e région, le Premier ministre est accompagné par une forte délégation composée de membres du Gouvernement, dont le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Général de Division Ibrahim Dahirou Dembélé ; le ministre de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation, Lassine Bouaré ; des élus et des personnes ressources. Combien va coûter le séjour de toute cette délégation pour le pays ?
Sacrée compassion pour ces populations ! Ce ne sont plus les déplacements qui pourront vous permettre de mieux comprendre les réalités que vivent ces citoyens, ce n’est pas non plus la nomination de représentants qui vous le permettra.
Nous disions à Boua, l’historien, de mieux fouiller dans l’histoire des grands hommes qui se sont fait remarquer par leur gestion des crises sécuritaires dans leur pays. Cela reste tellement nécessaire pour nous que nous pensons aujourd’hui que rien ne sera plus rassurant, plus compatissant pour ces populations meurtries que la présence quasi permanente de certains membres du gouvernement sur le terrain, parmi lesquels le Chef du Gouvernement lui-même, ainsi que du ministre en charge de la Défense. Cette présence effective leur permettra de mieux comprendre les dessous de la crise (s’ils n’en savent pas déjà) et d’envisager des solutions plus adaptées (s’ils souhaitent réellement que cette crise prenne fin).
Décentralisation oui, mais si le besoin se fait sentir, les représentants ne suffisent plus, il importe que les mandants eux-mêmes viennent en appui à leurs représentants. Il ne s’agit point de se substituer à eux, mais plutôt de vivre les réalités que traversent aussi bien les représentants de l’État, les humanitaires, mais également les populations civiles, voire les militaires sur le front. Cela permettra un changement de lecture sur cette crise qui prend en otage tout le Mali.
Fousseni TOGOLA
Source: lepays