La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest veut mettre en place d’ici à 2020 une monnaie unique. Mais les pays anglophones comme le Nigeria et le Ghana, qui ne partagent pas le franc CFA, sont sceptiques.
Théoriquement, la création d’une monnaie unique en Afrique de l’Ouest permettra aux pays concernés de mutualiser leurs moyens monétaires, à l’image de ce que fait actuellement l’Union Européenne. Cependant, en raison des contingences comme l’impréparation technique et le manque de convergence économique, les pays anglophones de la Cédéao, au premier rang desquels le Nigeria, pourraient se montrer réticents à adopter cette monnaie unique. “Le Nigeria, vu son poids démographique, vu son poids économique, n’acceptera jamais d’aller vers une union monétaire s’il n’est pas aux commandes. S’il accepte d’aller vers cette monnaie unique-là, il va être le patron de la monnaie unique. Cela veut dire que la politique monétaire et la politique des changes vont d’abord et avant tout refléter les préoccupations du Nigeria qui sont celles d’un pays producteur de pétrole. C’est pourquoi, il me semble qu’il n’est pas très avisé d’avoir une monnaie unique, mais d’avoir une monnaie commune, qui ferait tampon avec l’extérieur”,a affirmé l’économiste sénégalais, Ndongo Samba Sylla.
Le président Nigérian, Muhammadu Buhari accueille avec prudence l’option de la création d’une monnaie unique de la Cédéao.
Ce n’est cependant pas une raison suffisante pour entraver la création de cette monnaie unique, ajoute l’économiste. A l’en croire, “le président burkinabé Roch Marc Kaboré a dit que ceux qui remplissent les critères de convergence vont battre monnaie et les autres suivront. Mais la question c’est que les pays qui partagent le FCFA jusque là ont été relativement meilleurs sur les critères de convergences. Donc jusqu’à présent, s’il n’y a pas eu de monnaie unique, c’est parce que les autres pays non CFA sont un peu en retard sur ces critères de convergence. Et donc, il me semble assez étrange de dire que les pays qui remplissent les critères de convergence vont y aller tout de suite. Dans ce cas, si les pays de la zone CFA sont plus prêts pour aller vers la monnaie unique-Cédéao, quel intérêt auraient-ils à aller vers une autre monnaie?”, s’est interrogé Ndongo Samba Sylla.
Les réserves émises par certains pays de la Cédéao qui ont leur propre monnaie, et qui n’utilisent donc pas le FCFA, ne sont pas justifiées, ajoute pour sa part Mamadou Koulibaly, professeur agrégé d’économie et ancien président de l’Assemblée nationale de Côte-d’Ivoire, sous le régime de Laurent Gbagbo.
Selon un rapport publié en mars 2017 par le Fonds monétaire international, le Produit intérieur brut du Nigéria représente 72,2% de la Cédéao, contre 77,4% en 2015. Ce qui, selon certains économistes, serait à l’origine des réserves d’Abudja quant à la création d’une monnaie unique.
Cédéao: 15 membres, deux monnaies
Le PIB de la Cédéao est estimé à 628 milliards de dollars avec une population de 350 millions d’habitants. Les pays membres de cette communauté créée en 1975 utilisent des monnaies différentes : huit d’entre eux, rassemblés au sein de l’UEOMOA, l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, utilisent le franc CFA. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo.
Sept autres pays utilisent leur propre monnaie : l’escudo pour le Cap-Vert, le dalasi pour la Gambie, le cédi pour le Ghana, le franc guinéen pour la Guinée, le dollar libérien pour le Libéria, le naira pour le Nigeria et le Léone pour la Sierra Leone. Problème ? Toutes ces huit monnaies ne sont pas convertibles, ce qui ne facilite pas les échanges.
Avec DW