Tout ce qui fait rire fait réfléchir”. Le Petit Dogon était la parfaite illustration de cette citation de Molière, célèbre homme de lettres français du XVIIe siècle.
Sorti de nulle part, port martial, sourire revigorant, personnage hybride, cet humoriste malien aux multiples surnoms avait en lui tout ce qu’il fallait pour faire vibrer une scène : vivacité, ténacité, attraction, persuasion. En 2012, il entre lentement mais sûrement dans l’art de faire rire pour distraire, sensibiliser, éduquer et réconcilier un public nostalgique de “Zankè”, “Tentemba”, de Ténéman Sanogo dit “L’Adjudant”, célèbres humoristes maliens décédés.
Détenteur d’une maîtrise en droit public de l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako, Carmelo (autre surnom de Mohamed Guindo) avait fait aussi des études de marketing à l’Institut universitaire de gestion (IUG).
C’est grâce à son ami Youssouf Kéïta dit Petit Guimba qu’il découvre la scène sous le regard attentif de Koman Diabaté, humoriste, initiateur de l’émission comique de télévision “Yèlèbougou”. “Il avait une autre façon de voir les choses. L’argent n’était pas prioritaire pour lui”, témoignent M. Diabaté et le jeune frère du défunt, Salif Guindo.
Symbole de la liberté confessionnelle, il l’était. De son vrai prénom Mohamed, musulman pratiquant, il acceptait de porter des surnoms comme Ronald, qui pouvait faire croire à un bon nombre de gens qu’il était chrétien. Son nom, son style vestimentaire et son dialecte restent toujours interpellateurs comme pour démontrer que nous sommes tous les premiers ambassadeurs de nos valeurs traditionnelles, culturelles et linguistiques.
L’inspiration, DJ Dollar (autre appellation de l’artiste) en avait à en revendre. Le quotidien du Malien était, pour lui, la véritable foire à explorer : corruption, pauvreté, l’incivisme, conflit ethnique, les préjugés. “Enceinte”, il est parti. Ses aspirations étaient nombreuses. Ces projets inachevés.
Issa Coulibaly, célèbre comédien malien, se rappelle encore et toujours des demandes de Mohamed lors du tournage de la série, “Femme fonctionnaire”. “Mon père fais tout pour que mon nom ne disparaisse pas”, demandait-il. Comme s’il connaissait réellement le nombre de ses jours restants.
Né à Bamako en 1987, fort, il a été. Rester, il a voulu. Mais il n’a pu. Déclaré atteint au cœur, les jours de “Dogono Pama” étaient comptés. Après avoir subi une intervention chirurgicale, “on avait de l’espoir qu’il allait pouvoir terminer ce qu’il avait commencé avec nous”, se désole Issa Coulibaly.
Lundi, 7 juin. Il est 15 h à Missira, dans la Commune I du District de Bamako. La rue du défunt refuse du monde : artistes, parents, fans. Dos au corbillard qui transporte la dépouille, l’humoriste Souleymane Kéita dit Kanté, s’attend toujours à un éventuel fakes sur le décès de Ronald comme il le fut quelques jours plutôt. De la mosquée pour la prière mortuaire jusqu’au cimetière de Niaréla, le cortège en file indienne bloquait tout chemin.
Les connaissances ne se fatiguent pas d’égrainer les bonnes actions et les bons souvenirs du regretté : “humble, franc, courageux, rigoureux, respectueux”. “Je garde de lui le respect”, déclare Koman Diabaté, la voix étreinte par l’émotion.
Chaka Kéita
Source: Aujourd’hui-Mali