Au risque de nous répéter Bakary Yachine était un excellent de gardien de but, dont les prises de balles exprimaient ses atouts et sa grandeur. Il avait le secret de défier toute une équipe durant quatre-vingt-dix minutes, par ses arrêts spectaculaires et détentes de sauvetage dans les moments cruciaux du match. Il affirme aujourd’hui qu’aucun attaquant du Mali ne lui a coupé son sommeil, fussent-ils Beïdy Sidibé dit Baraka, Antoine Sah du Réal, Abdoulaye Koumaré dit Müller, Ousmane Diallo dit Petit Sory, Seyba Coulibaly du Djoliba, qui avaient le don d’inscrire au moins un but par match.
C’est au niveau fondamental qu’il prit le surnom de Yachine, au cours d’un match inter classes. Après avoir marqué un but, il décide de garder les buts et réalise le match parfait, dont la fin est marquée par les félicitations de son maître qui dit : “tu es fort comme Lev Yachine”. Voilà que Bakary Traoré prend ce sobriquet pour de bon, à partir de 1965.
Dans les clubs de quartier, Aiglons de Missira, et Asec de Bagadadji, il étale son talent. Né de parents stadistes, son intégration dans le centre de formation des Blancs est un non-événement. C’est plutôt la suite logique des liens forts qu’entretenait le président Binkè Fousseyni Diarra avec son père.
Bakary Yachine rejoint les cadets du Stade malien de Bamako lors de la saison 1972-1973. De la catégorie junior en 1975, il est admis chez les séniors, pour suppléer Modibo Doumbia dit Modibo Dix. Parce que Moctar Sidibé, le gardien titulaire, venait de transférer au Djoliba. Les supporters découvrent un jeune portier très beau dans ses tenues, sur le banc de touche du Stade. Qui pouvait être ce jeunot ? Quand l’occasion lui a été donnée de s’affirmer, Bakary Yachine a saisi la perche pour dire que désormais le Mali pouvait compter sur son potentiel. Deux ans seulement après sa titularisation, il est sélectionné en équipe nationale à la faveur du tournoi de la Cédéao en 1979 au Nigeria. Mais il rate la Coupe Cabral organisée à Bamako en 1980. La raison ? Dans une de ses parades, il tombe et se casse la clavicule.
Enfant légitime et bouc émissaire des Blancs
Bakary Yachine dit haut et fort qu’il est un enfant légitime du Stade malien de Bamako. Comme nous avons l’habitude d’affirmer, il fait partie des joueurs que nous avons connus, à travers nos tours dans les internats et terrains d’entraînement des différents clubs de Bamako. Mais il est regrettable que nous ayons appris dans notre adolescence qu’il fut un joueur corrompu. Ce samedi quatre juin, nous avons eu l’occasion de lui poser la question sur ce match de la finale de Coupe du Mali de 1983.
Il a été accusé d’avoir relâché le ballon pour permettre Abdoulaye Koumaré dit Müller de marquer dès la 12e minute, consacrant du coup la victoire du Djoliba. La spécificité de cette finale réside dans le fait que des supporters du Djoliba avaient aussi accusé leur portier Sory Kourouma de corruption. Mais voici tout le détail : à la veille de la finale Remetter est informé de l’accident de son taxi par son chauffeur.
En bon dirigeant, le vieux Mody Sylla du Stade malien qui a appris cette nouvelle répare le véhicule sans arrière-pensées. Ce geste a été assimilé à un acte de corruption et Sory Kourouma dit avoir été interpellé. Il a fallu le témoignage de Mamadou Kagnassy (un dirigeant du Djoliba) pour qu’il soit blanchi. N’eussent été les interventions de Karounga Kéïta dit Kéké et certains joueurs, Sory avait décidé de quitter l’internat pour ne pas jouer cette finale en 1983.
Paradoxalement c’est Bakary Yachine qui est accusé d’avoir vendu ce match. Que s’était-il passé ? Il fait une révélation sur une autre finale de Coupe du Mali, qui a eu ses ramifications sur celle de 1983. “Tout est parti de cette finale de Coupe du Mali de 1982 entre le Stade malien et l’AS Biton de Ségou. J’ai été accusé d’avoir rencontré la veille du match le dirigeant ségovien, Amary N’Daou. Et que celui-ci m’a remis trois millions pour me corrompre.
Le jour du match au moment de faire le classement, l’entraîneur Mamadou Kéita dit Capi me fit cette révélation sous la forme d’une trahison de l’équipe. Face à tels propos je me suis emporté bruyamment et décidé de rentrer à la maison. Les autres joueurs et plus précisément Issa Bakayoko m’ont demandé de tempérer mes ardeurs, et qu’on en reparlerait après la finale. Malgré tout j’étais excédé, et à 11 h 30, discrètement, j’ai quitté l’internat pour me réfugier chez un ami. Les dirigeants m’ont cherché partout. En vain. Finalement, l’encadrement opte pour le plan B, qui consistait à se rabattre sur Modibo Dix. Malheureusement, l’année suivante, j’ai encaissé un but et la précision est que Müller a joué de la main pour me chiper le ballon. Puisqu’on m’attendait au tournant, les rumeurs de corruption ont refait surface.
Je suis un enfant du Stade, comment je peux trahir ce club pour une somme d’argent qui n’assurera pas mon indépendance durant ma vie?”
Précarité
Alors commencèrent les petites incompréhensions entre Bakary Yachine et certains dirigeants stadistes. C’est ainsi qu’il décide de mettre fin prématurément à sa carrière après le premier doublé du club en juin 1984. Amary N’Daou dont le nom avait été trempé dans cette affaire de corruption tenait aussi à débaucher le joueur. Il ne manqua pas d’astuce pour le convaincre de son engagement, à laver l’affront, la calomnie dont il a été victime. Il demandera le soutien des parents de l’ancien gardien de but des Blancs. Bakary Yachine quitta le Stade malien en 1985 avec un parcours de trois finales de coupes du Mali (1979, 1983, 1984) dont une remportée (1984), un titre de champion (1984), une sélection continue dans l’équipe nationale.
Il a transféré à l’AS Biton où Amary N’Daou lui remit une moto, assurera la prise en charge de sa famille à Bamako et le tout soutenu par un logement et un salaire à Ségou. Il y a passé deux saisons (1985-1987), avant de revenir à l’AS Real sur intervention de son mentor, Seydou Traoré dit Guatigui. Avec les Scorpions, il a mis fin sa carrière au bout de cinq ans (1987-1992), parce que l’âge ne lui permettait plus de faire des détentes.
Bakary Yachine met à profit sa retraite footballistique pour entraîner les gardiens de différents clubs : l’AS Réal, l’ASB, les Onze Créateurs et le Stade malien de Bamako. Cela fait dix ans qu’il a tout arrêté et affirme avoir pris ses distances avec son club de cœur. Parce qu’il a été chassé par un homme dont nous taisons le nom. Comment cela peut-il arriver ? Nous avons tellement insisté que Bakary Yachine finit par nous demander de lui désigner un seul ancien joueur du Stade malien de Bamako, qui est aujourd’hui autour de l’équipe. Et cela pour des raisons qui sont connues de tous.
L’ancien gardien international des Blancs de Bamako, âgé de soixante-quatre ans est marié et père de cinq enfants. Dans la vie il aime le football, la musique, déteste la calomnie pour en avoir été victime ; la fausseté et l’hypocrisie.
O. Roger
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