Démarré en 2015, le Projet de Renforcement de la Résilience des Femmes Productrices et des Communautés Vulnérables aux Changements Climatiques ou Projet Mali Femmes, en forme courte, a déjà fait ses preuves auprès de ces groupes cibles, à savoir les femmes et les communautés vulnérables dans le Mali profond. Avec ce Projet porté par une femme qui est en terrain connu, les populations durement éprouvées par les effets néfastes des changements climatiques, retrouvent l’espoir qui s’était évaporé avec l’assèchement drastique des mares naturelles, jadis des réservoirs de poisson et d’eau par excellence prospérant l’élevage et le maraichage. Le surcreusement de ces réserves d’eau, l’aménagement des périmètres maraichers, la production de nouvelles variétés de semences améliorées et hâtives ou qui résistent mieux aux aléas climatiques, la formation et la sensibilisation ont fait renaitre l’espoir chez les communautés bénéficiaires du Projet Mali Femmes.Le Républicain a rencontré la Coordinatrice Nationale du Projet Mali Femmes, qui s’est prêtée à nos questions, dans son bureau sise à N’Tomikorobougou. En exclusivité !
Le Républicain : Pouvez-vous nous présenter le projet Mali Femmes?
Mme Keïta Aïssata : Le Projet de renforcement de la résilience des femmes productrices et des communautés vulnérables aux changements climatiques ou Projet Mali Femmes, est un Projet de cinq ans, financé par le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) incluant le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) comme agence de mise en œuvre et l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD) comme agence d’exécution du projet. Le projet Mali Femmes comme son nom l’indique a pour but de renforcer la résilience de toutes les parties prenantes aux changements climatiques. Le projet intervient dans 10 communes cibles situées dans les régions de Kayes, Koulikoro et Sikasso.
Quelles sont les zones d’intervention du projet ?
Dans la région de Kayes le Projet Mali Femmes intervient dans les communes de Sero Diamanou, de Bema et de Yéréré. Dans la région de Koulikoro le projet intervient dans les communes de Kiban, Boron et Sagabala. Et dans la région de Sikasso le projet intervient dans les communes de Tella, sikasso-Bougoula Hameau, Yorosso et Sincina- Nampossela.
Parlez nous de la genèse de ce Projet et quelles en sont les parties prenantes ?
Le projet Mali femmes émane de la volonté du Gouvernement de la République du Mali à lutter contre les changements climatiques. Je rappelle que notre pays a signé et ratifié la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques. C’est dans cette optique que le Projet Mali Femmes a été initié avec l’appui des Partenaires techniques et financiers que j’ai précédemment cité : le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui ont bien voulu épauler le Gouvernement du Mali pour faire face aux défis liés aux changements climatiques, qui assaillent les populations cibles dans les régions concernées.
Il a fallu la synergie de plusieurs départements et structures ?
Le projet Mali Femmes incluent plusieurs parties prenantes à savoir un Comité de Pilotage comme organe suprême qui réunit les services techniques de l’Etat, les Mairies cibles, la Société Civile et toutes les personnes ressources idoines susceptibles d’apporter leur concours au projet Mali Femmes. En plus de ce Comité de Pilotage, il y a un Directeur National du projet, qui est le directeur de l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD) non moins l’agence d’exécution du projet. En plus de cela l’équipe de Coordination nationale constituée d’une Coordinatrice Nationale, d’un Expert en suivi évaluation, d’une Assistante Administrative et Financière, d’un personnel subalterne, des points focaux régionaux dans chacune des régions d’intervention du projet. Et à ces points focaux s’ajoutent des Comités Consultatifs Communautaires présidés par les Maires des communes cibles dans le but d’opérer un suivi rapproché de toutes les activités et de toutes les actions entreprises par le projet Mali Femmes.
Les groupes cibles sont-elles uniquement les femmes?
Le projet Mali Femmes est un projet intégré, transversale, genré, holistique et innovant avec comme groupes cibles les femmes productrices et les communautés vulnérables. Et par communautés vulnérables, il faudra entendre les personnes déplacées, des personnes handicapées, des personnes à mobilité réduite, les vieilles personnes dans une posture de vulnérabilité, les jeunes etc. Donc le projet Mali Femmes est au chevet de toutes les couches de la société avec l’emphase sur les femmes productrices.
Les changements climatiques frappent de plein fouet des activités comme l’élevage, l’agriculture, que fait votre projet pour atténuer les difficultés à ce niveau ?
L’élevage est un pan important du projet Mali Femmes dans la mesure où le projet ambitionne de créer des périmètres pastoraux. Je rappelle que dans les communes concernées, il est prévu d’aménager 10 hectares de périmètre pastorale par commune, pour la production fourragère, la culture du niébé sauvage , la paille enrichie, le foin ou même la culture d’autres espèces fourragères qui peuvent booster le secteur de l’élevage dans les différentes communes cibles.
Le maraîchage également est un vaste volet du Projet Mali Femmes. L’extension des périmètres irrigués villageois à travers la réalisation des forages équipés de pompes solaires nous permet de mobiliser les eaux souterraines pour diversifier la production agricole et notamment la production maraîchère. Nous assistons dans ce sens à une chaîne des valeurs, c’est-à-dire du champ à l’assiette qui gravite autour des techniques de culture, de récolte, de conservation, de transformation et de commercialisation des produits maraichers.
Quels sont les objectifs du projet Femmes Mali et dites nous les difficultés rencontrées pour les atteindre ?
Les objectifs du Projet Mali Femmes sont inéluctablement le renforcement de la résilience des groupes de femmes productrices et des communautés vulnérables aux changements climatiques. A cela viennent se greffer des objectifs spécifiques comme la maîtrise des ressources en eau (eaux de pluies, eaux de surface et eaux souterraines), la diversification de la production agricole ou même le développement du leadership féminin dans les communes cibles ainsi que le développement de la micro finance et beaucoup d’activités connexes qui concourent à atteindre l’objectif global qui est de faire de l’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques, une réalité dans notre pays.
Quel est le montant du Projet et rencontrez-vous des difficultés de décaissement, des difficultés pour passer les marchés ?
Le Projet Mali Femmes est un projet de cinq ans d’un montant de 8, 5 millions de dollars, soit environ 5 milliards de FCFA. Pour ce qui est du taux de décaissement, il évolue en fonction de la rapidité ou de la lenteur des procédures de passation des marchés. Le goulot d’étranglement est que le taux de décaissement et procédures de passation des marchés sont intimement liés. Une fois que la procédure de passation des marchés fléchit le taux de décaissement en pâti subséquemment. En effet, nous assistons à la lenteur des procédures de passation des marchés, due à des facteurs internes et externes que nous ne maîtrisons pas forcément. Nous appelons de tous nos vœux que les procédures de passation des marchés puissent être diligentées pour que le taux de décaissement connaisse une hausse reflétant ainsi tous les efforts abattus.
Quels sont les résultats obtenus du démarrage du projet en 2015 à nos jours?
De 2015 à nos jours le projet Mali Femmes a connu plusieurs résultats. Je rappelle que le projet a démarré avec un retard de huit mois, dû à la signature tardive du document du projet. Mais cela ne nous a pas empêché de mener tout un éventail d’activités. A date dix périmètres maraîchers, qui auront coûté la bagatelle de près de 800 millions de nos francs sont en train d’être aménagés. Trois banques de céréales sont construites avec à la clé la constitution du premier stock de denrées pour ces banques de céréales. En plus de cela, la réalisation des micros barrages ont débuté dans la plupart des communes cibles. Les mares également sont en train d’être sur creusées ; les semences améliorées ou hâtives ont été distribuées l’an passé, enregistrant un franc succès dans la plupart des communes. A ces activités s’ajoutent toutes celles de sensibilisation, d’information, de visite d’échanges au niveau national et international que le Projet Mali Femmes a eu à mener.
Propos recueillis par
Sidiki Adama Dembélé et B. Daou
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Kéita Aïssata, une amazone le pied à l’étrier
La Coordinatrice Nationale du Projet Mali Femmes, Mme Keïta Aïssata est titulaire d’une Maîtrise en Droit Public, option Relations Internationales, obtenue à l’Université Mohamed V de Rabat au Maroc en 2006 et d’un DESS en Conseil aux Collectivités, en matière de Politique et de Développement Durable, obtenu à l’Université Paris XIII Villetaneuse en France.
Elle est détentrice d’un certificat de formation avancée sur les changements climatiques « atténuation-adaptation », délivré par l’Agence Suédoise de Développement Internationale, à la suite d’une formation opérée au Mali, en Suède et au Benin. Poursuivant son destin, Mme Kéita Aïssata a suivi beaucoup de formations sur les Changements Climatiques, le Développement Durable, l’Economie de l’Environnement, mais aussi des formations sur les Outils Reflets, le genre et développement, la Théorie du Changement, des formations en Développement Personnel et en gestion axée sur les résultats.
A l’instar des diplômes obtenus, Mme Kéita Aïssata a occupé des fonctions de haute portée, depuis ses premiers pas à l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD), comme chargée des Accords Multilatéraux sur l’Environnement. Ensuite à l’ONG AMEDD (Association Malienne d’Eveil au Développement Durable) comme Coordinatrice d’un projet sur les personnes déplacées internes.
Puis, elle signe son retour à l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable, comme Chef de Section Accords Multilatéraux sur l’Environnement, avant d’occuper le poste hautement mérité de Coordinatrice Nationale du Projet Mali Femmes (Projet de Renforcement de la Résilience des Femmes Productrices et des Communautés Vulnérables aux Changements Climatiques), qu’elle exerce avec abnégation, et de la compassion pour les personnes vulnérables, à l’idée que les effets néfastes des changements climatiques ne sauraient être une fatalité. Mais, il suffit de s’y adapter par le savoir et le savoir faire.
A travers le surcreusement des mares naturelles pour accroitre le stockage de l’eau durant les périodes sèches, la réalisation de périmètres maraichers avec forages équipés de pompes solaires, la production et le stockage des variétés semencières, qui résistent mieux aux aléas climatiques, ainsi que la construction des banques de céréales, la formation et la sensibilisation de toutes les parties prenantes au projet, le Projet Mali Femmes, a fait renaitre l’espoir chez les populations bénéficiaires, en techniques et astuces d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques . Pour ce faire, le défi majeur auquel la Coordinatrice Nationale du Projet Mali Femmes fait face, est de faire des effets dévastateurs des changements climatiques, une opportunité pouraméliorer la qualité de vie des populations rurales.
Daou
Source: Le Républicain