C’est aujourd’hui, la célébration de la journée internationale de la femme. A cette occasion, nous avons rencontré Mme Dembélé Ouleymatou Sow, présidente de la Fédération Nationale des Collectifs d’Organisations Féminines du Mali (FENACOF) Gnièta kura. Dans cette interview exclusive qu’elle nous a accordée, Mme Dembélé Ouleymatou Sow parle des conditions difficiles des femmes, revient sur le sens du 08 mars. Et, n’oublie pas les perspectives politiques au Mali.
Le Pouce : Sous quel angle placez-vous Mme Dembélé Ouleymatou, la célébration de cette journée internationale de la femme ?Mme Dembélé Ouleymatou : La Fenacof a décidé de placer la célébration du 08 Mars 2013, journée internationale de la femme, sous le signe du recueillement, de la prière et des bénédictions pour le Mali, à un moment où le pays à plus que jamais souffert de cette crise stupide.
Le Pouce : Avec la guerre, beaucoup de femmes et de jeunes filles ont subies des exactions. Quelles sont les actions entreprises par la Fenacof à l’endroit de ces femmes, notamment celles qui vivaient dans les régions occupées ?
Mme Dembélé Ouleymatou : La Fenacof est une organisation de masse. Nous avons fait ce que nous pouvons en termes d’appui psychologique, matériel. Les organisations professionnelles par le biais de cliniques juridiques, ont pris en charge les préoccupations des femmes et des filles. Une coalition pour la CPI a vu le jour. Toute cette dynamique a pour finalité une prise en compte des préoccupations et une assistance pérenne. Les femmes ont beaucoup souffert. Les veuves et les orphelins sont nombreux. Nous n’oublions pas les déplacées, les réfugiées.
Le Pouce : Concrètement, qu’elle a été l’implication de la FENACOF dans la gestion de cette crise ?
Mme Dembélé Ouleymatou : Nous venons de créer un fonds centré sur les déplacées. La Fenacof a été approchée par des déplacées avec lesquelles nous avons eues des séances de travail. Les femmes de la Fenacof ont dit qu’elles ne pouvaient pas être insensibles à leur situation. En effet, elles vivent beaucoup de difficultés à Bamako. Elles n’ont pas de travail ici et sont confrontées à des difficultés criardes. Nous sommes à leurs côtés. Depuis le 02 mars, nous avons lancé un fonds qui sera complété par de l’alimentaire, du vestimentaire, du matériel de cuisine. Elles n’ont plus rien du tout et sont, psychologiquement, affectées.
Le Pouce : La Fenacof a-t-elle contribué à l’effort de guerre ?
Mme Dembélé Ouleymatou : Nous avons répondu à l’appel du président de la République par intérim, à celui aussi du ministre de la Promotion de la femme quant au soutien à nos Forces de défense et de sécurité. Nous avons pu collecter la modeste somme de 2 millions FCFA qui a été remise au ministre de l’Economie des finances et du budget le mercredi 06 mars 2013, en guise de contribution des femmes de la Fenacof à l’effort de guerre. Le Mali a besoin de toutes ses filles et de tous ses fils, de tous les acteurs de la vie sociale, pour se relever.
Le Pouce : Que diriez-vous sur la condition féminine ?
Mme Dembélé Ouleymatou : La condition féminine, comme toute dynamique sociale, est évolutive. Je trouve qu’elle a évolué d’une manière ou d’une autre. Aujourd’hui, il y a plus de femmes intellectuelles. On constate une prise de conscience généralisée des femmes. Celles-ci tiennent à jouer leur partition dans la vie publique. Mes sœurs veulent, également, valoriser les diplômes qu’elles détiennent. Si cela est indéniable, par contre, on constate une volonté politique mitigée que nous n’arrivons pas à décrypter. La promotion de la femme évolue en dents de scie. Aujourd’hui, on peut se réjouir avec 20 députées à l’Assemblée et au prochain mandat, ne compter qu’avec sept députées. Cela veut dire qu’il y a un blocage au niveau de la volonté politique. Au niveau aussi des us et coutumes, le culturel pèse sur la femme. Quand on veut nommer une femme au niveau du ministère de la Défense, on dira qu’elle ne peut pas assumes ces fonctions. Il faut reconnaître qu’en ce moment, nombreuses sont les femmes qui peuvent occuper des postes très stratégiques. Beaucoup de préjugés pèsent encore sur la femme. La volonté politique n’est pas au rendez-vous. Les femmes doivent faire montre de plus d’agressivité pour se positionner sur l’échiquier national.
Le Pouce : Les élections sont-elles faisables au mois de juillet 2013, selon vous ?
Mme Dembélé Ouleymatou : Les autorités ont dit que c’est faisable. Elles s’y attèlent à sa faisabilité depuis quelques semaines. La lecture que je fais est que les responsables ne veulent pas s’éterniser au pouvoir. S’ils se sont fixés une date butoir, je pense qu’ils doivent se donner les moyens d’honorer et de réussir leur engagement. J’avoue cependant que la réussite de cet engagement demandera assez de travail, assez de sacrifice. A présent, nous n’avons pas de fichier électoral ; on se demande comment faire voter les déplacés, et, comment sera organisé le retour des réfugiés au moment où la guerre fait rage dans le septentrion malien. Il y a du pain sur la planche pour nos autorités qui, à mon avis, doivent calmer le sud, travailler à la cohésion, la réconciliation des esprits et des cœurs afin d’aller à des élections propres, paisibles et transparentes. Nous autres auteurs de la société civile, doivent accompagner nos autorités dans cette difficile mission dont elles ont l’obligation de réussir.
Le Pouce : Quel rôle peuvent et doivent jouer les femmes dans la réussite des élections à venir ?
Mme Dembélé Ouleymatou : La Fenacof regorge beaucoup d’organisations. En tant qu’organisation de masse, nous devons travailler à relever le niveau du taux de participation aux élections. Nous devons être présentent au moment des observations ; faire de la sensibilisation afin de réussir de bonnes élections.
Le Pouce : Quel commentaire faites-vous sur le thème de cette édition qui s’intitule : « L’élimination et la prévention de toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des petites filles » ?
Mme Dembélé Ouleymatou : Ce thème est le bienvenu. Ces dernières années, les femmes ont été affectées par les crises. Les femmes ne font pas la guerre mais en subissent les conséquences. Les femmes et les enfants sont devenus des enjeux de multiples crises. Les violences à l’endroit de ces couches vulnérables ne s’expliquent pas. Les enfants et les femmes doivent être épargnés. Un thème du genre ne peut que réveiller les consciences par rapport à un tel comportement vis-à-vis des femmes et des enfants. Pour la survie de l’humanité, les femmes méritent protection. Elles sont victimes de viols, de rapts, d’enlèvement. Ce thème est le bienvenu et peut aider à réveiller les consciences. C’est un thème qui aide à sensibiliser. En tant qu’actrices de la société féminine, nous devons faire une large sensibilisation autour de ce thème.
Le Pouce : Un message ?
Mme Dembélé Ouleymatou : Les Maliennes et les Maliens doivent se lever, se donner la main et se pardonner afin de faire face à l’ennemi commun que sont les Djihadistes, les terroristes, les narco- trafiquants et la bataille du sous développement. Les femmes doivent prendre conscience afin de faire face à leur situation. Personne ne fera notre avenir à notre place. Faisons confiance à nos capacités intellectuelles. Les Maliens doivent ceindre les reins et faire preuve d’assez de vaillance. Notre intégrité territoriale est menacée depuis plusieurs mois. Chaque acteur doit jouer à fond sa partition, son rôle de veille et de contrôle citoyen afin que plus jamais les gouvernants ne décident seuls, si ce n’est pas dans le sens d’une gouvernance démocratique. Nous avons besoin aujourd’hui de travailler pour la réalisation d’un Etat fort dans le concert des nations. Il faut des femmes engagées et décidées à prendre en main leurs destinées à travers une bonne gouvernance démocratique qui garantirait la prise en compte de leurs préoccupations. Bonne fête à tous les hommes qui nous assistent et nous conseillent dans nos foyers, et sur les lieux de travail. Il faut que les autorités sachent que les femmes sont engagées pour booster le développement de nos Etats. La Fenacof voudrait que les femmes soient solidaires, debout et qu’elles se donnent la main pour assister les hommes dans leur mission de sécurisation et de défense du territoire nationale. Toute cette implication doit se faire dans une parfaite symbiose et une solidarité agissante. Bonne fête de 08 Mars à nos sœurs et filles déplacées, réfugiées et celles qui souffrent encore. Nous sommes en communion constante avec elles et qu’elles sachent que la libération totale est pour bientôt.
Entretien réalisé par
Tiémoko Traoré