La 12ème édition du forum « Migrances » s’est tenue, hier au Centre Amadou Hampathé Ba. Comme à l’accoutumée, elle a été l’opportunité de débattre de la question de la migration et ses implications. Pour les acteurs de défense des droits des migrants, le phénomène est la conséquence des mauvaises politiques de l’Europe qui veut toujours garder l’Afrique sous sa dépendance.
Depuis 2006, artistes, écrivains ainsi que responsables influentes maliens et d’autres nationalités sont engagés en faveur du respect des droits et de la dignité des migrants, à travers le forum ‘’Migrances’’, un cadre de débats, d’échanges et de réflexion. La journée a été marquée par les interventions de Nathalie Mounier, une écrivaine française, du Pr Issa N’DIAYE, écrivain, Aminata Dramane TRAORE, ancien ministre de la culture et altermondialiste et Diadié DAGNOKO, ancien ambassadeur. La journée a permis également de regrouper plusieurs acteurs intervenant dans le secteur, des victimes de la migration et des personnes ressources.
Aminata Dramane Traoré a d’abord rappelé que l’édition de cette année se tient au lendemain du sommet de Marrakech, pour l’adoption d’un document appelé ‘’Pacte sur la migration’’. Selon l’altermondialiste, ce sommet, sur lequel reposait l’espoir pour baliser le chemin qui garantirait la sécurité des migrants, «ne satisfait personne», car c’est un pacte non contraignant, a-t-elle précisé.
«Les pays du nord, qui se sentent envahis par des demandeurs d’emplois, ne veulent pas qu’apparaissent des pactes qui puissent les obliger à recevoir des migrants. Ces pays dits dominants ne peuvent pas être contraints pour le climat et la migration. On voit les solutions, mais personne n’ose les nommer», a regretté Aminata Dramane Traoré.
Quant à Nathalie Mounier, elle a focalisé son intervention sur la nouvelle loi française qui va durcir les conditions de vie et d’entrée des migrants en France. Ce texte, attendu pour entrer en vigueur dès l’année prochaine, viole le droit international public qui garantit le droit d’aller et de venir de tout citoyen. Ainsi, ce texte est «liberticide» et encouragerait la maltraitance des migrants dans un pays reconnu pour le respect des droits de l’homme. Très remontée contre la volonté de son pays, à durcir les conditions de séjour en France, elle pense que de milliers de morts de la méditerranée, au désert, sont les conséquences de la mauvaise gestion de la question migratoire par les élites politiques. «Les politiques tuent plus que les vents, les murs et les mers», condamne Nathalie Mounier, parce que ces morts surviennent lorsque les migrants tentent d’éviter des contraintes.
«Il faut décoloniser l’avenir. Nous avons le défi de réunir les conditions afin de prendre les alternatives pour permettre aux migrants de rester sur place, sans nier la possibilité de pouvoir bouger, se déplacer», suggère-t-elle.
Pour sa part, le Pr Issa N’DIAYE assure que le nouveau système de gestion du monde a été fait sans prendre en compte la migration. «L’Afrique n’est pas prévue dans leur système. L’Afrique ne peut pas s’insérer dans leur système. Pas que seulement l’Afrique, mais tous ceux qui ont de faible revenus», regrette Issa N’DIAYE, auteur de plusieurs livres.
Le philosophe malien souligne par ailleurs que le phénomène migratoire est accentué en Afrique parce que le continent a été pillé par les pays dits ‘’grands’’. Toutes les stratégies militaires et économiques ont été mises en place pour appauvrir le continent. Outre ces faits, au nom de la mondialisation, ils ont aussi changé notre système et modèle de production et de consommation.
«Les jeunes ne peuvent pas rester au village et dans nos villes, parce qu’il n’y a rien. Et il faut changer ces politiques qui nous amènent la misère. Il faut rompre avec le système importé de l’Europe», suggère M. N’DIAYE, qui ajoute que les responsables doivent oser prendre en main leur destinée. L’Afrique ne doit attendre rien de l’Europe parce qu’elle n’a pas d’alternative.
Auparavant, Issa N’DIAYE avait déploré le comportement de certains pays contre des migrants, notamment la Libye, la Tunisie, le Maroc. Ces Etats africains maltraitent plus les migrants que les pays européens. Ces faits mettent en mal l’esprit de la solidarité entre pays du même continent, estime-t-il.
Quant à l’Ambassadeur DAGNOKO, il pense que l’esprit du panafricanisme peut être un moyen de réduire considérablement le nombre élevé des jeunes qui migrent vers l’Europe. A l’instar de Issa N’DIAYE, il a donné des exemples prouvant que le système a été planifié afin que l’Afrique soit dépendante de l’Europe.
La rencontre a été marquée également par des témoignages des victimes de la migration ainisi que des personnes ressources.
Par Sikou BAH
Source: info-matin.