Après les maitres coraniques et les décideurs nationaux le 8 janvier dernier, la Coalition malienne des droits de l’enfant (COMADE) a rencontré jeudi au gouvernorat les maires, les chefs de quartier et les leaders religieux des 6 communes de Bamako pour discuter avec eux du phénomène de la mendicité des élèves coraniques dans la capitale. L’ouverture des travaux de la journée d’information et d’échanges sur les activités du Projet d’appui à la lutte contre l’exploitation économique des enfants par la mendicité (PALUCEM) de la COMADE était présidée par le directeur national adjoint du développement social, Ibrahima Abba. C’était en présence du président de la COMADE, Amadou Bocar Téguété.
Par définition, la mendicité est un appel à la charité publique en vue de se procurer des ressources ou des moyens de subsistance. Celle des élèves coraniques a été instituée et vulgarisée sous la « Diina » du fondateur de l’empire peulh théocratique du Macina, Sékou Amadou Barry, à partir de 1818. Cette pratique visait à cultiver, chez les Peulhs, l’humilité et le respect de leurs maîtres afin de recevoir d’eux une bonne formation. Les enfants « talibés » étaient confiés par leurs parents à un maître chargé de leur apprendre à lire et à mémoriser les versets du Saint Coran tout en favorisant leur éducation islamique. En contrepartie, les communautés offraient partout au maître le gîte, le couvert et les talibés recevaient des familles différentes provisions.
De nos jours, la mendicité a pris une autre tournure. Elle est pratiquée n’importe où, n’importe comment et n’importe quand, par les non talibés, les enfants, les vieilles personnes et les femmes par l’entremise de faux jumeaux ou de jumeaux qui ne grandissent jamais.
Créé en novembre 2014 suite une volonté commune scellée entre le ministre de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du Nord et la COMADE, le PALUCEM est un projet de proximité exécuté dans les quartiers. Il entend réduire de 90% la mendicité des enfants sur la voie publique, mettre fin à l’exploitation économique des enfants par le biais de la mendicité, des maitres coraniques, arrêter l’exposition à des fins de charité publique des bébés et des enfants jumeaux sur la voie publique.
Le projet prévoit d’insérer les enfants mendiants dans des apprentissages ou des activités d’utilité publique, d’assurer un appui technique, matériel et financier aux maitres coraniques, de mener une large campagne de sensibilisation et de médiatisation sur le phénomène de la mendicité. Il entend également fournir une alimentation saine et équilibrée aux élèves coraniques mendiants, leur assurer l’accès à des soins de santé, mettre à leur disposition des moyens didactiques, leur garantir un enseignement de qualité et leurs procurer une protection contre les intempéries et un abri décent.
Le projet ambitionne aussi de fournir un accompagnement technique et financier aux enfants mendiants, leur apprendre un métier, les aider à exécuter des activités d’utilité publique dans les communautés afin que leur afflux dans la ville soit freiné. Le projet souhaite une adhésion effective à son initiative, son accompagnement dans toutes ses étapes, la coopération avec les maîtres coraniques, leurs circonscriptions, la fourniture d’éléments permettant le succès des opérations par les maires, les chefs de quartiers et les leaders religieux. L’objectif final du PALUCEM est de mettre fin à la mendicité des élèves coraniques. Son approche est communale, régionale, globale et inclusive.
« Notre préoccupation commune est la lutte contre la mendicité des enfants en général dans ses pires formes pour les élèves coraniques en particulier. Le spectacle dégradant d’enfants mal vêtus sans chaussures, occupant les voies et les places publiques, se faufilant entre et derrière les véhicules à la recherche d’argent, nous interpelle tous, parents, éducateurs, responsables administratifs, communautaires et religieux. L’éradication du phénomène passe par l’amélioration des conditions d’existence et d’étude des talibés et des maitres coraniques auxquels ils sont affiliés. Elle nécessite une conjugaison et une synergie de nos actions dans nos communes et quartiers. La disponibilité de la COMADE à accompagner le ministère de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du Nord et notre appui aux maitres coraniques ne feront pas défaut », a assuré Amadou Bocar Téguété.
Selon les dernières statistiques de l’Association malienne des écoles coraniques de Bamako, notre capitale compterait 12.000 élèves coraniques encadrés par plus de 2.000 maitres dans plus de 1.000 écoles coraniques.
S.Y. WAGUE
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SOURCE : ESSOR