Selon le directeur de la pharmacie et du médicament, le processus d’approvisionnement, d’achat et de distribution accuse actuellement un retard. Ce qui perturbe le système
À l’instar de plusieurs pays, le Mali est aussi confronté à la pandémie de Covid-19. Après l’annonce des premiers cas, le 25 mars dernier, le gouvernement a pris certaines mesures pour éviter une éventuelle flambée de la maladie. Parmi ces mesures, figure la fermeture des frontières aériennes et terrestres qui semble avoir eu une répercussion sur l’accès aux médicaments. Pour avoir le cœur net, nous avons approché des experts du médicament, les pharmaciens naturellement.
Au niveau de la direction de la pharmacie et du médicament (DPM), on admet quelques soucis. Le directeur général de l’établissement, Dr Yaya Coulibaly, enseignant chercheur à l’Université des sciences et techniques de Bamako, confirme qu’il y a un retard dans la livraison des produits. Selon lui, notre pays ne dispose pas d’industries pharmaceutiques en quantité suffisante pour fabriquer des médicaments. « Nous avons une ou deux industries de production. Tout le reste des médicaments provient de l’extérieur, soit de la sous-région ou hors du continent. Même les rares cargos qui viennent livrer ne peuvent compenser le gap», explique-t-il.
Le directeur de la pharmacie et du médicament indique que le processus d’approvisionnement, d’achat et de distribution accuse actuellement un retard. Ce qui perturbe le système d’approvisionnement et de distribution. Mais, il reconnaît que l’intervention des partenaires nationaux et internationaux est une bouffée d’oxygène. En effet, ceux-ci apportent des intrants, kits, tests, gants, etc. C’est ce qui a permis de faire face à certains besoins. Dr Yaya Coulibaly préconise la mise en place d’un dispositif particulier dans les sites de prise en charge.
NORMES INTERNATIONALES- Concernant le contrôle et la sécurité des médicaments achetés ou donnés, le chef de la DPM dira que le médicament avant d’être consommé suit tout un processus, notamment une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par une commission. Quand le médicament arrive, il est enregistré. Les frais qui sont payés à la comptabilité de la DMP sont reversés au Trésor public. La commission, composée d’une équipe hétéroclite, étudie les dossiers pendant 8 jours et procède à une analyse par rapport aux normes internationales. Elle consacre deux jours à la plénière pour discuter des molécules. C’est à la suite de ces discussions que la commission établit une liste de molécules retenues, celles qui sont en instance ou rejetées avec des raisons bien définies.
La molécule acceptée est donc envoyée au Laboratoire national de santé (LNS) pour des analyses de qualité. Une fois que c’est fait, le prix est négocié et la molécule est versée dans le circuit. Mais le patron de la DPM rappelle aussi un contrôle post marketing pour vérifier que le médicament envoyé pour la deuxième fois est identique à celui de la première fois. Il confie que sans cette vigilance, le fabricant peut envoyer un médicament «surdosé» ou différent de l’échantillon déjà contrôlé. En clair, le contrôle post marketing garde toute son importance.
Malheureusement, Dr Yaya Coulibaly déplore le fait qu’il ne soit pas systématique dans notre pays. Selon lui, c’est un contrôle qui doit se faire dès l’entrée du médicament et après sa mise en circulation par le LNS, les services des douanes et ceux du commerce et de la concurrence. Il faut juste prendre un échantillon et vérifier. Ceci permet de s’assurer que le produit qui a été enregistré au départ, conformément aux normes, est effectivement sur le marché. Par contre, pour les donations, on ne fait pas tout le circuit. On se limite seulement au contrôle qualité et ensuite à l’autorisation du ministre en charge de la Santé.
COMMUNIQUER EN TEMPS RÉEL- Pour ce qui est de la Covid-19, Dr Coulibaly indique que le département en charge de la Santé et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont mis en place un dispositif permettant de communiquer sur la situation en temps réel et de gérer les stocks.
En plus, la DPM possède des magasins de stockage et de distribution qui répondent aux normes édictées. Pour la gestion des médicaments de la Covid-19, notre interlocuteur explique qu’au début il n’y avait pas de plan de répartition. Il justifie par le fait que le coronavirus est une maladie méconnue et qui reste à explorer.
«Alors que pour un plan de répartition, il faut connaître la maladie, son ampleur et les besoins, souligne-t-il. Au départ, on avait beaucoup de difficultés et la répartition se faisait en fonction des besoins».
D’après lui, actuellement ce n’est plus le cas, un plan de répartition est proposé et validé par le cabinet du ministère de la Santé et des Affaires sociales. Les bénéficiaires sont les hôpitaux, le personnel des structures de santé, la société civile et les sites de prises en charge, etc. La manne est élargie aux autres citoyens avec le programme présidentiel «un Malien, un masque».
Pour faire face à la Covid-19, le patron de la DPM révèle que nous avons un stock nécessaire mais pas suffisant. Pour des intrants comme les gants et masques, on ne risque pas de sitôt une rupture. Par contre, le besoin est criard en termes de protection individuelle ou de casaques. Dr Coulibaly rappelle qu’il n’y a pas encore de médicament approprié contre le coronavirus. Mais des essais cliniques sont en cours. Certains ont laissé entrevoir un espoir avec l’hydroxychloroquine et l’azithromycine qui sont actuellement administrés aux patients Covid-19.
À l’Hôpital du Mali, le chef de service de la pharmacie, Dr Bengaly Aminata Tiéba Traoré, indique que l’accès aux médicaments est conditionné aux besoins. La requête est acheminée au ministère de la Santé avec ampliation à la Pharmacie populaire du Mali (PPM) et à la DPM.
Dans l’organisation interne mise en place par le département, la DPM a la responsabilité d’approvisionner les structures sanitaires en fonction de leurs besoins. Elle explique que bien de difficultés ont été aplanies et que la DPM assure bien l’approvisionnement. Mais un bémol, c’est que, selon notre interlocutrice, tous les besoins ne sont pas satisfaits. L’Hôpital du Mali prend les dispositions nécessaires pour ramener les médicaments qui lui sont destinés dans des meilleures conditions sanitaires. La patronne de la pharmacie hospitalière s’inscrit en faux contre toutes allégations se rapportant à un accès difficile aux médicaments dans son établissement.
À l’Hôpital du Mali, le médicament est donné individuellement à chaque patient Covid-19 avec un système de suivi. Au départ, les médicaments étaient mis globalement dans un seul sachet. Mais cette technique ne permettait pas de faire un bon suivi.
L’hôpital a dû procéder à un étiquetage avec le nom, l’âge et la salle du malade. Ce qui permet de faire un suivi régulier et d’avoir des résultats. Le taux de guérison atteste que les médicaments sont donnés régulièrement. Dr Garan Dabo, chef du centre de prise en charge de la Covid-19 à l’Hôpital du Mali, est en contact direct avec les patients de la Covid-19. L’infectiologue confirme la disponibilité des médicaments pour les malades. Le phosphate de chloroquine est donné pendant 10 jours et dosé à 500mg toutes les 12 heures. L’azithromycine 500 mg le 1er jour et 250mg du 2è au 5ème jour. Et la vitamine C est administrée deux fois pendant 5 jours.
Dr Loséni Bengaly est le chef du service de la pharmacie hospitalière à l’hôpital Gabriel Touré. Connu pour son franc-parler, il évoque des difficultés dans l’approvisionnement pour certaines molécules. Il pointe du doigt les fournisseurs qui ne respectent pas leurs engagements. «Depuis février, nous avons lancé une commande qui a été livrée seulement la semaine dernière», confie-t-il. Pour les produits anesthésiques, le sens de l’anticipation a prévalu. Le pharmacien de Gabriel Touré déplore également une augmentation des prix des médicaments à l’achat chez les particuliers. La PPM est le partenaire idéel mais ne peut pas tout fournir. Les traitements standard sont donnés par la DPM et il n’y a pas de rupture.
Mais, il y a un souci avec les masques FFP2 et KN95 qui sont portés par le personnel pour des besoins de soins. Ce problème peut être géré avec les privés qui répugnent la lourdeur administrative dans le règlement de leurs factures. Dr Bengaly invite à une révision de la copie à ce niveau parce que cela représente un vrai casse-tête dans l’approvisionnement en produits pharmaceutiques. «On est soumis au code des marchés publics, mais on ne tient pas compte des spécificités du médicament et la procédure est assez longue», commente le pharmacien.
Boubacar Koreissi, pharmacien d’officine à Banconi, estime que la Covid-19 n’a pas forcément impacté l’accès aux médicaments. Pour lui, «les médicaments sont disponibles à 90% ». Mais puisque les malades ne se bousculent plus aux portillons des centres de santé, les pharmacies souffrent de cette situation.
Fatoumata NAPHO
Source: Journal l’Essor- Mali