Certes, le gouvernement malien n’a pas jusque là exprimé de manière expresse une rupture définitive de la médiation burkinabé, mais le cours des actes sur le terrain et certaines déclarations gouvernementales laissent comprendre que le médiateur désigné de la Cedeao a bien perdu la main dans le dossier malien.
Blaise Compaoré
Ce scénario que des observateurs avisés de la médiation dans la crise malienne soupçonnent depuis un certain temps est vraisemblablement en train de se préciser. La signature, le 18 juin 2013, dans la capitale burkinabé, de l’Accord préliminaire à l’élection du président de la République signé entre le gouvernement et les groupes armés rebelles, pourrait bien être le terme du leadership de Ouagadougou dans la facilitation des discussions inter-maliennes. Et il n’en fallait pas plus qu’une déclaration récente du ministre malien en charge de la Réconciliation nationale pour se convaincre de la volonté des autorités de notre pays de tourner la page de la médiation du Faso.
Au cours d’une conférence de presse qu’il a animée le 11 février dernier, au sujet de récents massacres à Tamkoutat, en 7ème région, Cheick Oumar Diarrah a tenu des propos qui, de l’avis d’observateurs, traduisent toute la réserve que le Gouvernement malien nourrit vis-à-vis de la médiation Burkinabé. Invité à se prononcer sur l’architecture de la médiation, le ministre Diarrah a en effet donné une réponse qui ne souffre d’aucune espèce d’ambigüité. Après avoir rappelé que Bamako a demandé au Gouvernement algérien de mener un travail exploratoire pour permettre la mise en cohérence des points de vue des différents protagonistes, il a indiqué : «La Cedeao avait commis le Burkina. Donc, nous n’avons pas été impliqués dans cette décision».
Ces propos viennent ainsi corroborer ceux que le ministre malien des affaires étrangères a récemment tenus en marge du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, tenu le 31 janvier 2014 à Addis-Abeba. A la faveur d’une conférence de presse, Zahabi Ould Sidy Mohamed a estimé que le Burkina Faso n’avait pas à s’offusquer si le Mali se tourne vers un autre pays, car «on est médiateur quand on est sollicité». Nul n’est pourtant besoin de rappeler que les deux membres s’inscrivent dans une voie qui a été tracée par le président Ibrahim Boubacar Keïta qui, dès son élection, a opté pour l’affirmation de la souveraineté de notre pays dans ce dossier. C’est ainsi dire que même si le gouvernement malien dit tendre la main à toutes les initiatives qui peuvent l’aider à tirer le pays de cette crise actuelle, toutefois ces déclarations gouvernementales sous-entendent que le glas de la médiation burkinabé a bien été sonné. D’ailleurs, le pays des hommes intègres ne devrait plus se faire assez d’illusions après que les autorités maliennes lui aient préféré le grand voisin algérien pour mener des actions préparatoires aux discussions entre les différents protagonistes, comme a eu à le rappeler le ministre de la Réconciliation nationale. De l’avis d’observateurs avisés de la situation sécuritaire de notre pays, l’Algérie doit sa sollicitation non seulement à son poids dans la région, mais surtout à sa parfaite maîtrise du dossier malien, pour avoir pris une part active dans le règlement des différentes rébellions qui ont éclaté dans le nord du Mali depuis les années soixante.
En effet, à la seule exception du Pacte national de 1992, tous les accords qui ont été signés jusque là entre les groupes armés et le gouvernement malien l’ont été sous la conduite du pays d’Abel Aziz Bouteflika. Pour ces raisons, parmi d’autres, les autorités maliennes ont donc logiquement choisi de se défaire du joug d’un médiateur pour le choix duquel il n’aurait pas été consulté. Autre fait qui fragilise davantage Ouagadougou, c’est que sa médiation ne semble plus bénéficier d’une grande faveur des groupes armés rebelles, désormais partagés entre les pistes de l’Algérie et du Royaume Chérifien. Mais, d’autres observateurs, tout en évoquant la possibilité d’inclure un second médiateur, telle que l’Algérie, estime qu’il est louable de laisser Blaise Compaoré garder la main dans le dossier malien. Ils argumentent leur position par le fait que le Président du Faso est parvenu à un «excellent résultat», faisant ainsi allusion à l’accord préliminaire signé le 18 juin 2013, à Ouagadougou et qui a permis la tenue de l’élection du président de la République en juillet-août dernier.
Quoiqu’il en soit, il faut reconnaître que la médiation burkinabé à toujours été diversement appréciée par les Maliens, d’aucuns allant jusqu’à remettre en cause la partialité de ce pays dans le dossier malien. Mais, s’il est vrai que le Mali est libre de se tourner vers le médiateur qu’il entend impliquer dans son dossier surtout qu’il dit n’avoir pas été associé au choix du médiateur de l’organisation sous-régionale, ne serait-ce pas jeter le bébé avec l’eau du bain en tournant le dos de façon hâtive à Ouagadougou ? Certes l’Algérie a été d’un apport inestimable dans les règlements des rébellions récurrentes qui ont secoué le nord de notre pays, mais force est de remarquer que les différents accords qu’elle a contribué à faire signer par les protagonistes n’ont pas suffi à résoudre le problème du nord de façon définitive.
Bakary SOGODOGO