Ces propos sont de Harouna Toureh, à Gao, à son retour de Kidal, au cours d’une réunion tenue chez Ali Badi ce mercredi 18 septembre 2019
“Nos éléments du Gatia à Kidal, véritable fief de ce mouvement, qui ont perdu beaucoup de proches, comme Haballa Ag Hamzata que vous voyez, qui a perdu des membres de sa famille et de son clan, pas le Gatia du Gourma ou d’ailleurs, pas ces gens dont vous entendez parler. C’est donc avec ces éléments du Gatia de Kidal que nous avons rencontré et discuté avec la CMA.
Nous avons vu à Kidal des choses que nous n’avons vues nulle part ailleurs , où on ne vole ni un vélo, ni un mouton. Kidal a une prison, bien que tout le monde dit que Kidal ne fait pas partie du Mali. La prison compte 49 détenus qui sont jugés par qui ? Par les cadis, qui jugent, condamnent et appliquent leur verdict.
Il n’y a pas longtemps, 50 personnes ont été libérées de prison à la veille de la fête d’achoura graciées,certaines après un an de détention, d’autres six mois, et d’autres encore un ou deux ans.
Kidal est entièrement sous leur autorité, dans la paix et la quiétude, bien que les gens disent que Kidal ne fait plus partie du Mali.
Quant à Gao, vous savez ce qui s’y passe mieux que moi, vous y êtes plus présents que moi.
Nous nous sommes dit que l’Accord ayant été signé depuis 2015 sans apporter aucun bienfait; la mise en place des autorités intérimaires n’a pas résolu les problèmes que vous connaissez; les promesses faites par des Blancs n’ont pas été tenues, dont la paix et la libre circulation des personnes; le développement tarde encore à venir ; l’Accord que nous avons signé avec la CMA sur lequel était fondé l’espoir ne s’applique pas. Et nous sommes abandonnés au profit de gens à Bamako dont les seules doléances sont satisfaites. Or, à Gao, Ménaka, Taoudénit, Tombouctou et Kidal, même deux pour cent des promesses n’ont pas été tenues.
Nous nous étions affrontés, causant des morts; mais nous avons compris que ceux qui nous incitaient au conflit à l’époque sont les mêmes qui aujourd’hui cherchent à nous opposer les uns aux autres.
C’est comme à Mopti où des gens se déguisent en Peuls pour tuer des Dogons et provoquer des affrontements, et des gens se déguisent en Dogons pour tuer des Peuls afin d’entretenir le conflit.
Vous savez ce qui s’est passé à Gao, Bourem, Tombouctou, qui a failli provoquer une guerre interethnique, mais cela a été empêché. Nous saluons pour cela les membres du Cadre de concertation et les leaders religieux.
Nous sommes avec nos Tamacheq et nos Arabes, nous nous sommes entendus, nous faisons face à l’Etat, et nous sommes seuls à pouvoir le faire. Nous avons dit à l’Etat qu’il est satanique, que c’est lui qui crée le conflit entre les gens.
Nous nous sommes entendus avec la CMA pour mettre ensemble nos moyens et nos idées afin de nous inspirer de ce qu’ils ont fait pour ramener la paix chez eux. Quand je dis la CMA, vous comprenez ce que je veux dire.
Il n’est pas concevable que les 14 000 hommes que les Blancs nous ont envoyés ne puissent empêcher le vol des animaux, des vélos, les meurtres ici à Gao.
Soyez prêts; on avance. Nous allons nous lever, sans peur. La paix que vous cherchez, nous la cherchonxs ensemble. Nous nous levons pour dire à l’Etat, face à face, que nous sommes résolus à changer les choses. Nous n’acceptons plus d’être traités comme des Maliens de seconde zone.
C’est de ça que nous avons souffert à Bamako, nous les cadres du Nord. C’est moi avec Sambel, Malik Alhousseyni, Ousmane Issoufi, qui avons mis dans l’accord la représentation des Nordistes dans les institutions comme la Cour constitutionnelle où nous n’avons personne alors que c’est elle qui valide l’élection présidentielle, on est peu nombreux dans l’armée, entre autres. C’est ainsi que nous avons demandé un Sénat constitué par des notables et des leaders communautaires. A Alger nous avons aussi réclamé que le Mali institue un poste de vice-président occupé par un Nordiste, où le pouvoir est exercé par rotation entre le Nord et le Sud. Cette révendication, nous l’avons réitérée hier lors de notre rencontre avec la CMA, à Kidal.”
Discours de Harouna Toureh traduit et transcrit le 19 septembre 2019.