Le mariage précoce, encore pratiqué dans plusieurs communautés du Mali, suscite de vifs débats dans la société malienne. Tradition, religion, santé et psychologie s’affrontent ou se complètent dans les discours. À travers cet article, nous avons recueilli les avis croisés de diverses personnalités. D’un imam, des citoyens lambda, d’un gynécologue ou encore d’un psychologue, nous avons tendu notre micro un peu partout pour mieux comprendre les enjeux de cette pratique aussi ancestrale que redoutable.
Selon l’imam Cheick Ibrahim Diallo, la religion musulmane autorise le mariage dès que les deux parties sont en âge de comprendre leurs responsabilités. « L’islam ne fixe pas un âge précis pour le mariage, mais il insiste sur la maturité physique et mentale des mariés. Malheureusement, certains marient leurs filles trop tôt, sans les préparer à la vie conjugale. Cela va à l’encontre de l’esprit même de l’islam, qui prône la protection, l’éducation et le respect de la femme. Le mariage est permis, mais pas au détriment de la dignité », insiste l’imam.
Chez les citoyens, le débat est loin d’être tranché. Entre préservation des traditions et besoin de changement, les avis sont partagés. Mme Fatoumata Niambélé, 42 ans et vendeuse au marché de Sabalibougou. Elle estime que cela fait partie de la culture. « Moi-même, j’ai été mariée à 15 ans. C’était comme ça à l’époque. On ne parlait pas d’école. Aujourd’hui, les choses ont changé. Mais dans les villages, ça continue », souligne-t-elle.
Ousmane Coulibaly, étudiant, pense autrement : « Le mariage précoce est une violence déguisée. On prive la fille de ses droits, surtout celui à l’éducation. Les parents ignorent l’avis des jeunes sur ce sujet. Or, c’est notre avenir qui est en jeu », dit-il. Aminata Mariko, jeune diplômée, ajoute : « Quand on force une fille à se marier à 13 ou 14 ans, on tue ses rêves. Elle n’est même pas prête pour élever un enfant, encore moins pour gérer un foyer ».
« Les risques médicaux sont graves… »
Chez les spécialistes de la santé, on estime que le risque sur la vie de la mariée est grand. De l’avis de Dr Mariam Konaté, gynécologue, les conséquences médicales sont grandes. « Le corps d’une jeune fille n’est pas prêt pour supporter une grossesse trop tôt. Cela peut entraîner des complications graves comme la fistule obstétricale ou des accouchements à haut risque. Les risques de fistules obstétricales, d’hémorragies ou de décès en couche sont très élevés. Le mariage précoce met la santé de la fille en danger, sans parler de son développement psychologique ». Il dira surtout que ces filles vivent des traumatismes durables.
Moussa Camara, un psychologue et spécialiste des violences basées sur le genre, explique qu’une fille mariée trop tôt est souvent soumise, isolée, et exposée à des violences sexuelles et psychologiques. « Elle n’a pas la maturité émotionnelle pour faire face à la vie de couple et cela peut entraîner des traumatismes profonds : anxiété, dépression, sentiment de rejet », avance-t-il, avant d’ajoute que ces impacts affectent aussi l’estime de soi et la capacité à se projeter dans l’avenir.
Le mariage précoce, bien que parfois justifié par des arguments culturels, religieux ou même économiques, est aujourd’hui de plus en plus remis en question. Qu’il s’agisse de la santé, de la religion ou du développement personnel, la tendance générale appelle à un changement de mentalité. Une sensibilisation accrue, accompagnée de mesures légales fermes, est indispensable pour protéger les droits des filles et leur garantir un avenir digne et librement choisi.
Maïmouna Fakaba Sissoko, stagiaire
Source : Ziré
