A terme le 30 juin prochain après une prorogation de six mois par loi organique (loi n°2018-067 du 6 décembre 2018) votée et promulguée suite à un avis favorable de la Cour constitutionnelle (avis n°2018-02/CCM du 12 octobre 2018), le mandat des députés va s’étendre jusqu’en mai 2020.
Après une large consultation de plusieurs acteurs sociopolitiques, le gouvernement a pris l’option de soumettre un projet de loi organique afin de proroger à nouveau le mandat jusqu’en 2019.
En organisant des consultations, le gouvernement voulait non seulement recueillir les avis et préoccupations des différents acteurs, mais également discuter les implications des différentes options politiques pouvant être considérées et éviter au pays de tomber dans un vide institutionnel.
Dans cette démarche, on peut constater que le gouvernement ne s’attendait point à bâtir l’unanimité autour d’une option donnée. Par ailleurs, les autorités avaient la ferme conviction que les différences de point de vue et les dissensions, l’acceptation, le refus ou l’opposition constituent tout autant le levain de la démocratie. Surtout qu’en 2018, la première prorogation a fait l’objet d’une polémique regrettable, mais le gouvernement a préféré cependant cette option.
L’esprit de l’article 61
“Même lorsqu’on n’est pas d’accord avec l’avis n°2018-02, l’on conviendra que désormais, la loi organique susmentionnée est entrée dans l’ordre normatif de notre pays et fait désormais partie du bloc de constitutionalité”, nous confie un observateur.
Désormais, explique notre interlocuteur, “elle a établi une possibilité qui semblait fermée puisque l’article 61 de la Constitution dispose que les députés sont élus pour 5 ans au suffrage universel, et ne va pas plus loin ; ce qui a fait dire à beaucoup d’observateurs que la prorogation est anticonstitutionnelle”.
Mieux, il s’avère également que la Constitution n’est pas un corps de normes figées, elle est une pratique et cette pratique est justement incarnée dans la possibilité ouverte de consulter la Cour constitutionnelle qui est “l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics”, selon l’article 85, al. 2 de la Constitution.
Face à la situation et l’absence d’une Assemblée, une des solutions qui s’offrent est l’utilisation d’ordonnances pour gérer les matières qui relèvent normalement du domaine de la loi. “L’article 29 de la Constitution qui dit que le président de la République veille au fonctionnement des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat ouvre bien cette possibilité au président de la République. Contrairement à ce que certains pensent, une telle pratique n’est pas assujettie à une loi d’habilitation par l’Assemblée nationale. La loi d’habilitation est pratiquée dans un tout autre contexte”, renchérit notre spécialiste. Or, dans le contexte politique actuel, plutôt polarisé, la pratique des ordonnances risque de soulever de nouveaux problèmes.
Une autre institution ne résout pas le problème
De la proposition d’une autre institution à la place de l’Assemblée nationale proposée par certains comporte sans risque de se tromper de gros risques. “Certains acteurs militent pour la mise en place d’une Assemblée constituante qui est en fait une institution collégiale, détenant un pouvoir lui permettant de rédiger, adopter et réviser une Constitution. La mise en place d’une Assemblée constituante dépend des circonstances d’un pays”, analyse notre source.
Plus explicite, il énumère les deux conditions à cet effet : premièrement, lorsqu’un Etat nouveau naît, on met en place une Assemblée constituante pour élaborer une nouvelle Constitution ou encore à la suite d’un renversement de pouvoir par coup d’Etat militaire ou une insurrection populaire. En deuxième lieu, on peut mettre en place une Assemblée constituante lorsque le pouvoir constituant intervient pour réviser une Constitution. “Nous ne sommes dans aucun de ces scénarii politiques et le Mali n’est pas en train d’aller à une transition politique. La Constitution, en son article 118, a fixé les règles de révision de la Constitution. Au besoin, le gouvernement peut recourir à l’article 41 de la Constitution et le président peut recourir à l’article 50 ouvrant la voie à l’exercice de pouvoirs exceptionnels”, clarifie-il en substance.
Le contexte de dialogue politique
Certes, il est de notoriété publique que le gouvernement veut voir la Constitution de 1992 révisée mais il aura besoin d’une législature en place pendant que le dialogue politique est en cours. “Le rôle de la législature n’est pas seulement le vote d’une loi de révision de la Constitution. Certains acteurs donnent l’exemple de 1968 quand l’Assemblée nationale a été remplacée par une sorte de délégation parlementaire. Cet exemple n’a pas suffisamment prospéré pour nous donner des leçons dont nous pourrions nous inspirer aujourd’hui, le coup d’Etat militaire de novembre 1968 a vite mis fin à cette trouvaille politique de l’époque”, fait remarquer un autre analyste.
Dans le contexte actuel, il est évident qu’en voulant remplacer l’Assemblée nationale par une autre institution ne résout nullement le problème de la légitimité évoquée par certains. “A moins qu’on veuille remplacer une structure perçue comme illégitime par une autre structure dont les membres seront choisis arbitrairement sur la base de critères subjectifs, sans aucun fondement légal. On ne résout pas un problème en créant un nouveau ou plusieurs nouveaux problèmes. A défaut d’un fondement ‘légitime’, nous avons au moins un fondement légal pour la prorogation de l’actuelle législature”, argumente-il face à la polémique.
Des raisons objectives qui ont motivé la décision du gouvernement de proroger le mandat des députés. “L’Assemblée nationale actuelle devra être remplacée par une autre législature dûment élue suivant les lois que nous nous sommes donnés ou que nous nous donnerons au sortir du dialogue politique. C’est seulement ainsi que nous allons résoudre le dilemme de légitimité. Il en va de même pour toutes les institutions et toutes les autorités dont les mandats sont arrivées à terme depuis bien longtemps mais qui n’ont pas été renouvelés”, clame un ancien député.
Le dialogue politique a déjà démarré avec la nomination des personnalités qui devraient le conduire. Par ce dialogue, de manière démocratique, les acteurs sociopolitiques vont débattre de tous les problèmes brûlants de l’heure, notamment la crise institutionnelle latente. Au même moment, un chronogramme électoral sera soumis au dialogue politique.
La finalité recherchée par le gouvernement, une fois qu’il est validé, des moyens nécessaires seront engagés pour la tenue de toutes les consultations électorales qui s’imposent avant la fin de l’année 2019. Dans la même logique, il sera complété le cycle électoral.