Reconnu pour son franc-parler soutenu par des idées brillantes, Mamadou Igor Diarra, à qui l’on prête l’intention de briguer la magistrature suprême du pays, est sorti de sa réserve en accordant une interview à notre confrère français le «Point Afrique » lors d’un récent passage à Paris. Dans cet entretien de belle facture, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances analyse et commente la situation des économies ouest africaines, l’actualité oblige avec la tenue, il y a quelques jours, du Forum Investir au Mali. En homme avisé, il a aussi fait des propositions afin que le Mali puisse sortir de la crise multidimensionnelle qui le secoue depuis quelques années.
A la question de notre confrère du Point Afrique, je cite : «Le Mali a de sérieux problèmes de gouvernance, avec votre expérience de l’intérieur, quelles sont les idées qui pourraient être mises en place pour y remédier ? » Igor répond : «Il existe aujourd’hui au Mali un réel sentiment de trouble et d’inquiétude quant à l’avenir, alors que mon pays est jeune, volontaire et créatif. C’est pourquoi, je suis convaincu que la solution, les solutions, devrais-je dire tant les problèmes sont multiples et divers, viendra d’un renouveau du lien entre les citoyens et l’État.
Il faut absolument recréer cette connexion, redonner aux gens le sentiment que leur futur est entre leurs mains et que leur engagement sert à construire et non à porter au pouvoir des gens qui leur tournent le dos sitôt en place. Et pour faire vivre ce nouveau lien, ou sa réactivation, il faut une prise de conscience citoyenne. Il existe aujourd’hui de plus en plus d’initiatives citoyennes : groupes de discussion sur les réseaux sociaux, associations, blogs, etc. La prise de parole est dorénavant à la fois plus simple et plus facile.
Ces initiatives constituent les forces vives de notre pays, tout simplement parce qu’elles sont l’expression de la jeunesse. À ce seul titre, celles-ci sont légitimes ; mais en plus, on y trouve beaucoup d’idées intéressantes, on y rencontre de nombreux jeunes passionnés, brillants et décidés à faire bouger les lignes. C’est eux qu’il faut écouter, c’est avec eux qu’il faut dialoguer, c’est leur parole qu’il faut prendre en compte, parce que c’est eux qui nous sauveront. Il faut leur faire confiance ».
En d’autres termes, au regard des multiples problèmes de gouvernance, l’insécurité grandissante, Igor trouve que ce sont là les préoccupations majeures du peuple malien. Ainsi, il invite la jeune génération à s’impliquer davantage pour une régénération du pouvoir.
Abordant la question de développement, l’ancien patron de l’Hôtel des Finances soutient ceci : « Il est évident que le développement et le progrès passent par un État fort, un État présent dans la vie des gens, un État qui leur fournit un cadre leur permettant de s’épanouir et de réguler les conflits. Bon, une fois que l’on a dit cela, on regarde les moyens dont l’État dispose pour être présent partout sur le territoire, pour construire écoles et hôpitaux, routes et ponts, barrages et infrastructures de tous ordres pour assurer la sécurité, etc. Même si je suis convaincu que l’on peut faire beaucoup d’économies budgétaires, mieux percevoir taxes et impôts et mieux utiliser notre argent, il n’en reste pas moins vrai que nos pays restent parmi les plus riches de la planète ».
Pour cela, Mamadou Igor Diarra fait encore appel à la jeune génération en ces termes : « nos pays sont riches d’une jeunesse incroyablement courageuse et résiliente et je pense que l’on peut compenser le manque d’argent par une volonté farouche d’avancer et de construire. Autrement dit, rétablissons, favorisons et encourageons une conscience citoyenne, vertueuse et lucide, un état d’esprit positif et volontaire, et je suis certain que les mécanismes qui font avancer la société n’en seront que plus fluides et plus efficaces.
Et, bien entendu, c’est là que l’État intervient, en étant lui-même exemplaire, vertueux, lucide et courageux. Nous n’avons pas d’autres choix que de travailler pour cette nouvelle dynamique. En tous cas, j’en suis personnellement absolument convaincu, c’est une nouvelle relation entre État et citoyen, une nouvelle connexion qui nous fera construire au Mali un État fort, un État respecté, un État agissant ».
D.Y avec le « Point Afrique »
L’Espérance