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#MaliSansEsclaves-Kayes : à Lany Tounka, « ceux qui sont persécutés décidés à aller jusqu’au bout… »

L’esclavage par ascendance, aboli en 1905 au Mali, est une pratique de plus en plus décriée dans la région de Kayes. Les cercles les plus touchés par le phénomène sont ceux de Yélimané, de Kayes, de Kita, de Nioro et celui de Diéma. A Lany Tounka, certains descendants d’esclave persécutés disent vouloir mener la lutte jusqu’au bout pour s’affranchir.

 

Le 5 avril 2020, dans le village de Lany Tounka (Kayes), plusieurs personnes s’opposant à l’esclavage par ascendance ont été agressées. Ces incidents ont occasionné un mort ainsi que plusieurs blessés dont des personnes du troisième âge, des enfants et des femmes. Des maisons appartenant à ceux qui sont considérés comme des descendants d’esclave ont été brûlées. « La tournure que prend cette affaire est très inquiétante », a fait remarquer à Benbere le président du Rassemblement malien pour la fraternité et le progrès (RMFP) de Kayes, Djaguili Maro Kanouté. Créée en 2017, cette association lutte contre la pratique de l’esclavage par ascendance.

Dans un communiqué daté du 9 avril 2020, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a condamné ces actes et s’est dit préoccupée par la recrudescence de la violence liée à la pratique de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes. Elle a recommandé aux autorités « de poursuivre et traduire en justice les auteurs, co-auteurs et complices de ces abus des droits de l’homme ». Aussi, la Commission a-t-elle tenu à rappeler les dispositions de l’article 2 de la Constitution du Mali : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, la religion et l’opinion politique est prohibée ».

La brigade territoriale de la gendarmerie de Kayes, en charge de ce dossier, continue toujours ses investigations. Déjà, une trentaine de personnes, soupçonnées d’être impliquées dans ces agressions, ont été interpellées et mises à la disposition de la justice. Le maire de la commune de Sony, M. Gaye N’Diaye, qui avait accepté dans un premier temps de nous parler, a refusé au dernier moment. Il en est de même pour le Sous-préfet de l’arrondissement d’Ambidedi, que nous avons tenté de joindre sans succès. Il n’a pas daigné réagir à nos sollicitations.

« C’est notre coutume à nous » 

Dans cette montée des tensions entre ceux qui se considèrent comme maîtres et les descendants d’esclave, depuis 2018, les deux camps s’accusent et se rejettent la responsabilité. « Pour ne pas éveiller les soupçons et justifier leurs actes, les pro-esclavagistes ont toujours tenu une position jusque-là ambigüe », explique Mamadou Kanouté, l’un des blessés de cet incident de Lany Tounka, en soins à Kayes. Selon lui, si les autorités ne s’investissent pas dans la résolution de cette question, le pire est à craindre, car « ceux qui sont persécutés sont décidés à aller jusqu’au bout », prévient-il.

Sékou Traoré, qui vit en France et avec qui nous avons échangé sur le sujet via WhatsApp, accuse quant à lui : « Je détiens des preuves que 38 000 euros ont été mobilisés depuis la France par les pro-esclavagistes pour ‘’terroriser’’ toutes les personnes qui s’opposent à cette pratique dans le Gadiaga.» Nous précisions que nous avons pu vérifier ces preuves qu’il affirme détenir. Il est lui aussi considéré comme descendant d’esclave. Un habitant du village de Fégui, favorable à la pratique de l’esclavage par ascendance, que nous avons contacté par téléphone, explique que « le fond du problème ne date pas d’aujourd’hui ». Il ajoute : « Ce sont eux-mêmes (descendants d’esclave) par leurs grands-parents qui ont signé des pactes de soumission. C’est dans ce pacte que nous leur avons attribué des espaces cultivables et d’autres biens. Maintenant qu’ils ne veulent plus se soumettre, qu’ils rendent simplement nos terres et quittent le village. Ce n’est pas de l’esclavage, mais c’est notre coutume à nous. »

L’Etat doit s’assumer

La pratique de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes est connue de tous. Depuis 2018, les tensions liées à cette pratique ont occasionné le déplacement de plus de 1000 personnes officiellement. Plusieurs d’entre elles voulant s’affranchir de l’esclavage dans les cercles de Kita et de Diéma ont été contraintes de fuir la persécution de leurs anciens maîtres. En 2018, alors gouverneur de la région de Kayes, M. Baye Konaté avait effectué une visite à Kita pour préparer le retour de certains de ces déplacés.

En somme, la solution ne peut venir des protagonistes que si les autorités parvenaient à les mettre autour d’une même table pour dialoguer à travers un forum régional sur la question de l’esclavage par ascendance. La diaspora « kayesienne » peut peser de tout son poids dans la balance en sensibilisant les familles qui s’affrontent.

« Tant que les autorités maliennes resteront dans le déni et refuseront de reconnaître ces atteintes aux droits humains pour ce qu’elles sont, en criminalisant l’esclavage par ascendance, les défenseurs de ce système féodal continueront à prétendre qu’il ne s’agit ici que de coutumes et non d’esclavage, et des personnes continueront à se faire discriminer et marginaliser socialement et économiquement au Mali sans que la loi ne puisse réellement les protéger. », écrivait il y a quelques mois Marie Rodet, historienne et maîtresse de conférence à la School of Oriental and African Studies (SOAS, Londres) dans une tribune sur Benbere.

Source : Benbere

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