L’ouverture au dialogue avec les groupes djihadistes serait-elle la réponse à tous les maux ? Selon Ibrahim Yahaya Ibrahim, analyste principal pour la région du Sahel à l’International Crisis Group, la question a le mérite d’être posée. D’ailleurs, lui en est persuadé, il faut que le dialogue s’installe. Toutefois, la France, très engagée dans la région, y est fermement opposée.
Dans leur rapport «Speaking with the “Bad Guys”: Toward Dialogue with Central Mali’s Jihadist», l’International Crisis Group revient sur l’idée d’entamer des négociations. Selon eux, il existe à ce jour une possibilité de discuter avec la Katiba Macina, groupe dirigé par l’islamiste Amadou Koufa. Une initiative crédible pour beaucoup qui déplorent à ce jour l’absence d’une “bonne option” afin d’aider la situation à se décanter et libérer le Mali de la constante menace islamiste. Pire encore, le conflit semble s’intensifier au Mali ou le nombre de victimes ne cesse d’augmenter.
Négocier, une idée de 2017
L’idée d’un dialogue elle, a été ouverte dès 2017, à l’occasion d’une Conférence d’entente nationale. Depuis, celle-ci est quelque peu tombée aux oubliettes avant d’être finalement remise au goût du jour. Le choix de la Katiba Macina lui, n’est d’ailleurs pas anodin. Contrairement aux groupes d’Al-Qaida ou de Daesh, celui-ci est directement né dans les entrailles du Mali. De plus, le leader peul du groupe est un local et ne cesse de jouer sur ce point afin de recruter de nouveaux membres. Localisé dans le centre du pays, là où les attaques sont de plus en plus fréquentes, il pourrait s’agir ici d’une excellente première approche afin de mettre en place cette stratégie qui, si elle est risquée, permettrait d’endiguer des violences de plus en plus inquiétantes.
De nombreux obstacles
Les cellules de la Katiba Macina, bien qu’éparpillée, gravitent autour d’un noyau de combattants entraînés et au fait des méthodes militaires. La voix d’Amadou Koufa, entendue et respectée a effectivement énormément d’importance et le pouvoir d’influence qu’il détient sur ses hommes est assez important. En revanche, il existe à ce jour, quelques obstacles contraignants. Outre le refus des autorités françaises de négocier, l’État malien semble être encore quelque peu frileux à cette idée. Enfin, il va falloir réussir à convaincre les djihadistes de la réelle volonté de vouloir collaborer, eux qui voient le Mali comme une nation loin d’être en accord avec leurs idéaux. Ces derniers réclament l’instauration de leur vision de l’Islam à tous les Maliens, mais aussi et surtout la fin des relations avec l’Occident et la France notamment. Une vision trop éloignée de ce à quoi le Mali tient.
La France doit s’ouvrir à de nouvelles solutions
Enfin, la Katiba Macina est une petite composante du Jnim, groupe dont les leaders ont prêté allégeance à Al-Qaida. Résultat, Amadou Koufa ne dispose pas de toutes les libertés et les marges de manœuvres sont forcément réduites. Même s’il tient les rênes de son organisation, la pression de ses alliés pourrait être telle qu’il pourrait finalement décider de couper le dialogue. Dans tous les cas, une solution va devoir être trouvée et mise sur la table, au risque de voir la France s’embourber au Mali comme a pu le faire Washington en Afghanistan où la lutte sur place pouvait s’apparenter à la continuité de la lutte contre les actions terroristes menées sur son sol.