Kati continue de faire peur à Bamako. C’est en tout cas l’impression qui s’est dégagée à l’issue de la rencontre entre le Premier Ministre, Dr Boubou Cissé et les leaders du collectif Sirako de Kati.
Sur initiative de la Primature, cette rencontre devrait lever le blocus sur la route Bamako-Kati-Djidjeni-Kolokani. Meme si elle a duré plus de 3h, elle était beaucoup plus un dialogue entre copains que de solution pour une issue heureuse à cette situation qui paralyse le pays.
En effet, depuis le 23 Aout dernier, des jeunes sur le tronçon Kati-Djidjeni-Kolokani-Kayes et Diboly avaient décidé de bloquer tout trafic sur ce trajet. Si par endroit, notamment à Kayes et Diboly le blocus n’a duré qu’une seule journée, des localités comme Kati, Kolokani ont décidé de maintenir cette paralysie.
Conséquences, arrêt de tout trafic sur ce tronçon, et perte économique conséquente à notre pays,( 2,5 milliard par jour) selon le chiffre donné par le Premier Ministre Dr. Boubou Cissé, lors de cette rencontre.
Arrivée en grand nombre aux environs de 10h à la primature, la délégation du collectif Sirako, conduite par ses leaders Adama Ben Diarra dit le Cerveau, El bachir Thiam et Fanta Syabou Traoré, avait posé au préalable des conditions au protocole de Dr. Boubou Cissé avant la rencontre. Il s’agissait de l’interdiction dans la salle d’audience de toute presse publique, et de téléphone portable. Chose à laquelle se plie Dr Boubou Cissé.
Dans la salle de conférence de la primature, le Premier Ministre, après un tour de table de poignées de mains à la délégation, a souhaité la bienvenue à ses invités. « Vos revendications sont légitimes, je vous ai appelés pour qu’on en discute dans la plus grande courtoisie afin de trouver une solution » a-t-il dit à l’entame de ses propos.
Dans son intervention, le Premier Ministre a demandé aux jeunes de ne pas dévier la cause de leur lutte qu’il juge légitime, et de ne pas se faire manipuler par des politiques. Prenant la parole au nom de la délégation, le porte-parole du collectif Sirakô a fait lecture de leurs doléances qui se résument en 4 points : la démission sans délai de Mme le Ministre des Infrastructures et de l’équipement, le démarrage immédiat et effectif des travaux de reconstruction de la RN3 et de la RN4, la relance du train et enfin la relance de l’aéroport Dag-Dag de Kayes, a indiqué le porte-parole, avant de rassurer le Ministre que leur mouvement était apolitique : « La création du collectif fait suite aux nombreux accidents de route dus aux très mauvais états de la RN3 et de la RN4 » a-t-il expliqué.
Ayant pris note de l’intervention du porte-parole, le Premier Ministre, reprenant la parole, a fixé les limites et les capacités du gouvernement. À ses dires, la démission du Ministre des infrastructures et de l’équipement ne pouvait faire l’objet de discussion : « C’est le ministère le plus performant du gouvernement sous sa tutelle. Donc sa démission n’est pas à discuter » affirme Boubou Cissé.
Sur le 2e point, le Premier Ministre a précisé que l’arrêt des travaux de la construction de la RN3 et de la RN4 n’était pas lié à un problème de trésorerie : « l’argent est acquis ! » a-t-il dit. Mais à entendre Dr. Boubou Cissé, le rétablissement de la Route National 3 ne sera pas pour maintenant. Car si le montant de 78 milliards de FCFA était déjà conclu avec les partenaires pour la rétablir, le processus de décaissement et des études sur le terrain pourront prendre beaucoup de temps, a-t-il laissé entendre. Aucune réponse claire n’a été donnée par le Premier Ministre quant au démarrage des travaux de la RN3, même si la RN4 connaitra, à l’en croire, un nouveau visage avant mars 2020.
Sur la relance du train, le Dr. Boubou Cissé, sans langue de bois, a affirmé qu’elle ne serait pas possible dans un délai très bref, comme exigé par le collectif : « Elle pourra prendre des années, car il y’a un audit qui est en cours au niveau du chemin de fer et des travaux préalables à effectuer sur les rails» précise-t-il.
Quant au quatrième point, le Premier Ministre a expliqué que l’aéroport Dag-Dag de kayes était déjà opérationnel : « Il appartient aux compagnies aériennes d’emprunter cette ligne. Et ce n’est pas au gouvernement d’exiger cela » déclara Boubou Cissé.
Ainsi le Premier Ministre, après avoir demontré ses limites et capacités, a cédé la salle à la délégation du collectif Sirako pour qu’elle prenne une décision : « S’il vous plait, faites tout pour lever les barricades, car c’est une perte de 2,5 milliards par jour pour l’Etat » a supplié Boubou Cissé avant céder la salle.
A cet effet, après des échanges entre membres de la délégation, le collectif Sirako dit n’avoir obtenu rien de concret du Premier Ministre. Par conséquent, ils ont décidé de maintenir et de renforcer les barricades jusqu’à une réponse claire et bien datée de la part du gouvernement.
Ainsi, revenu dans la salle d’audience, le Premier Ministre a retrouvé des hommes déterminés qui disent ne pas abandonner leur lutte. Le collectif Sirako de Kati maintient donc le blocus sur la route Kati-Kolokani et décide d’ailleurs de se renforcer pour se préparer à toute éventualité.
Boubacar Kanouté
Le Figaro du Mali