Bamako, – Le Premier ministre malien, Soumeylou Boubeye Maïga, a reçu un avant-projet de loi d’entente nationale destiné à contribuer au retour de la paix dans ce pays en proie aux violence jihadistes, qui inquiète les organisations de défense des droits de l’Homme.
Dans une lettre ouverte au président Ibrahim Boubacar Keïta transmise à l’AFP dans la nuit de mardi à mercredi, 32 organisations, dont l’Association malienne de défense des droits de l’Homme (AMDH) et la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) le mettent en garde contre “le double risque d’impunité et d’arbitraire” d’une telle loi.
Dans son message de fin d’année, M. Keïta avait annoncé une proposition de loi “d’entente nationale” exemptant de poursuites “tous ceux impliqués dans une rébellion armée”, à condition qu’ils n’aient “pas de sang sur les mains”.
Il avait dit s’inspirer de la “charte pour la paix, l’unité et laréconciliation nationale”, remise le 20 juin 2017, deux ans jour pour jour après la signature de l’accord de paix au Mali par l’ex-rébellion à dominante touareg du nord du pays.
La rédaction de l’avant-projet de loi a été confiée au médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara, qui a remis mardi au Premier ministre le document, élaboré par une équipe d’experts.
M. Maïga précise que “le gouvernement se propose de le déposer déjà sur la table de l’Assemblée nationale, à sa session d’avril”, selon un communiqué. En le présentant, le médiateur a souligné que “le document prône, certes, le pardon, mais au contraire, n’encourage point la prime à l’impunité, encore moins la chasse aux sorcières”.
Il comprend “deux mesures importantes: l’institutionnalisation d’une Journée du pardon national dédiée à toutes les victimes et la rédaction d’une histoire générale inclusive” du Mali.
Dans leur lettre, les ONG expriment leurs réserves face à “certaines dispositions” de la charte dont s’inspire cet avant-projet, considérant que leur “interprétation permettrait des amnisties pour des auteurs de graves violations de droits humains”.
Elles lui demandent de “suspendre le processus de rédaction” en attendant que des enquêtes impartiales puissent être menées, “pour réellement et justement permettre de cibler et distinguer ceux qui ont le sang sur les mains de ceux qui n’en ont pas”.
La future loi “offrira une possibilité de réinsertion à ceux qui se sont laissés entraîner dans la contestation armée, mais qui n’ont pas commis l’inacceptable et qui manifestent un repentir sincère”, avait déclaré M. Keïta.
D’autres pays en proie à des violences “ont pratiqué une démarche similaire”, avait-il souligné, en référence notamment à la loi de “concorde civile” en Algérie voisine.
AFP